Mon premier souvenir de football, c’est quand je jouais avec mes frères dans le jardin de notre campagne bigoudène. Avec mon frère Benoît, on est partis à Rennes, j’y ai fait mes classes jusqu’à l’équipe professionnelle. J’ai signé trois ans mais je n’y ai joué que deux saisons. Je suis resté trois ans en Ligue 2 à Laval puis je suis parti en Belgique. Ça a duré six mois, je me suis blessé assez vite. J’ai pris la décision d’arrêter, je me suis dit que ce n’était pas là que j’allais faire mon avenir : à 27 ans, quand on n’est pas en Ligue 1 ou Ligue 2…
Et donc une carrière d’éducateur ?
Je menais en parallèle un parcours universitaire. La fin de ma carrière footballistique coïncide avec les derniers mois du doctorat. Je suis allé à Wasquehal pendant un an et demi, j’y ai passé le 2e degré, le DEF à l’époque. J’ai rappelé Patrick Rampillon, à Rennes, et j’y ai fait huit ans comme éducateur et terminé mon doctorat. Puis j’ai rencontré Christian Gourcuff, qui cherchait un nouveau directeur de centre à Lorient. Le courant est très vite et très bien passé, ça a duré dix ans. J’étais en même temps entraîneur des U17, puis de la réserve et l’été dernier, j’ai changé de couloir. (Rires)
Hugo : Vous parlez de Christian Gourcuff comme d’une référence, comment s’inscrit-on dans sa succession tout en développant sa propre philosophie ?
J’ai retenu premièrement que le cadre éducatif compte autant que le match qu’il y a à jouer. Le deuxième point important, c’est la coopération : la manière dont les joueurs s’associent et ça, dans le football actuel, c’est quand même assez rare. Il est devenu très individualiste, comme notre société. Je ne suis pas un clone, ni une copie conforme et je ne souhaite pas l’être. Je pense que l’on fait toujours moins bien que l’original ! Pendant plus d’une heure quinze, Régis Le Bris a répondu sans esquiver aucune des questions des lecteurs du Télégramme. (Xavier Dubois/Le Telegramme)
Benoît : J’ai l’impression que le langage est super important, est-ce que c’est ça la touche Le Bris ?
Le passé de formateur m’aide beaucoup. Vingt ans en centre de formation c’est de la relation avec des jeunes joueurs. C’est créer un environnement d’apprentissage favorable et du coup la pédagogie, la relation avec les joueurs, le staff, la place de l’erreur qui est vraiment fondamentale. Dans un sport de haut niveau, l’erreur peut-être considérée comme négative, pour autant elle est aussi hyper constructive. On ne crée pas de moule, de modèle à exécuter. Mon rôle c’est de créer les conditions de leur expression.
Benoît : On a vu de grosses différences par rapport à l’an dernier avec quasi le même effectif. L’arrivée d’un préparateur mental a-t-elle joué un rôle ? Lequel ?
pour qu’ils prennent leurs responsabilités et se dépassent en compétition. Parce que la compétition nous pousse toujours dans nos retranchements, nos limites et les limites ce sont les joueurs qui font des erreurs qui sont vues par les 16 000 spectateurs du Moustoir. Ils ont le choix : soit ils mettent le couvercle et passent à autre chose, et dans ces conditions on n’avance pas beaucoup. Soit ils sont capables de les aborder, et on avance.
Jean-Paul : Y a-t-il eu des moments de tension avec cette méthode ?
Un peu au début, car discuter de ce qui ne va pas devant un groupe ce n’est pas dans la culture ! Le joueur peut se sentir attaqué. Les mardis, mercredis et jeudis matin, on revient en vidéo sur les problématiques de jeu. On regarde des séquences où les joueurs sont en difficulté. Aujourd’hui, ils s’expriment sans arrière-pensée sur leurs erreurs, devant tout le groupe.
Benoît : Ça a toujours marché cette méthode, je pense notamment à Mattéo Guendouzi qui a une réputation de forte tête, ce discours est bien passé avec lui ?
Ça a été le levier pour que ça se passe bien. Tous ces footballeurs ont dû franchir des obstacles incroyables pour se retrouver là. C’est une élite qui se nourrit d’un désir supérieur. Quand ce désir n’est pas satisfait, la frustration s’exprime et de différentes manières. Mattéo pouvait être agacé, excessif mais au fond de lui-même, il voulait devenir un meilleur footballeur donc quand on lui explique ce qu’il est et ce qui lui manque pour devenir un meilleur footballeur, il adhère et ça canalise son énergie. Parler football, être clair, permet de canaliser ces joueurs-là qui sont des Formule 1 et j’adore avoir des Formule 1 ! Ils venaient de Quimper, d’Auray, de Gourin, de Carnac et de tout le pays de Lorient pour poser leurs questions à l’entraîneur du FC Lorient. (Xavier Dubois/Le Telegramme)
Hugo : Le début de saison a été exceptionnel, comment vous avez géré ces moments ?
