Des sextoys reconditionnés pour prendre son pied grâce à la seconde main


On a tous quelque chose chez nous de seconde main. Que ce soit des vêtements, des objets de déco, des livres ou encore des smartphones, le secteur de la seconde main ne cesse de croître au point qu’en 2023, environ trois personnes sur quatre ont acheté un produit d’occasion. Mais achèteriez-vous un sextoy de seconde main ? Oui, on parle bien de vibromasseurs, stimulateurs clitoridiens et autres masturbateurs masculins.

C’est ce que propose Rejouis, la première boutique de jouets pour adultes reconditionnés. Leur but : donner une nouvelle vie aux nombreux sextoys inutilisés et favoriser la réflexion sur nos modes de consommation, jusque sur le terrain très intime de la sexualité.

« Les tiroirs pleins de sextoys inutilisés »

Comment Bénoni Paumier a-t-il eu l’idée de créer une boutique en ligne de sextoys reconditionnés ? « C’est parti de deux constats : d’abord, Le secteur du sextoy, qui a explosé ses ventes durant la crise du Covid-19, continue de croître, avec un marché mondial qui pourrait doubler dans les cinq prochaines années, explique le jeune trentenaire.

Une industrie qui tourne à plein régime, mais qui soulève la question de son impact écologique, avec 70 % du marché qui est fabriqué en Chine, et des produits high-tech assez chers, qui peuvent coûter jusqu’à 250 euros. Les sextoys sont toujours plus technologiques et complexes, et nécessitent, comme nos smartphones, l’extraction de matières premières, ce qui pose aussi la question de leur recyclabilité ».Or, des sextoys, « beaucoup de personnes en achètent, les testent et les utilisent peu, poursuit Bénoni Paumier.

Ce sont des achats d’impulsion, ou des cadeaux, que l’on a envie d’essayer mais qui ne collent pas toujours à nos envies ou pratiques ». Un second constat qui le pousse à réaliser une étude de marché et là, « on s’est rendu compte que les tiroirs étaient pleins de sextoys inutilisés, à l’état quasi neuf, constituant un réservoir dormant de jouets ».Des jouets qui, à la longue, finissaient à la poubelle classique.

« Ce qui fait mal au cœur, d’abord parce que certains sont très chers, et parce qu’il n’y a pas de filière de recyclage dédiée. Si on se lasse de son sextoy, on l’oublie dans un tiroir, ou on le jette. A la différence de vêtements ou d’autres objets, il n’y a pas grand monde pour dire à des potes : « ah tiens, j’ai acheté un sextoy super bien, je ne m’en suis servi qu’une fois mais je ne m’en sers pas, est-ce que tu le veux ? » »

Un protocole de sélection et d’hygiène hyper strict

C’est ainsi que Rejouis a vu le jour, avec un lancement grand public en avril.

« Très vite, on a eu beaucoup de demandes de personnes qui voulaient se débarrasser de leurs sextoys, se souvient Bénoni Paumier. Le succès de nos premières ventes a validé notre modèle économique ».Mais celles et ceux qui ont des sextoys oubliés au fond de leur table de chevet ne parviendront pas tous à leur donner une seconde vie.

« On a des critères de sélection assez stricts, on ne reprend que 20 à 30 % de ce qu’on nous propose : on ne reprend que des jouets de très bonne qualité de production, aux matières non poreuses, qui sont en silicone médical, verre ou encore acier inoxydable, dont la fabrication est traçable, et dont la matière et la forme entrent dans notre protocole de nettoyage », assure Bénoni Paumier.Car lorsqu’on parle de sextoys reconditionnés, ce qui peut refroidir les plus frileux, c’est bien l’hygiène de ces objets intimes déjà utilisés. « C’est évidemment le premier point sur lequel on s’est penchés : on a travaillé avec des spécialistes, dont un médecin spécialisé dans le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST), indique le fondateur de Rejouis.

