la France doit faire "tout le contraire de ce qu'on est en train de faire" pour ne pas rater le train


secteur clé dont dépend la puissance des grands pays dans les prochaines décennies lancé il y a six mois pour mettre un coup d’accélérateur au développement de l’IA en France une législation unique au niveau mondial. Asma Mhalla, politologue, spécialiste des enjeux géopolitiques de la tech, vient de publier Technopolitique comment la technologie fait de nous des soldats (Seuil). Invitée de franceinfo, mercredi, elle estime que la France doit faire face à « des enjeux de souveraineté technologique absolument vertigineux ». Selon elles, les réponses à ces enjeux sont en grande partie contre-intuitives.

entre autres, que se joue le leadership mondial pour les 30 prochaines années ?

la France doit faire

Asma Mhalla : C’est absolument là-dessus. Cela cristallise la rivalité géostratégique États-Unis-Chine, pour une raison très simple, c’est que ça va être le carburant d’une forme de suprématie militaire.

Militaire ?

Et évidemment Et en particulier de l’intelligence artificielle à usage militaire comme ça, essentialisée, ça ne veut pas dire grand-chose.

notamment celle qui est capable de produire du son, de l’image, du vidéo.

Contre-intuitivement, c’est de faire tout le contraire de ce qu’on est en train de faire. Parce que le monde est en train de s’emballer, parce qu’il y a une accélération et une prolifération technologique, il faut, au contraire, quand on est un petit pays périphérique comme la France, décélérer, arrêter avec les comités théodule.

Un petit pays périphérique ?

Oui, nous sommes un petit pays périphérique avec des enjeux de souveraineté technologique absolument vertigineux dans un monde qui est en fait aujourd’hui chaotique et de plus en plus conflictuel, et même militarisé.

Donc il faut choisir ses combats, en fait, c’est ce que vous nous dites.

C’est exactement ça.

Il y en a plein, des rapports ! Des guidelines, des rapports, des notes, on en a maintenant des tonnes, littéralement. La question n’est pas de les cumuler et de faire de la communication politique, c’est de s’arrêter deux secondes et de se demander où va-t-on. Qu’est-ce qu’est la France dans 40-50 ans ? Si vous posez la question à des Russes, à des Chinois, à des Américains, à des Turcs, à des Israéliens, ils le savent. Si vous posez la question à un Français, on ne sait pas.

Vous avez parlé de Mistral AI qui est le champion français actuellement. Arthur Mensch, l’un des fondateurs, était tout récemment l’invité de franceinfo. Vous parliez de la vitesse, lui aussi, il en parle. Arthur Mensch estime que Mistral a démontré qu’il peut « aller très vite » et que « Mistral fait partie des grands fournisseurs ».

On a perdu tout un pan de la chaîne de valeur de l’intelligence artificielle. Et ce qu’on observe, c’est que les géants technologiques américains, Microsoft en l’occurrence, se posent comme une infrastructure-socle à partir de laquelle se déploie tout le reste, y compris des solutions dites souveraines.

Ce qui est en train de se passer, quand par exemple Mistral noue un partenariat avec Microsoft, c’est que tout ce qui commence à être développé en France va partir aux États-Unis ? C’est le risque ?

Ce n’est pas un risque, c’est une réalité. Et dès l’instant où on pose cette hypothèse de départ, alors oui elle fait mal. Mais si on arrive à se faire mal, à poser le bon diagnostic pour proposer la bonne médication, faisons-nous mal et essayons de comprendre. Essayons de trouver de nouvelles formes de gouvernance, de nouvelles formes d’articulation transatlantique, puisque visiblement, nous n’arrivons pas à faire sans les géants technologiques qui sont aujourd’hui des points nodaux : littéralement, vous ne pouvez pas les éviter. Et Mistral, c’est le cas d’école. Il faut arrêter avec la pensée magique et se poser la question de savoir comment est-ce qu’on travaille avec eux.

alors qu’actuellement, c’est 10 000.

C’est très intéressant en soi, et il le faut. Il faut absolument qu’on acte la fusion civil-militaire, parce qu’en fait, c’est la recette du succès. C’est la recette américaine, c’est la recette chinoise. Mais en fait, le système d’innovation national français est illisible. Et quand on le dit, on nous répond : oui, mais en fait, il faut absolument que ça essaime, c’est l’innovation, ça va sortir du terrain, etc. Mais non. Si vous ne fléchez pas, si vous ne savez pas où vous allez, ce n’est pas de l’essaimage, c’est du bazar.