Ce n’est pas si simple de gérer le succès, mais à choisir je préfère ça ! On se doit, en tant qu’entraîneur, de guetter les signaux qui pourraient être ceux de la future dégringolade et la vidéo nous aide beaucoup. La gestion du succès c’est aussi des joueurs plus courtisés, plus médiatisés, des gens qui leur disent qu’ils sont très forts, qu’ils peuvent potentiellement aller dans un autre club… mais ça, c’est encore un autre sujet !
Martine : Justement, que pensez-vous du mercato hivernal, doit-il avoir lieu ou pas ?
Je ne suis évidemment pas pour, mais on doit faire avec. Sur le plan de l’équité sportive, c’est très discutable. Les clubs peuvent s’endetter incroyablement et changer complètement leur équipe à la mi-saison et se retrouver dans le rouge l’été suivant…
Vous donnez quand même un avis ? Est-il pris en compte ?
J’en parlerai au 1er février (lendemain de la clôture du mercato, NDLR) ! C’est plus qu’une consultation, c’est un travail main dans la main.
Quel rapport avec Loïc Féry et le nouvel actionnaire ?
Je n’ai pas encore rencontré le nouvel actionnaire. Avec Loïc Féry, les rapports sont excellents depuis dix ans. J’ai toujours senti que je pouvais m’exprimer au FC Lorient. On n’a jamais été sur des niveaux budgétaires pour concurrencer les plus grosses formations de France mais on a pu, vraiment, s’exprimer.Quand Régis, le coach des Merlus rencontre Régis, le président de l’AS Plouharnel ! (Xavier Dubois/Le Telegramme)
Régis : Quelles relations avez-vous avec vos joueurs, le staff et comment gérez-vous le fait d’avoir Théo, votre neveu, dans l’équipe ?
J’apprécie l’exercice. Je suis obligé de trier parce que je dois rester focalisé sur mon métier mais c’est un exercice de partage hyper intéressant. Cela permet de structurer la pensée de sa méthode, donc, égoïstement, je dirais que l’exercice pour soi-même est utile.
Nadia : Cela impacte votre vie privée ?
Non. J’ai coupé tous les réseaux sociaux. Je lis la revue de presse, quand j’ai le temps. Je les ai prévenus que ce n’était pas forcément une bonne idée mais peut-être que ma femme et mes enfants les regardent plus que moi.
Hugo : La Coupe de France cela vous trotte dans la tête ?
Il fait un travail remarquable. Je lui souhaite un gros parcours en championnat, désolé pour sa coupe de France, ce ne sera pas pour cette année (rires) ! Psychologie, communication non violente, place du langage : Régis Le Bris a détaillé et expliqué sa méthode d’entraîneur. (Xavier Dubois/Le Telegramme)
Et l’Europe ?
C’est comme ça que j’ai communiqué auprès du groupe lors de ma deuxième réunion, en juillet. En 20 ans, quand on a su réunir les valeurs piliers du FCL, certaines saisons, on a fait septième. Alors, pourquoi pas nous ?
Christine : Comment choisissez-vous les joueurs ? En fonction de l’adversaire, de leur forme ?
Leur forme, oui. L’adversaire cela n’occupe que 10 % de mon temps. Quels sont les meilleurs joueurs et les meilleures associations du moment ? On a aussi une pensée sur l’évolution du scénario, comment on va gérer les remplacements…
Il faut que je me lâche un peu (rires) ! Je suis assez calme sur le terrain. Pour l’arbitrage, on en a parlé avec les joueurs très tôt : un arbitre sert le jeu. Si on passe notre temps à contester ses décisions, ça va le frustrer et ça nous sort de la concentration. En tant que club, on a aussi un rôle éducatif : si on est en permanence à dire que les arbitres ne sont pas bons, qu’est-ce que l’on renvoie comme message ?
Hugo : Ce calme, on a l’impression que vous l’avez apporté à Enzo Le Fée, quel regard portez-vous sur sa progression et jusqu’où peut-il aller ?
(Xavier Dubois/Le Telegramme)
Jean-Paul : En dehors du football, quels sont vos centres d’intérêt ?
Ma famille compte beaucoup. J’ai une femme et deux enfants et quand je suis à la maison, généralement je ne suis plus disponible pour le téléphone. Sauf le dimanche, lendemain de match c’est analyse vidéo vous aurez compris (rires). Je cloisonne.
Benoît : Allez, on met les pieds dans le plat, est-ce que Moffi va rester, et jouera-t-il contre Rennes ?
Terem, à ce jour, s’entraîne. Il gère vraiment bien la situation. On n’a jamais perdu la relation. C’est un garçon qui adore le foot, il a aussi envie de tracer sa carrière et c’est très respectable. S’il a une offre très intéressante pour aller vers le haut, qu’il soit déçu si on ne peut pas y accéder, je trouverai ça légitime et on verra s’il est capable de le gérer. Je pense que oui, mais il faudra le vivre.