Reconversion professionnelle  : 5 architectes d’intérieur nous livrent leur parcours


J’ai travaillé pendant 15 dans la mode au sein du groupe LVMH, à des postes différents : développement business, achats, marketing…  Passionnée de mode mais aussi d’architecture et de décoration, j’aime regarder comment c’est chez les gens, comment ils vivent. Les intérieurs sont un révélateur de personnalité au même titre que les vêtements. Après 15 ans dans la mode, que j’ai adoré, j’avais envie d’explorer une autre facette de moi. On est dans une époque où on peut se réinventer, essayer un autre métier. Pour moi, ce sont des métiers connexes, similaires : deux métiers avec des matériaux, des couleurs, on part d’une idée, d’un concept. On raconte des histoires autant pour les collections de vêtements ou d’accessoires que la décoration d’un appartement, c’est la même idée du fil rouge.C’est intellectuellement semblable. Ce changement s’est donc fait dans la continuité et très naturellement. La recherche du Beau et de l’esthétisme est présente dans ces deux métiers. Les vêtements disent une chose de notre personnalité et les intérieurs aussi. Aussi, l’aspect humain me plait beaucoup, j’aime beaucoup les gens et échanger avec eux. Dans mon métier antérieur, j’étais côté business mais en contact avec la création. Maintenant j’explore plus la création qui elle-même est liée au business. Avant j’accompagnais la création, maintenant je pilote les deux côtés. 

Reconversion professionnelle  : 5 architectes d’intérieur nous livrent leur parcours

La recherche du Beau et de l’esthétisme est présente dans ces deux métiers

  • Quelle formation avez-vous suivie ? Comment l’avez-vous trouvée ? Comment l’avez-vous financée ? 

Cela m’a longuement travaillé, j’ai acheté mon premier appart il y a dix ans que j’ai refait. J’aidais aussi des amis à repenser leur appart et leur déco que je faisais sur un bout de table. Et au bout d’un moment, vers 40 ans, je me suis dit “ça y est, je me lance !”. J’ai quitté mon entreprise et j’ai choisi de faire une formation au LISAA qui propose un programme en 1 an de design intérieur et décoration. C’est une formation courte et complète qui permet d’acquérir les bases et qui a l’avantage d’être intégrée dans une école d’architecture : les  interventions d’architectes en exercice ont une approche très concrète du métier et on dispose de tous les outils pour créer son agence par la suite. Une formation qui donne tous les outils clés en main : gestion de projet, aspect juridique. C’est assez exhaustif. C’était nécéssaire pour moi de répondre à la question de la légitimité qui m’interrogeait et cela m’a permis d’asseoir cette dimension académique. Même si mes clients ne me demandent finalement pas mon diplôme, c’est rassurant. 

  • Pouvez-vous nous parler de la formation ? Quelles ont été les contraintes et ou difficultés rencontrées ? Qu’est-ce qui vous a le plus plu ? 

La formation a duré un an avec une partie cours et une partie stage. Ce sont vraiment des bases que l’on est amenés à approfondir en fonction des projets. Cela permet aussi de se constituer un réseau et l’école permet de se faire un réseau de pairs. C’est aussi à ce moment que l’on forme un nouveau cercle de collègues architectes avec qui on lie des amitiés professionnelles (aller ensemble aux salons, voir des expositions, se donner des conseils… ) J’allais en cours et je travaillais sur mes différents projets. C’était intense, un peu douloureux pour être honnête.  J’aime beaucoup travailler et j’avais besoin de sentir que les choses s’enchaînent. 

J’ai aimé le côté professionnalisant  : 2 projets à rendre pendant l’année. Un appartement à refaire avec un brief client. On apprend à travailler avec les différentes étapes archi. Finalement c’est une synthèse de toutes les notions qu’on apprend : brief, 1er plan, plan projeté, plan matérialisé. On le transpose dans la réalité, comment on exprime ses idées, comment on le traduit pour les entreprises techniques (menuiseries, techniques, plomberie…) C’est une super manière d’apprendre. Les aspects juridiques de la profession ne sont pas forcément faciles à appréhender. On nous livre une version vulgarisée mais ces B.A. BA. sont indispensables. 