On a fait des analyses pour voir s’il avait le moindre risque de transmission d’IST via des jouets, et mis en place un protocole d’hygiène très strict en plusieurs étapes, qui comprend un premier nettoyage et une mise en quarantaine du jouet, suivi d’un second nettoyage et d’une désinfection, avant une désinfection par UV, et enfin le reconditionnement de l’objet, ce qui permet d’éliminer tout risque ».

Lever les freins du tabou

Un protocole de nettoyage méticuleux pour rassurer les consommateurs qui seraient frileux face à cet achat de seconde main peu conventionnel. « Les craintes en matière d’hygiène et d’IST constituent des freins légitimes, reconnaît Amandine Jonniaux, autrice de l’ouvrage Oh my gode  ! (éd.

La Musardine). Pourtant, on se pose moins de questions d’hygiène quand il s’agit d’acheter un smartphone reconditionné ou des couverts d’occasion qu’on va mettre dans sa bouche. On les nettoie bien, et on ne voit aucun problème ».

Si la seconde main, Solène en est fan quand il s’agit de mode et de déco, pour ce qui est des objets coquins, « ce n’est pas possible, c’est trop intime, je ne pourrais pas utiliser un sextoy et y prendre du plaisir en sachant qu’il a déjà servi, explique la jeune femme de 31 ans. Cela me dégoûte, je préfère le payer plein pot, mais en avoir un neuf ». Alors, le sextoy serait-il le tabou ultime de la seconde main ? « Il y a un tabou prégnant lié au fait que ça touche à l’intime sexuel, répond Amandine Jonniaux.

Cela fait partie des objets qui peuvent le plus cristalliser ce genre de freins, mais la question de l’hygiène est à mon sens un « faux » frein tant les protocoles de désinfection sont scrupuleux ».C’est ainsi qu’Albane pourrait se laisser tenter. « Je ne savais pas que l’on pouvait acheter des sextoys reconditionnés, mais je trouve ça génial  ! J’adore la seconde main dans tout ce qu’elle porte comme valeurs de réemploi, d’écologie, d’économie de ressources et de protection de la planète, explique la jeune femme de 29 ans.

Chez moi, j’ai des vêtements, meubles et objets de déco de seconde main et je trouve très attrayante l’idée de prendre du plaisir en m’offrant un sextoy moins cher qu’en boutique et sans ruiner la planète ».

« Interroger nos modes de consommation »

Exactement l’effet que l’on recherche chez Rejouis : « via la revente de sextoys reconditionnés, on veut interroger nos modes de consommation, réfléchir à notre sexualité et à son impact écologique, mais aussi à comment aller vers une sexualité consciente, confie Bénoni Paumier. On veut vraiment que Rejouis porte des valeurs qui dépassent la vente de sextoys.

Aujourd’hui, il y a un boom de la seconde main et on veut s’inscrire dans cette démarche-là : si on peut acheter des vêtements et des poussettes d’occasion et des smartphones reconditionnés, pourquoi pas des sextoys ? »Un achat qui « s’inscrit dans une démarche écoresponsable, estime Amandine Jonniaux. Aujourd’hui, le marché des appareils à batterie est un gros générateur de pollution à l’international. Et c’est particulièrement le cas des sextoys qui, comme les smartphones, ont des batteries, des ports de charge, un moteur.

Autant d’éléments qui devraient être faire l’objet de circuits de recyclage, sans que la gêne liée à ces objets intimes ne freine ces actions vertueuses ».Pour Bénoni Paumier, le marché du sextoy reconditionné porte aussi « un message politique : l’achat de seconde main contribue à une économie qui respecte les limites planétaires de production, est en cohérence avec des valeurs écologiques et sociales. On sait qu’on ne pourra pas continuer à extraire à l’infini des ressources ».

Et le message fait écho. Avec un escompte qui peut atteindre 30 à 40 % du prix neuf, les sextoys reconditionnés se vendent comme des petits pains. « Ce qui nous a beaucoup surpris quand on a étudié les retours de nos clients, c’est que le prix n’est pas nécessairement la motivation première, mais plutôt les valeurs écologiques de notre projet ».