Publié le 10 janvier 2023
A
+
C’est reparti pour un tour. Compte tenu de la situation sanitaire en Chine, le gouvernement est « prêt à étudier toutes les mesures utiles qui pourraient être mises en œuvre en conséquence ». Début décembre déjà, il avait lancé un « appel solennel à la vaccination » et fait planer la menace de nouvelles mesures coercitives. Car la « neuvième vague » est là et « la science » est son guide. L’hôpital serait menacé en conséquence ? Pas question pour autant de réintégrer les personnels de santé suspendus, nous disait-il aussi, encore au nom de la science, comme si une nouvelle vague ne posait pas quelque question sur la capacité des vaccins à stopper la propagation du virus alors que 79,7 % de la population serait « complètement vaccinée » (84,24 % de la population éligible dont 64,16 % avec une dose de rappel en plus).
D’aucuns se souviendront que la science était déjà censée le guider lorsqu’à l’été 2021, le chef de l’État suggérait que ne pas se faire vacciner revenait à menacer ses parents. La grande virulence avec laquelle le pouvoir et ses soutiens attaquaient les non-vaccinés, en tant que contaminateurs en puissance, présupposait une grande confiance dans l’efficacité des vaccins à casser les chaines de transmission du virus. Et pourtant, comme l’audition au Parlement européen d’une représentante de Pfizer est venue nous le rappeler il y a peu, les essais thérapeutiques ayant abouti en décembre 2020 aux premières autorisations de mise sur le marché n’avaient pas porté là-dessus.
Une propagation du virus entravée ?
Certes, face à l’indignation que cela a suscité dans des médias « alternatifs », des fact-checkers ont expliqué qu’il n’y avait pas de véritable révélation là-dedans.
L’information avait bien été diffusée dès le départ même si tout le monde n’avait pas reçu le mémo. Les vaccins avaient surtout été jugés sur leur capacité à réduire l’occurrence de cas symptomatiques de covid et à « empêcher une forme grave de la maladie », avait-on alors écrit dans divers organes de presse avant que le vacarme des promoteurs du pass sanitaire ne rende ce genre de précisions inaudible.
Mais ne convenait-il pas alors, quelques mois plus tard, d’interpeller les membres du gouvernement pour leur demander de quels travaux scientifiques ils sortaient que la vaccination protège les autres (si ce n’était pas des essais thérapeutiques ayant abouti à leurs autorisations de mise sur le marché – AMM) ?
Car si des travaux sur ces questions avaient alors déjà été menés (en « vie réelle », après AMM), aucun n’avait pu conclure que ces vaccins étaient des médicaments miracles.
Ces premières études n’avaient-elles pas néanmoins permis au gouvernement de fonder quelque jugement plus mesuré ? D’où sortait, par exemple, l’affirmation répétée sous diverses formes par le président de la République, le porte-parole du gouvernement et le ministre de la Santé d’alors, selon laquelle les vaccins « divisent par 12 le pouvoir de contamination » du variant Delta ? Apparemment d’un document de travail de l’Institut Pasteur, publié fin juin 2021.
). De plus, dans la section sur les caractéristiques des vaccins (p. 11). Il était mentionné une efficacité « à 80 % pour réduire le risque d’infection et à 50 % pour réduire la contagiosité des individus vaccinés. » soit une réduction par 5 du premier et par 2 du second.
Contrairement aux mystérieux « 12,1 », ces grandeurs étaient présentées comme indépendantes du taux de couverture vaccinale, si bien qu’il y avait lieu de se demander si le nombre brandi par nos hommes politiques ne reflétait pas autant les tailles des groupes de vaccinés et de non-vaccinés que des caractéristiques des vaccins. Ce sont des comparaisons entre groupes de tailles égales qu’on évoque normalement quand on parle de la variation d’un risque liée à la prise d’un médicament.
les pourcentages de réduction des risques étaient clairement présentés comme des hypothèses à partir desquelles les auteurs faisaient tourner leur modèle et non comme des résultats ! L’étude tentait surtout de prévoir l’impact de la vaccination sur le système hospitalier étant donné quelques suppositions sur l’efficacité et la couverture vaccinales.
l’estimation de l’efficacité vaccinale contre les infections était relative au variant Alpha alors dominant. Pour cette raison aussi, la déclaration du président « épidémiologiste » sur la grande protection vaccinale contre la contamination par le variant Delta était pour le moins aventureuse.
Ironiquement, ceci allait bientôt être confirmé par la deuxième version du document de l’Institut Pasteur, parue en septembre 2021, puisque de nouvelles hypothèses y étaient introduites, dont une « réduction de 60 % du risque d’infection avec le Delta » (p. 7, inspirée des résultats de cette étude), à la place de la réduction de 80 % de la première version (avec pour conséquence que le « risque de transmission à partir d’un individu non-vacciné 12,1 fois plus élevé » devenait seulement « 4,3 fois plus élevé », quoi que ces nombres aient bien pu signifier).
