La biographie hospitalière, entre empathie et héritage


RCF Alsace : Comment on raconte la vie de quelqu’un ? Comment ça se passe? 

Ophélie Haegel Grosshans : Ça commence par une première rencontre où il va être question de se présenter. Les raisons qui poussent finalement les personnes à vouloir écrire un récit de vie. Et puis après on se retrouve une fois par semaine ou une fois tous les quinze jours. Dans le cas d’une prise en charge en soins palliatifs, parce que tout dépend de la capacité de la personne, finalement, à pouvoir répondre à des questions, puisque c’est quand même des entretiens qui durent minimum 1 h, 2 h et puis voilà, c’est un échange. Alors au départ, voilà, il y a quelques petites questions, peut être un peu préconçues : D’où venez vous? Quelles sont vos origines familiales? Dans quel contexte êtes vous venue au monde? Ensuite, ça devient très vite une conversation.RCF Alsace : Après, tout cela donne un livre.  À qui s’adresse ce livre? Pourquoi faire ça comme ça et à qui est ce que c’est destiné?Ophélie Haegel Grosshans : Alors je pense que c’est destiné en priorité aux proches. Quand on est en bonne santé dans une vie active, on n’a pas tellement souvent l’occasion dans la vie d’avoir un temps de pause où on regarde en arrière. Et malheureusement pour les personnes qui sont gravement malades et en fin de vie, c’est ce questionnement qui qui arrive, c’est à dire qu’est ce que j’ai fait, qu’est ce que je laisse et surtout qu’est ce que je peux laisser et transmettre à mes, à mes proches, à ma famille ou à des amis? Quand je reçois comme retour, que les gens ont l’impression de l’entendre parler : ça, c’est le meilleur compliment qu’on puisse me faire, parce que c’est exactement le but de la manœuvre.  Et puis en plus, ce qui est souvent intéressant, c’est que même quand on est très proche, quasiment systématiquement, on découvre des choses.RCF Alsace : Dans le terme biographie hospitalière, on peut voir un parcours de soins. Est ce que pour les personnes que vous biographez, est ce que c’est une thérapie aussi pour pour elles?

La biographie hospitalière, entre empathie et héritage


Ophélie Haegel Grosshans : Alors  on ne se prétend pas psychologue, c’est vraiment pas notre démarche puisqu’au service ou dans les unités mobiles, il y a des psychologues qui sont là pour ça. Mais le fait est qu’il y a un impact psychologique évident. L’envie est tellement forte de transmettre que les gens s’accrochent jusqu’à la fin de mon travail et partent relativement rapidement après. Mais je pense à une personne que j’ai suivie, qui elle avait écrit en fait un roman de sa vie qu’elle n’avait pas terminé. Donc c’était dans ce cadre là que moi je suis intervenue. C’était pour l’aider à terminer et donc du coup j’ai repris tout son parcours et puis notamment la fin et j’ai envoyé le manuscrit à sa fille qui la lui a lue et après la lecture, elle a demandé à sa fille de réunir tous ses enfants en disant  : »Ce soir on dîne ensemble ». Elle leur a dit ça y est, je suis prête, et elle est partie dans la nuit.RCF Alsace : On imagine que vous devez entendre des histoires assez folles. On est en Alsace, dans le Grand Est. On imagine que là aussi, dans les générations qui sont en fin de vie aujourd’hui, il y a des gens  qui ont vécu la guerre, qui l’ont fait de leur plein gré ou pas. Est ce que justement c’est spécifique de faire ça ici, en Alsace principalement?Ophélie Haegel Grosshans : Moi, j’ai eu l’occasion justement d’écrire les mémoires de quelqu’un qui avait réellement vécu en tant que soldat. Il n’avait que 17 ans  à l’époque et on a pu écrire ensemble  tout son parcours. Parce que lui, il avait eu la particularité d’être incorporé de force, comme beaucoup de malgré- nous. Mais il s’est retrouvé chez les Waffen SS, un bataillon très controversé. Ce que lui m’expliquait, c’est que tous les livres d’histoire vous expliqueront toujours que les Waffen SS étaient des volontaires, des durs de durs. Sauf que lui, il m’expliquait que pas du tout. Et il a vécu toute sa vie avec la honte, la peur qu’on découvre qu’il ait fait partie de ce bataillon et qu’on le stigmatise. Et du coup, il a attendu le décès de sa femme pour écrire sa version des choses, en partant du postulat qu’il avait qu’une peur, c’est qu’un jour ses petits enfants, arrières petits enfants découvrent qu’il a fait partie des Waffen SS et pense  tout le mal qu’on pourrait penser de lui. Alors il disait non, je veux expliquer comment je me suis retrouvée là dedans. Et puis rétablir aussi un petit peu de vérité historique parce que le fait est qu’on est dans Wafen SS, qu’on des volontaires.RCF Alsace : Pour terminer, comment est ce qu’on fait pour suivre ce que vous faites ? Ophélie Haegel Grosshans: On peut contacter notre association, par notre site internet : www.bh-grandest.org. C’est aussi une plateforme où on peut faire un don. Sachant que les personnes qui sont biographées par nos soins bénéficient justement d’une biographie à titre gracieux, c’est à dire qu’ils n’ont pas à financer eux mêmes la démarche. C’est notre travail de trouver les financements pour pouvoir proposer la démarche à un maximum de personnes.