Publié le 21 Juil 22 à 19 :00
La Dépêche Évreux
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CH comme son père.
Mieux, il sera chef d’orchestre, sous le nom de Sevy Golden. Et il deviendra le roi.
Tu m’as fait monter sur scène.
J’avais 20 ans.
Rosita
comme Patrice Tison l’histoire de Rosita et Yves presque aussi bien – c’est lui qui a réalisé le disque (« le jour où il m’a demandé de lui écrire un titre ou deux pour Rosita, j’ai dit : oui ! »).
Mais avant d’aller plus loin, une question nous taraude : comment Sevy et Rosita se sont rencontrés ? « Nous, on s’est rencontré, on s’est rencontré, comment on s’est rencontré ? », s’interroge Yves Goupil. Rosita vient à son secours : « Je chantais dans un autre orchestre, à l’époque. J’étais avec un guitariste qui s’appelait Patrick.
J’assistais à un bal que vous faisiez à Louviers, je crois. Tu m’as fait monter sur scène. J’avais 20 ans.
Qu’est-ce que j’avais chanté ? Ce n’était pas I Will Survive ? Une chanson de Gloria Gaynor. – Ah la la, tu m’en demandes trop. – Ou une chanson de France Gall ?– Je crois que c’était France Gall, juge Sevy.
– Ah, alors c’est France Gall.Vidéos : en ce moment sur Actu– Mais nous, on s’en fout, c’est votre premier baiser qui nous intéresse, intervient Dominique Ratieuville, avant d’éclater de rire. Ben oui ! »
Aujourd’hui, les bals, c’est fini !
Sevy Golden
Bassiste : David Jacob, il est avec Trust maintenant, mais il a joué avec moi pendant des années. Il ne nous a pas oubliés.
Dominique Garriot à la guitare. Le clavier, Bruno di Miéri est un ami de toujours. » Finalement, le seul qui ne figure pas sur la liste, c’est lui, Sevy Golden, observe-t-on.
« Il s’est beaucoup retiré, Yves, quand on a décidé de faire l’album de Rosita. Il a dit : je vous laisse », confie Dominique Ratieuville. « Moi, je donnais mon point de vue avec mes oreilles, confirme Yves Goupil.
Je ne voulais pas m’immiscer dans son disque. Je voulais que ça soit son truc à elle. Les gens savent très bien que Rosita est la chanteuse du groupe Golden.
» Le groupe, justement, on y vient. Yves veut repartir comme avant. « Ce qui nous manque, c’est de jouer, avoue-t-il.
– Depuis le covid, oui ! abonde Rosita.Il ne cache pas que les temps sont durs et que le covid n’a rien arrangé à l’affaire. « Aujourd’hui, les bals, c’est fini, juge Sevy Golden.
Il n’y en a plus. Les thés dansants, il n’y a plus que ça qui marche. Les quelques personnes qui jouent encore : ce sont les duos.
Quand nous on joue, on est deux. Trois éventuellement avec Gérard Deloutre à l’accordéon ou au sax. » Toutefois, il prévient : « même si j’ai 75 ans, je n’ai pas envie de chanter Viens Poupoule ou La Java Bleue dans les thés dansants.
Et si vous commencez à cartonner un tout petit peu, à monter le volume, ils commencent à se mettre les mains sur les oreilles. Je n’ai pas envie de faire ça. En tout cas, pas des thés dansants à la papa.
Des thés dansants avec Indochine ou Elton John, oui, où Rosita chante Ed Sheeran. On a un programme très moderne », insiste-t-il.On tord la bouche quand il évoque Indochine, des générations qui ne sont pas thés dansants, qui ne dansent plus comme leurs aînés jadis.
« On va vers une extinction totale, si vous voulez mon avis. Maintenant, on voit le type ou la fille qui se pointe toute seule avec son ampli, qui va dans le restaurant du coin et qui chante sans déranger les clients qui mangent sinon les petits pois tombent de la fourchette parce que ça joue trop fort« . Avant, pour faire danser les gens, les distraire, il fallait tout un orchestre, puis le rock est arrivé, il suffisait d’un groupe resserré, puis les synthétiseurs ont fait les beaux jours des duos et enfin les DJ en solo.
Sans parler du disque et de la disco-mobile qui ont contribué à achever les orchestres de bal. « On est mal barré, admet Sevy Golden. Quand on a commencé, c’était l’époque d’Hallyday, Eddy Mitchell, les Chaussettes noires, les Chats sauvages.