Cette diminution de la protection contre l’infection, ainsi qu’un maintien de l’hypothèse sur la réduction du taux de transmission à 50 %, étaient néanmoins optimistes relativement à ce qu’indiquaient d’autres travaux sur la question. Pendant que le gouvernement faisait la guerre aux non-vaccinés pour faire accepter l’extension du pass sanitaire aux lieux du quotidien, les nouvelles venant d’Israël et des États-Unis étaient en effet mauvaises voire franchement alarmantes (Israël se distinguait particulièrement en étant alors en proie à une vague record de tests PCR positifs tout en étant le pays le plus avancé en termes de vaccination de masse).
Moins de formes graves ?
comme le sort des soignants rituellement applaudis puis suspendus en témoigne.
Mais l’essentiel n’était-il pas néanmoins que les vaccins protègeraient contre les formes graves de la maladie et les décès ? Et l’essentiel n’était-il pas acquis dès l’étape des AMM, justifiant la volonté gouvernementale affichée dès décembre 2020 de vacciner toute la population majeure ?
Certainement pas, d’après un éditorial de The BMJ d’octobre 2020 dont le contenu n’a pas été relayé dans les médias à de rares exceptions près. Les protocoles d’essais qui venaient alors d’être publiés montraient que rien de tout cela n’était sérieusement évalué par les laboratoires pharmaceutiques.
Se référant aux essais de Moderna, Pfizer/BioNTech, AstraZeneca et Janssen, l’auteur, Peter Doshi, écrivait que « les analyses finales d’efficacité sont prévues après seulement 150 à 160 « événements » », c’est-à-dire 150 à 160 cas symptomatiques de Covid-19, quelle que soit la sévérité de la maladie. ». Comme les cas graves allaient être une petite fraction de ce faible total, il était hors de question que la différence entre le groupe des vaccinés et le groupe témoin fusse statistiquement significative à cet égard.
A fortiori, toute conclusion solide était exclue sur la réduction des formes graves pour les personnes les plus âgées déjà connues pour être les plus à risque, d’autant que conformément aux directives des agences étatiques de réglementation des médicaments, les essais avaient pour cible le gros de la population adulte et non une catégorie d’âge en particulier (comme si on avait déjà décidé que tout le monde devait être vacciné). Et c’est seulement si l’efficacité des vaccins avait été la même chez les personnes les plus fragiles et chez les autres – ce qui n’allait pas de soi sans essai le mettant en évidence – qu’on aurait pu compter sur une diminution du nombre de cas graves et de décès proportionnelle à celle de l’ensemble des cas symptomatiques, ajoutait Doshi.
Rien de tout cela n’était particulièrement secret ou mystérieux, pour tout fact-checker qui aurait bien voulu en prendre connaissance. Même le médecin-chef de Moderna, interrogé par le BMJ, l’admettait :
« Tout essai est organisé en fonction de son critère principal d’évaluation – dans notre cas, la maladie de covid-19, indépendamment de l’âge. L’essai ne peut pas juger , sur la base de ce qui est une taille et une durée raisonnables pour servir l’intérêt général. La façon dont un essai est conçu, en particulier en phase 3, est toujours un exercice d’équilibre entre différents besoins. Si l’on veut obtenir une réponse sur un critère d’évaluation qui se produit à une fréquence d’un dixième ou d’un cinquième de la fréquence du critère d’évaluation principal, il faut un essai 5 ou 10 fois plus important ou un essai 5 ou 10 fois plus long pour recueillir ces événements. Je pense que ni l’un ni l’autre ne sont acceptables compte tenu du besoin actuel du public de savoir rapidement si un vaccin fonctionne. »
mais qui allaient pouvoir faire beaucoup de dégâts dès lors qu’il serait question de « vacciner un maximum de personnes, partout, à tout moment. »
Prenons par exemple le cas de Pfizer.
L’objectif déclaré de l’étude (p. 3) était de démontrer la capacité du vaccin à réduire le nombre de cas symptomatiques. Avec 21 720 personnes dans le groupe test et 21 728 dans le groupe témoin, 9 cas avaient été observés dans le premier et 169 dans le second, soit une efficacité de 95 % (100 x /169 = 94,67 %). Les sujets ayant pu savoir à quel groupe ils appartenaient – l’essai était décrit comme « observer-blinded » seulement – on ne pouvait exclure que les membres de l’un et l’autre groupes se comporteraient différemment, notamment à propos du choix de se faire tester, biaisant ainsi les résultats.
De plus, aucune mesure de la réduction des décès attribuables à la covid n’était possible dans l’essai, dès lors qu’aucun n’y avait été observé (p. 7). Enfin, la publication ne mentionnait que « peu » d’effets secondaires graves de la vaccination (p. 6) et de fréquents effets bénins (p. 4), mais il y était admis que la taille des groupes testés représentait une limite de l’étude quant à la détection d’effets secondaires rares (p. 8).
l’étude avait surtout démontré que ce vaccin était très performant pour induire temporairement les maux de tête et la fatigue que la covid aurait pu provoquer autrement. Mais comme Pfizer (et Moderna) avaient affirmé qu’ils testaient la sécurité et l’efficacité de leurs vaccins à réduire les formes graves et comme les agences de santé avaient triomphalement annoncé leur succès à cet égard, les hommes politiques et les médias allaient reprendre en chœur la nouvelle, aussi bonne que prématurée, eu égard aux canons scientifiques dont ils se réclamaient.
