Retraites : mobilisation record à Rennes… « Et maintenant, on fait quoi ? » – Rennes


L’affluence est celle des grands jours. Elle est telle que, deux heures après le début du rassemblement, la tête du cortège revient à son point de départ alors que les derniers n’en sont toujours pas partis. Ce jeudi 19 janvier, à l’appel des syndicats pour une fois unis, 17 000 à 25 000 personnes ont défilé dans les rues de Rennes. L’ampleur est telle que les affrontements entre black bloc et forces de l’ordre sont relégués au second plan. « On n’avait pas vu ça depuis 2010 voire 1995 », s’enthousiasment, en chœur, les vieux routiers du syndicalisme rennais. Deux mouvements qui, déjà, s’opposaient à des reports de l’âge de départ à la retraite ou à un allongement de la durée de cotisation.Dans la foule, Khalid et Salah sont mobilisés depuis tôt ce matin. Les deux ouvriers de l’usine Stellantis de La Janais ont débrayé au lever du jour pour grossir le rang des grévistes. À 50 et 54 ans, aucun des deux ne s’imagine travailler deux années supplémentaires. « C’est impossible. Nous, on travaille sur les chaînes de montage et je peux vous dire que c’est fatigant », témoignent-ils. Alors ils sont prêts à se remettre ça. Et tant pis si une journée de grève pèse lourd dans leur budget. « Qu’est-ce qui coûte le plus ? Un mois de salaire en moins ou encore deux ans de travail ? »

« Faire reculer Macron »

Dans l’impressionnant cortège, certains regrettent de ne pas pouvoir cesser le travail à l’envi. Arnaud et Audrey, par exemple, un couple de quadragénaires. Lui est cheminot, elle est institutrice. Tous les deux sont très remontés contre le projet « injuste » du gouvernement. Mais « un jour de grève, ça nous coûte environ 200 € », calcule Arnaud. « On pourra se mettre en grève de temps en temps mais, toutes les semaines, ça me paraît difficile financièrement. » Audrey, une BD « Indignez-vous » à la main, ajoute : « On a conscience que le gouvernement compte là-dessus pour nous essouffler. »D’autres attendent encore de voir avant de se décider à poursuivre leur mobilisation. « Moi, j’y suis prête tant que je sens que ça peut faire reculer Macron. Parce c’est toujours les mêmes qu’on pénalise », lance Evelyne, 49 ans, prof en lycée professionnel. Un sentiment proche de celui de Danielle, 60 ans, mobilisée « pour donner un avenir à ses enfants ». « J’attends de voir l’ampleur du mouvement. Si on n’est pas nombreux, ça ne sert à rien », confie-t-elle. Avant de se féliciter de voir la foule nourrie à Rennes et de s’interroger à haute voix : « Et maintenant, on fait quoi ? »

Vers d’autres manifestations

Une question tout en haut de l’ordre du jour de l’intersyndicale qui devait se réunir jeudi soir, au niveau national, pour décider de la suite. « Il y aura sans doute d’autres jours de mobilisation. C’est d’autant plus motivant quand on voit que les gens ont répondu présent », souligne David Morel, secrétaire départemental de la CFDT. Sans se risquer à prédire un long mouvement de grève, dans un contexte marqué par des difficultés de pouvoir d’achat. « On va étudier aussi d’autres formes de mobilisation, pourquoi pas le samedi. » Moins pénalisant pour les salariés.« La suite, elle dépendait du niveau de mobilisation d’aujourd’hui », estime Dominique Besson-Milord, son homologue de la CGT. « Elle est historique parce que l’immense majorité des gens ne veulent pas de cette réforme. Cette journée en appelle d’autres. » D’autant que, selon la syndicaliste, le calendrier est serré. « Deux mois, maximum, pour faire reculer le gouvernement », qui espère faire adopter son projet au plus vite. « On doit frapper vite et fort. »