Nous, on avait le groupe qui s’appelait Les Guépards – pour faire comme tout le monde. On est parti de là. C’était l’euphorie.
On a fait un malheur. On était douze sur scène. Il y avait six cuivres en ligne.
SIX CUIVRES ! Vous ne vous rendez pas compte. Maintenant, tout ça, c’est foutu. » Il referme les yeux : « très souvent, quand le groupe Golden jouait, on faisait entre 800 et 1200 entrées, tous les week-ends.
On n’était pas les seuls. Il y avait des soirées proches des nôtres, mais c’était bénéfique pour nous parce que les gens allaient d’une soirée à l’autre et finalement tout le monde allait à Golden« . Au point d’inquiéter les autorités.
« J‘ai eu des problèmes. Qui n’en a pas eu ? Ce n’était pas de notre faute, les mecs avaient 22 ans, ils déboulaient, il fallait qu’ils s’éclatent« . Il se souvient de la lettre fameuse d’un curé horrifié par les collants qu’il avait retrouvés sur les troènes de son presbytère.
« C’était un scandale, une période qu’on ne revivra pas. Maintenant, c’est foutu. Enfin, pour moi, c’est foutu.
Ce n’est plus possible. D’abord parce que les jeunes ne sortent plus« . La police a mis un terme à cette époque où chacun rentrait tant bien que mal avec peu de sang dans l’alcool.
« Maintenant, ils achètent trois ou quatre bouteilles au supermarché et font la fête chez eux. Comme ça, il n’y a pas de problème« . La fête est finie.
Il situe le point de basculement à l’arrivée des discothèques. « Les discothèques ont foutu un peu la zone. Je suis bien placé pour le savoir puisque j’en avais trois.
Aujourd’hui, on est dans le creux de la vague avec l’histoire du covid« , se désole-t-il, sans jamais détendre l’oreille. « Avant que vous arriviez, je faisais écouter Keen’V à Dominique. Quand vous écoutez Outété, vous avez envie de bouger, c’est un zouk.
Lui a tout compris. Ça, ça va être à notre répertoire au prochain gala. Parce que je suis persuadé que ça va marcher.
Pour lui et pour nous. » Ce radar à tubes, « c’est ce que les gens ont apprécié chez nous, juge-t-il. On était toujours, toujours dans le coup.
Le dernier morceau qui sortait : tac ! Le dernier Hallyday : tac ! Le dernier Claude François : tac ! »
À Louviers, on est sur la voie de garage.
Sevy Golden
Un nuage passe. Son visage s’assombrit.
« À Louviers, on est sur la voie de garage. On ne fait plus appel à nous, jamais, se désespère-t-il. Depuis le fameux disque Sur la route de Louviers que nous avait commandé le maire.
J’avais été chercher du lourd. Toutes les pointures. On a enregistré en catastrophe.
On a mis dessus une voix qui est à chier. La mienne. Il fallait faire vite.
Il fallait que ça sorte. On n’a même pas eu le temps de dire ouf, rien du tout. On nous a reproché la pochette pour nous en imposer une qui n’a pas de gueule.
On a sorti une merde, jure-t-il. Pressée à dix mille exemplaires, distribuée n’importe comment. » Cette histoire pourrait être anecdotique, mais pas pour un perfectionniste comme lui.
« J’aimerais être Mimie Mathy et claquer des doigts pour faire disparaître ce disque, tellement c’était de la merde !, s’agace-t-il. Ça me fait tellement mal au cœur, ce truc-là, que je vais refaire les voix de cet album et ressortir Louviers ma ville, rien que pour le plaisir », promet-il. L’affaire froissera sa relation avec le maire de Louviers, François-Xavier Priollaud.
« On s’est vraiment accrochés. Ça a clashé », dit-il, encore très remonté.Avec le temps, il aurait pu prendre du recul, tout envoyer dinguer, lâcher l’affaire, mais pas là, pas comme ça.
Surtout qu’il sent une attente, un frémissement. « J’ai 75 balais. Les gens qui vont au banquet des anciens, ils ont tous mon âge.
Ils sont là, ils sont tous là : 400 ou 500. Les gens m’appellent, des amis, me disent : mais Yves, pourquoi ce n’est pas toi sur scène, à Louviers ? Ils aimeraient nous retrouver. Ben non.
» Pour ne rien arranger, la pandémie a achevé les bonnes volontés des communes alentour et des comités des fêtes. « Alors voilà, on a de moins en moins de taf », se désespère-t-il. Comment leur duo a-t-il survécu toutes ces années, de gloire et de disette, à la scène comme à la ville ? « Il y a eu des prises de tête », concède Rosita.