Sur ces bases, le gouvernement allait promouvoir la vaccination tous azimuts et par là-même porter dès les AMM la proposition extrême suivante : sauf contre-indications, la balance bénéfice-risque de la vaccination est positive pour toute personne majeure (proposition vite élargie aux mineurs de plus de 12 ans, puis de 5 ans, et maintenant à des enfants de plus de 6 mois).
Quelle balance bénéfice-risque ?
Bien sûr, les recherches sur le virus, la maladie et les vaccins, ont continué après les essais ayant donné lieu aux AMM, avec notamment une accumulation de données sur les hospitalisations avec covid en fonction du statut vaccinal des patients, que les médias ont évoquées fréquemment.
Et il est vrai qu’elles ont tendu à conforter les espoirs que des résultats d’essais cliniques mal décrits avaient fondé en matière de formes graves de covid, même si les études observationnelles ne permettent pas de maintenir constantes les innombrables variables qui peuvent influencer les résultats, laissent plus de place que des expériences contrôlées à de la « créativité » statistique, et doivent en conséquence être interprétées avec prudence (et pas seulement quand leurs conclusions sont décevantes).
bien que le consentement « libre et éclairé » soit en principe la norme en la matière. Pas seulement parce qu’ils ont fréquemment saturé l’espace médiatique avec de la propagande, des menaces at autres nudges plus ou moins subtils, mais parce que les termes dans lesquels les bénéfices et risques des vaccins ont été décrits ne suffisent pas à fonder des décisions rationnelles.
Une « efficacité à 90 % », par exemple. Comment se fait-il que deux ans après l’arrivée des premiers vaccins ceux qui se réclament de « la science » trouvent toujours moyen d’ignorer l’idée communément admise, chez les chercheurs et les médecins, selon laquelle la seule mention d’une réduction relative du risque conduit facilement à une surestimation des bénéfices d’un médicament si elle n’est pas accompagnée par quelque estimation de la réduction absolue du risque.
S’il est vrai, par exemple, que tout au plus 13 personnes mineures sont mortes de la covid de mars 2020 à la mi-juin 2021 sur environ 14,4 millions (14 476 227 au 1er janvier 2021 selon l’INSEE, dont aucun n’était en principe vacciné, la campagne pour les 12-17 ans ayant commencé le 15 juin), leur risque en la matière était de 0,0000898 % sur la période. En supposant une réduction relative de ce risque de 90%, un ou deux seraient décédés de la covid (1,3) si les 14,4 millions avaient pu être vaccinés, pour un risque de 0,0000089 %, soit une réduction absolue du risque d’environ 0,000081 point. Autrement dit, une « efficacité de 90 % » est compatible avec une réduction négligeable des risques.
On n’aide pas non plus à établir un bilan bénéfice-risque de la vaccination en ajoutant, sans mesure commune, que de toute façon, le risque de la vaccination serait « peu fréquent » même si les données auxquelles on se réfère sont correctes. Peu fréquent par rapport à quoi ? Si on se fait vacciner, quelle est la variation absolue du risque de décès dû à des effets secondaires, par exemple, à comparer à la variation absolue du risque de décès dû au virus ? Ou présenté autrement quel est le nombre de sujets à vacciner pour en tuer un, à comparer au nombre de sujets à vacciner pour éviter un décès dû à la covid ?
Dans l’exemple des mineurs, le nombre d’enfants à vacciner pour éviter à un d’entre eux de mourir de la covid aurait été d’environ 1 237 284 (100/). Donc avec un seul accident vaccinal mortel sur 1 237 284 vaccinations, on aurait en moyenne envoyé un enfant au cimetière pour en sauver un de la covid. Sans point de référence, on pourrait bien estimer que, disons 20 décès à attendre sur 14,4 millions d’enfants vaccinés, ce serait « peu ». Mais ce serait déjà assez pour que les sujets en question aient plus de chances de mourir du vaccin que de la covid sans avoir été vaccinés ! Donc une « efficacité à 90 % » et des « effets secondaires peu fréquents », même pris ensemble, sont compatibles avec une balance bénéfice-risque négative.
En somme, avec les informations à la disposition du grand public, le bilan bénéfice-risque pourrait être positif pour 10 %, 50 % ou 90 % de la population, qu’on ne le saurait pas. Ce dont chacun a besoin pour prendre une décision éclairée c’est d’estimations aussi fiables, personnalisées et commensurables que possible des probabilités, sur des périodes définies, d’avoir tel ou tel ennui lié à la covid sans vaccin, avec vaccin et d’avoir des problèmes similaires à cause de la vaccination elle-même.