  • Pouvez-vous nous raconter le lancement de votre activité ? Comment avez-vous trouvé votre premier chantier ? Comment cela s’est passé ? 

Mon stage a été très intéressant et m’a permis de voir comment les autres font. En parallèle de la formation, j’ai tout de suite créé mon agence. J’aimais cumuler les deux et être confrontée directement au réel. J’ai pu avoir de l’aide juridique et technique. C’était très rassurant et on gagne beaucoup de temps. J’ai fait mon stage en agence avec des projets plus complexes. Cela m’a permis de rencontrer d’autres architectes et une mentor à contacter. Cela permet de se créer un cercle professionnel. 

Ça a commencé par des cercles de proches, d’amis qui m’ont confié leur rénovation. Des amis d’amis et ensuite Instagram, un outil assez puissant qui m’amène des clients complètement extérieurs. Maintenant c’est 50% bouche à oreille  50% Instagram. C’est une clientèle intéressante car ils viennent nous chercher pour notre style. Il y a des archi qui s’adaptent, mais je pense qu’inconsciemment ou sciemment on apporte un style, une patte. Le registre du beau est proche et la confrontation est fertile.

  • Comment se passe cette reconversion depuis ? 

Ça se passe bien, les projets s’enchaînent naturellement. Mon challenge est de tout gérer et de répondre à toutes les demandes.  Je me suis beaucoup investie et il faut équilibrer la vie pro et vie perso. Cette année, c’était plus un enjeu de structuration : apprendre toujours plus mais garder du temps perso. Je travaille maintenant avec une chef de projet et un stagiaire. L’expérience pro antérieure apporte et compte aussi en accélérateur sur différents aspects. On change de métier mais on crée une entreprise, c’est une double problématique. Mon bagage d’école de commerce m’a aussi beaucoup servi. 

Quand on crée une entreprise, on est seul. Après avoir travaillé 15 ans en entreprise, c’est pas évident d’être tout le temps seul sans collègue. C’est bien de pouvoir échanger, se confronter à quelqu’un qui a un œil d’archi, c’est riche. J’aime beaucoup travailler en équipe, ça me nourrit. Il y a deux métiers, donc deux changements. J’ai préféré faire le grand saut, ça faisait vraiment partie de mon projet, j’avais envie de donner de la voix à cette partie créative que j’ai en moi (et mon passé dans la mode ne vient pas de nulle part). J’avais envie d’exprimer cette partie créative en moi. 

J’avais envie de donner de la voix à cette partie créative que j’ai en moi

  • Qu’est-ce que vous donneriez comme conseil aux personnes qui ont envie de se lancer ? 

Pour ma part, c’était un double enjeu : d’un côté le changement de métier et de l’autre, la création entreprise, qu’il ne faut pas oublier. Dans le métier d’architecte d’intérieur, il y a une vraie dimension créative et une autre business dans laquelle il faut être à l’aise. Il ne faut pas sous-estimer cette part. Il y a beaucoup d’humain, de proximité, avec les entreprises, les clients. On rentre dans l’intimité des gens, c’est un vrai accompagnement. Il faut faire preuve d’un grande écoute, de psychologie. On ne s’y attend pas au début. C’est un vrai investissement émotionnel qui peut être aussi un peu flou, les gens ne se rendent pas compte que c’est un métier. 

Les relations professionnelles sont différentes et particulières car c’est lié à l’intime, il y a double critère d’entente et de personnalité. Mais on sent rapidement si ça va marcher. Il faut qu’une vraie connivence s’installe. C’est un rapport professionnel à personnel, ça crée du lien mais si c’est asymétrique. 

  • Quels sont vos prochains projets et objectifs ?

Mon premier cap serait d’embaucher. Un projet plus commercial se profile à l’horizon 2022 et d’autres problématiques, de nouveaux enjeux, de nouvelles questions aussi… La palette d’expression s’étend et j’adore être nourrie de nouvelles choses ! J’aimerais continuer à créer une équipe soudée, créer un réel échange autour des différents projets. J’ai besoin de ce ping pong d’idées, cette émulation collective… ça augmente le champ des possibles ! J’ai aussi investi dans un petit bureau qui permet de recevoir et cela me permet aussi de couper quand il faut couper !