Robin Rivaton : "Data, la nouvelle guerre des mondes"


Au-delà de leur captation, ce qui importe, c’est leur traitement et leur conservation. C’est sur ce terrain que se joue la nouvelle guerre des données. Et son front avancé se situe en Chine.

 

Robin Rivaton :

A l’automne dernier, le monde entier a été surpris par la disparition de Jack Ma, l’emblématique fondateur d’Alibaba, pendant trois mois. Les spéculations les plus folles ont couru. La guerre des données nous fournit une grille de lecture.

Pour le résumer froidement, le pouvoir politique chinois craint que les géants de la technologie n’utilisent leurs immenses réservoirs de données personnelles pour construire des centres de pouvoir alternatifs. C’est ainsi que le régulateur financier a retoqué, en fin d’année dernière, l’entrée en Bourse prévue de la filiale financière d’Alibaba, Ant Financial. Cette cotation aura bien lieu en novembre 2021, mais sur une valorisation de 120 milliards de dollars contre 360 milliards initialement.

La société est désormais régulée comme une banque, avec des exigences de fonds propres renforcées, mais va devoir surtout partager ses data, en commençant par celles du crédit social.  

La réalité du crédit social chinois

comme l’exonération de cautions lors de la location d’une voiture, mais son caractère holistique intéresse l’Etat. 

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Cette offensive est permise par deux lois, l’une adoptée ce mois-ci et l’autre en discussion, qui soumettent à la surveillance du gouvernement presque toutes les activités liées aux données, en s’appuyant sur l’exigence de cybersécurité. Les entreprises concernées sont domestiques, mais pas seulement. Dès 2017, Apple s’est engagé à stocker toutes les données cloud de ses clients en Chine.

C’est aussi le cas du constructeur de voitures électriques Tesla, qui a rendu publique le mois dernier sa décision de construire des data centers en Chine afin d’y conserver les informations générées par les véhicules qu’il vend à l’intérieur du pays.  

Un problème, trois solutions

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Dans le même temps, les Chinois sont de plus en plus soucieux de la confidentialité de leurs données privées. Une enquête menée par le Nandu Personal Information Protection Research Center à Pékin fin 2019 a montré que près de 80 % des répondants étaient préoccupés par les fuites.

Le gouvernement de Pékin a décidé de répondre à cette demande croissante. Un projet de loi sur la protection des informations personnelles, calqué sur le règlement de l’Union européenne sur la protection des données, va limiter les types de data que les entreprises du secteur privé peuvent collecter. Fin mai, le régulateur a rappelé à l’ordre 105 applications chinoises ou étrangères.

Apparaît donc une logique de prédominance de l’Etat sur les entités privées, différente des autres blocs.  

Aux Etats-Unis, la protection de la vie privée est principalement conceptualisée comme une protection contre les activités du gouvernement, les échanges entre consommateurs et entreprises étant régulés par le contrat. L’Union européenne a, quant à elle, décidé d’adopter un niveau élevé de protection des données à la fois de la part des entités privées et du gouvernement car cette protection est un droit fondamental de son système juridique.

La compétition entre ces modèles de gouvernance s’envenimera à mesure que les différents pays se poseront la question de la gestion des données. 

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