Sexualité : vierges à 30 ans, elles racontent la pression sociale


« J’ai eu 30 ans en août dernier. Pour célébrer ça et la fin de 18 mois de Covid, j’ai fait une grosse fête avec mes ami·es. On était une vingtaine dans un bar du 11e arrondissement. Vers minuit, un de mes copains m’a traînée vers lui pour me présenter son collègue. Il s’appelait Thibault, il était grand et plutôt pas mal. On a passé un moment ensemble, puis on a fini par s’embrasser. Il m’a proposé de rentrer chez lui, j’ai décliné, il est parti. Mon ami est tout de suite venu me retrouver pour me demander ce qui se passait, pourquoi je n’avais pas voulu ‘profiter pour une fois’ ? J’ai feint l’envie de rester avec tout le monde, il m’a crue en levant les yeux au ciel. ‘Ton cas me désespère’, a-t-il répondu en souriant.

La vérité, c’est que je n’ai jamais eu de rapports sexuels. Je n’ai jamais fait l’amour, jamais touché de pénis, jamais joui avec quelqu’un d’autre. Je me masturbe, mais personne ne m’a jamais caressée, moi. Simplement parce qu’à 16 ans, j’ai décidé que je ne passerais pas le cap avant d’avoir rencontré la bonne personne, j’ai décidé d’attendre le bon moment. A l’époque, je sortais avec un camarade de classe qui n’arrêtait pas d’insister pour qu’on couche ensemble à coup de grandes déclarations romantiques. Quand j’ai refusé, il s’est rabattu sur une autre. Ça m’a bloquée, je me suis dit que mes premiers ébats seraient avec quelqu’un qui le ‘mérite’. Force est de constater que 15 ans plus tard, je ne l’ai pas encore rencontré.

Sexualité : vierges à 30 ans, elles racontent la pression sociale

Si je vis très bien avec mon choix, je ne vais pas mentir : ce n’est pas le plus évident à assumer en société. D’ailleurs, rares sont les personnes qui sont au courant. Deux, pour être exact. Ma meilleure amie, Mathilde, et ma soeur, Iris. La première ne m’a jamais posé de questions déplacées, elle a juste accueillie l’information comme une autre, et je l’en remercie. La deuxième en revanche, a été un peu plus curieuse au fil des années. ‘Mais t’as jamais envie ?’ ou encore ‘tu crois pas que quand tu tomberas sur la personne avec qui tu veux le faire, tu auras peur de ne pas être assez expérimentée ?’ Les réponses dans l’ordre : bien sûr que si, et bien sûr que si.

Evidemment que j’ai des fantasmes. D’ailleurs, mon corps est assez alerte sur ce plan-là pour que je me réveille en pleine nuit en nages, à penser à un inconnu croisé dans la rue deux semaines plus tôt. Ce qui me pose problème, c’est plutôt le regard qu’on porte quasi systématiquement sur le concept de ‘virginité tardive’. Une sorte de gros cliché qui ferait des personnes concernées des êtres forcément coincés, prudes, ou carrément décalés par rapport à leur époque. Et ce stéréotype est encouragé par la culture populaire, qui dépeint un portrait peu reluisant de celles et ceux qui, comme moi, veulent réserver leur première fois à quelqu’un de spécial.

En 2022, les tabous tombent autour de la sexualité et plus particulièrement, du plaisir féminin. Tant mieux. Mais j’ai l’impression que les discussions ont tendance à oublier de libérer la parole et l’écoute autour de mon cas. Ça reste honteux. Et la preuve, je n’en parle pas justement pour éviter qu’on me voie autrement. Tout le monde part du principe que, vu mon âge, j’ai déjà fait l’amour. Ce n’est même pas une question d’ailleurs. Et ça me va, pour l’instant.

Seulement parfois, je trouve ça triste de ne pas pouvoir être honnête avec mes proches sur un sujet qui me tient autant à coeur. L’autre jour, le mec d’une copine a voulu se moquer d’une fille qu’il n’aime pas trop. Son réflexe ? ‘Je suis sûre qu’elle a jamais couché celle-là’. Comme si c’était péjoratif, et okay de stigmatiser et de rabaisser par ce biais. Autant dire que je ne suis pas prête de me confier. Pour ce qui est d’avoir un rapport, là encore, j’attends. Mais une chose est sûre : à aucun moment je ne laisserai la pression sociale me pousser à aller plus vite que mon désir. »