le sanglier s’est aussi installé dans nos pages


Symbole de puissance dévastatrice, le sanglier traverse les âges sans souci du qu’en-dira-t-on. Hercule dut utiliser la ruse pour venir à bout de la bête d’Érymanthe. Sacré pour les Celtes, l’animal est démoniaque chez les chrétiens.

Il y a quarante ans, triomphait le film d’horreur « Razorback » : un sanglier surnaturel semait la terreur dans l’arrière-pays australien, un peu comme la bête du Gévaudan chez nous… Et n’oublions pas ces « partenaires » omniprésents chez Astérix, des forêts jusqu’aux banquets de fin.Dans les pages de « Sud Ouest », c’est un peu pareil. Pour le sanglier, il n’y a plus de saison… Il est partout.

On le chasse, bien sûr. Mais quand, en mai, les Landais décident d’arrêter les battues afin de protester contre l’interdiction de modes de chasse traditionnelle, notre article enregistre plus de 100 000 vues sur sudouest.fr.

Fin août, la Dordogne a ouvert son édition par une enquête sur le terrible animal : ses ravages dans les cultures, les querelles qu’il fait naître entre gens du cru et néoruraux. « L’idée nous est venue, avec Boris Rebeyrotte, au moment de la reprise de la chasse au gros gibier le 15 août, raconte Clément Bouynet, journaliste à Périgueux. Comme on habite en zone rurale, lui au Bugue, moi à Journiac, on a vite su que les chasseurs étaient désabusés, qu’ils tombaient sur des sangliers sans même les traquer.

Une réunion entre chasseurs et agriculteurs s’était aussi déroulée dans un climat tendu… » Ce dossier a suscité des centaines de commentaires sur les réseaux sociaux.Cet été encore, des marcassins ont tenu la vedette à Mimizan-plage, dans les Landes. « Ils étaient là dès le printemps, on l’a appris via Facebook », livre le journaliste montois Christophe Cibola, qui a illico réalisé un reportage sur place.

Un second article (« Ils sont nourris par des vacanciers et des locaux »), en août, a lui aussi réalisé une belle audience (75 000 vues). Même souci un peu plus au nord, sur la presqu’île du Cap-Ferret. « Il y a trente ans, la présence d’un sanglier était un événement.

Ils seraient plusieurs centaines aujourd’hui, en forêt et de plus en plus en zones habitées », écrit le journaliste Yannick Delneste.Et au milieu de tout cela, l’anthropomorphisme fait son nid – son « chaudron », chez le sanglier. On se mobilise pour sauver « Toto », recueilli par une famille et menacé d’euthanasie.

La cour d’appel est invitée à se prononcer… Déjà, en 2011, une laie blanche faisait parler d’elle à Lacanau. Les riverains du lac du Moutchic la surnommaient « Blanquette Dugroin », se souvient notre journaliste Maud Rieu. « Ils avaient lancé le cri du cœur ‘‘Ne tuez pas Blanquette !’’ à l’attention des chasseurs, se souvient-elle.

Une équipe d’Europe 1 s’était déplacée, France 3 aussi… »

« Le débat sur le sort des sangliers pose la question de la place de la faune sauvage dans nos sociétés »

Pourquoi le sanglier nous fascine-t-il ? « Réputé sauvage et dangereux, il impressionne par sa taille et son poids hors norme », répond Guillaume Godron, président de la Société de chasse de Lévignacq (40). « Pourtant, les sangliers ‘‘records’’ ne sont pas légion, nuance-t-il. Mais pour le public, il est le seul animal dangereux susceptible d’être rencontré au détour d’une promenade en forêt.

En réalité, il n’en est rien : il est sauvage et, tant qu’il ne se sent pas menacé, il cherche à fuir le contact humain. »Pour Raphaël Mathevet, du CNRS, « c’est un mammifère comme nous, avec des bébés tout mignons, un animal social qui vit en groupe et peut même s’apprivoiser ». C’est aussi un animal politique, dit le spécialiste : « Il nous pousse à nous concerter, à nous disputer.

Le débat sur son sort pose la question de la place de la faune sauvage dans nos sociétés. Au milieu du XXe siècle, cette bête était assimilée à une espèce dangereuse qui blessait voire tuait les chiens, les hommes. Puis, à partir de 2020, on en a parlé comme d’un nuisible qui retourne les jardins, les pelouses des stades, qu’on tue dès qu’il s’approche des villes.

Et la réponse de l’État est limitée, malgré 820 000 sangliers tués chaque année pour une population estimée à 2 millions. »On l’a souvent lu, le sanglier est le grand gagnant des temps modernes : ses prédateurs (loup, lynx) ont décliné, les paysages agricoles à très grandes parcelles (maïs) ont favorisé sa sécurité, le réchauffement climatique a accéléré sa reproduction et l’urbanisation ne lui fait pas peur. On n’a pas fini d’en parler.