« Vous avez pu remarquer que j’ai un œil de verre », s’amuse Yves Goupil. « Parfois, il me disait : tu vas chanter cette chanson, je lui répondais : non. Je ne chanterai pas de la merde, je n’ai pas envie.
Quand je n’ai pas envie de le faire, je ne le fais pas. Tu me connais, Dominique. – D’où mon angoisse, à chaque titre que je lui proposais », rit-il.
– Tu n’as jamais eu un répertoire de merde, coupe Sevy Golden.Rosita l’admet : j’ai chanté du Ginette Reno, Céline Dion, Whitney Houston, tous les grands. Je peux chanter du Adele, alors que mon registre, c’est plus Ginette Reno.
« Quand Johnny est décédé, Dominique m’a composé un petit hommage à Johnny Hallyday. Sans ton idole. Johnny Hallyday, on a fait ses premières parties trois fois.
C’était l’époque, Tommy Brown et Micky Jones, Nanette Workman. Je suis né dans la rue , tout le bazar ! On a fait ça, Claude François, Joe Dassin aussi. Delpech, C.
Jérôme, Dave, Julien Clerc. La totale. C’était des noms.
Nous, on était des régionaux.– Raconte l’histoire avec Gérard Lenorman, raconte !, insiste Rosita.– Enerve-moi pas ! gronde-t-il, laissant présager un dossier gênant, avant de céder.
Si vous voulez, quand ils déboulaient, c’était des vedettes. Lenorman, il venait faire le kéké dans un défilé de mode que je présentais avec Évelyne Leclerq. J’étais le Michel Drucker de la soirée.
Lui chantait, en attraction. Ensuite, on faisait de la musique. Il demande un micro pour chanter La ballade des gens heureux – qu’il a chanté trois fois.
Je lui donne le micro de Rosita sur lequel il y avait du rouge à lèvres, rit-il à cette simple évocation. Là, il dit : il est dégueulasse ton micro ! Et Rosita, avec son air de basque, la fille du Sud-Ouest, elle lui dit : s’il te plaît pas, mon micro, t’as qu’à ramener le tien la prochaine fois ! ha ha ha ! – Après, il s’est radouci », assure Rosita. Dans son livre, si Sevy Golden confiait redouter le concert de trop, il n’avait pas imaginé que le téléphone pouvait s’arrêter de sonner avant.
« Ce qui me fait mal, c’est d’être abandonné par ma ville, ressasse-t-il, tout en cherchant en vain son nom dans le calendrier des festivités. Je suis quand même natif de Louviers. J’ai essuyé les plâtres avec Ernest Martin puis Franck Martin.
Il y a eu Odile Proust qui nous faisait confiance. Tout le monde a gagné des ronds avec ma gueule !, rappelle-t-il. Si on est devenus mauvais, qu’ils me le disent.
Qu’ils me disent : t’es plus dans le coup, papa ! T’es plus dans le coup ! On va en faire une chanson ! Papa, t’es plus dans le coup, entonne-t-il. On comprendrait. On a fait un thé dansant récemment à Iville, les gens n’en revenaient pas du répertoire.
Wao, le répertoire !, nous disaient-ils. » Soixante-seize chansons, multipliées par tous les samedis de concert marathon de toutes ces années chantées. Incalculable.
« Dès qu’il y a une nouveauté, on l’intègre à la place d’une autre, plus ancienne ». Et ils sont prêts à repartir, même s’ils n’ont pas encore de concerts programmés. « On est toujours prêts ! », confirme Rosita.
À partir de là, on m’a appelé le roi d’Évreux.
Sevy Golden
mais sans lui qui me sont fidèles Homme d’affaires lui aussi.
Il ne pouvait plus respirer. Ce jour-là, Jacques Lecomte était au Lido, un dancing à Évreux. Et il a fait 750 entrées.
À partir de là, on m’a appelé le roi d’Évreux. » Au moment de le quitter, on parie sur les couronnes qui lui seront tressées à sa mort par les organisateurs de bals, ceux qui l’oublient aujourd’hui. « J’ai déjà donné des consignes à Dominique.
Dans mon disque, il y a la chanson Je voulais vous dire. Ça s’adresse à mon public ». Une forme de testament ? « Oui.
Je voulais vous dire : je t’aime. Je lui ai dit : tu me passeras cette chanson-là et tu cogneras à la boîte, comme ça, en passant ».
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