Coup de théâtre au dernier comité syndical du Sived-NG, syndicat intercommunal en charge de la gestion des déchets. Les élus ont en effet décidé le report d’une délibération portant sur la mise en place d’une délégation de service public pour construire l’usine de valorisation et de traitement multifilières de déchets Oréval.
c’était sans compter sur la demande exprimée par Didier Brémond, maire de Brignoles et président de la communauté d’agglomération Provence verte, de reporter le vote.
Absent au conseil, Didier Brémond avait chargé Jean-Martin Guisiano, maire de Méounes, de formuler cette requête. Après de longues minutes de débats parfois houleux et souvent teintés de malaise, le président du Sived-NG, Éric Audibert, par ailleurs maire de Montfort, acceptait de repousser le vote sur cette délibération.
Pour quelle raison le maire de Brignoles a-t-il fait capoter le vote le plus attendu du dernier comité syndical? Avec quelles conséquences? Autant de questions qui restent en suspens, notamment en raison du silence des principaux acteurs du dossier. Pourtant, ces interrogations sont essentielles…
Quel est ce « plan B » qui motive la demande de Didier Brémond?
Au moment de demander le report, Jean-Martin Guisiano avait un argument dans sa besace. Didier Brémond aurait un « plan B » pour le terrain censé accueillir Oréval. Si cela n’a pas suffi à convaincre certains élus, qui ne voyaient pas bien quel pouvait être le problème de voter cette délégation de service public même si un autre terrain devait être trouvé, cette piste énigmatique a de quoi intriguer.
Oréval, c’est peut-être une « unité de valorisation et de traitement multifilières de déchets », c’est surtout une usine où vont transiter des poubelles. Pas franchement séduisant pour les entreprises voisines de Nicopolis, cette zone d’activité chère aux yeux du maire de Brignoles. Une nouvelle extension a été votée il y a peu, et pour attirer les fleurons industriels de France et d’ailleurs, pas sûr que la présence d’Oréval soit souhaitée.
Reste que Didier Brémond n’est jamais vraiment monté au créneau pour faire barrage au projet. Pour autant, si un nouveau site devait être trouvé ailleurs, il est à parier que le maire de Brignoles saute sur l’occasion. Est-ce ce qui est en train de se produire? Peut-être (Didier Brémond n’a pas souhaité répondre à nos questions, Ndlr). Mais le calendrier interroge : pourquoi avoir attendu le jour du comité syndical du Sived-NG pour parler de cette nouvelle piste? Pourquoi ne pas en avoir parlé directement avec le président du Sived-NG? Ce dernier a d’ailleurs rappelé, lors de la fameuse réunion : « Des plans B, j’en ai vu quelques-uns. Aucun ne s’est concrétisé. »
Quelles seront les retours des administrés lors de la concertation?
Une date, un lieu, un beau site web. Oréval, c’est un projet qui doit être partagé avec la population. Une concertation publique est d’ores et déjà programmée le 16 novembre, au hall des expositions de Brignoles, avec pour objectif de présenter « les enjeux » qui existent autour de cette fameuse concertation. Une concertation qui va donc se dérouler dans un contexte un peu particulier : les élus ont donné un coup de frein au projet en repoussant la délibération…
« Je vais avoir l’air fin à la tribune », soufflait Éric Audibert lors du dernier comité syndical. « Il faut la reporter. qu’est-ce qu’on va dire? », se demandait Jean-Pierre Véran, maire de Cotignac, lors de ce même comité. Pour certains élus, le report de la délibération remet en question la concertation.
Le public pourrait se sentir lésé par le retard pris par l’usine. Car cela pourrait vite se faire ressentir sur le montant la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) que paient les administrés. C’est, peu ou prou, ce que disait Frank Péro, maire de Bras, lors du comité. Le principe de cette usine étant de réduire la part des ordures qui reste à enfouir, son utilité est capitale pour l’avenir du territoire.
Quel rôle l’État peut-il jouer dans cette affaire?
« La Dreal a effectué un contrôle à l’Installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) de Ginasservis. » Éric Audibert le sait: la gestion de la compétence « déchets » est scrutée par les services de l’État. Ce qui n’est pas pour rassurer le maire de Montfort. Pas plus que les rumeurs qui évoquent un durcissement des conditions d’obtention des arrêtés d’exploitation pour cette ISDND.
L’exploitation de l’ISDND est conditionnée par la mise en service d’Oréval : la capacité de stockage à Ginasservis n’est pas extensible. Ce n’est que grâce aux tonnes de déchets valorisées par Oréval que le l’ISDND ira au bout de son temps d’exploitation.
Et après? Il faudra un nouveau site d’enfouissement, avec des normes sans doute encore plus sévères. Et si Oréval est retardé? L’ISDND arrivera plus vite à saturation, avec des déchets qui n’étaient pas censés s’y retrouver. Pas de quoi donner le sourire aux services de l’État.
L’avenir du Sived-NG est-il en jeu?
Après les attaques plus ou moins assumées émises lors du conseil communautaire de Provence verte, la semaine précédente, l’affaire du comité syndical n’est pas de nature à rassurer ceux qui estiment nécessaire cet outil. Sa mission, c’est gérer la compétence « déchets » pour l’agglomération, mais aussi pour les communautés de communes « Cœur du Var » et « Provence Verdon ». Une mission que certains, visiblement, estiment pouvoir mieux accomplir eux-mêmes.
C’est en tout cas ce qu’on peut interpréter lorsque Jean-Martin Guisiano émettait, lors du conseil de Provence verte, le souhait de « parler directement avec Pizzorno « . Soit exactement la mission du Sived-NG. Reste que la dissolution du syndicat intercommunal n’est aujourd’hui pas à l’ordre du jour. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne le sera jamais.
L’avenir d’Oréval est-il remis en cause?
« Il n’est pas question de remettre en question la décision de construire Oréval, mais juste de trouver le site adéquat. » Jean-Martin Guisiano l’assure : Oréval n’est pas menacé. Reste que la décision de reporter le vote n’est pas franchement un signe de progrès.
« Un pas en avant, deux pas en arrière », comme le disait Hervé Philibert, maire de Ginasservis. Si les élus souhaitent réellement que le projet avance, il faudra peut-être changer de braquet. Et malgré les soubresauts que connaît Oréval, on n’imagine pas un abandon du dossier…