Spécialiste de la guerre 14-18 dans l'Allier, il avait mené des recherches autour du corps d'Alain-Fournier


Ils avaient bravé les difficultés pendant des jours et des semaines, contournant les obstacles dressés par le temps et par la géographie des lieux. Puis ils étaient tombés sur un os, et c’était là la fin de leurs tracas. Car l’os en question avait une petite particularité  : c’était celui d’Alain-Fournier, le célèbre auteur du Grand Meaulnes, mort sur le champ de bataille de Verdun au premier jour de l’automne 1914. Une illustre victime du premier conflit mondial dont le corps n’avait jamais été retrouvé, avant qu’une opiniâtre équipe de chercheurs n’y parvienne donc, au tout début des années 1990.

« Un jour,  je reçois ce coup de téléphone… »

dont on avait identifié le corps grâce à la plaque qu’il avait à son bras » même si le principal intéressé « ne s’attendait pas » à cette demande.

Spécialiste de la guerre 14-18 dans l'Allier, il avait mené des recherches autour du corps d'Alain-Fournier

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Mais alors, pourquoi lui?? D’abord parce que Jean-Daniel Destemberg était, et est toujours, un fin connaisseur de l’histoire de France. Et plus spécifiquement de cette guerre qui devait être la « Der des Der », et qui déboucha sur une terrible hécatombe humaine (près de 20 millions de morts). « Je me rappelle avoir découvert le champ de bataille de Verdun à 11 ans. Je me suis aussitôt passionné pour cette période », explique celui qui a aujourd’hui 74 ans, et qui a créé à Fleuriel le fameux Historial du paysan soldat.

Pour le passionné devenu chercheur, une question se pose : Alain-Fournier est-il mort en combattant, où a-t-il été exécuté sommairement par les Allemands aux côtés de ses compagnons de régiment ?

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en cette année 1992, pour identifier ces corps retrouvés non loin de Verdun. « C’était en outre car j’étais docteur, et que j’avais des connaissances en médecine légale », sourit l’ancien médecin de Broût-Vernet.

Mort en 1914 sur le champ de bataille, Alain-Fournier a passé une partie de son enfance à Epineuil-le-Fleuriel dans le Cher, aux portes de l’Allier. Ainsi, le corps du célèbre auteur à peine découvert aux côtés de vingt autres squelettes, Jean-Daniel Destemberg se voit invité par l’équipe de chercheurs à répondre à cette question  : comment l’auteur du Grand Meaulnes est-il réellement mort?? A-t-il été tué au combat puis enterré?? Ou exécuté sommairement par l’ennemi allemand??

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Une chose est sûre  : Alain-Fournier, alors âgé de 27 ans, faisait partie du 288e régiment d’infanterie, qu’il avait intégré un an plus tôt en qualité de lieutenant de réserve. Autre certitude  : à l’époque, soldats allemands et français se font face, et de très près, autour d’une tranchée située à Saint-Rémy-de-Calonne, dans la Meuse (là où sera retrouvé le corps plus de soixante-dix ans plus tard). Survient alors un combat au funeste dénouement dont les circonstances n’ont jamais pu être clairement élucidées… « À l’époque, les Allemands avaient expliqué que les soldats français s’en étaient pris à un de leurs postes médicaux, en tirant sur les brancardiers et les blessés », explique le spécialiste. « Si c’est le cas, c’était un crime de guerre ». En répression, Alain- Fournier et ses camarades de combat auraient pu être faits prisonniers avant d’être exécutés.

« Le corps a été retrouvé et c’est l’essentiel. »

Mais tout n’est pas si simple, et il arrivait parfois que les Allemands érigent de faux postes médicaux pour tromper leurs adversaires. Et Jean-Daniel Destemberg ne croit pas que les soldats français aient pu s’en prendre sans raison à un poste médical. Lui pense que les soldats allemands ont d’abord encerclé les Français, avant de les faire prisonniers. Puis de les exécuter. « Quant à Alain-Fournier, il a sûrement été blessé par balles, puis achevé à coups de baïonnette », suppose celui qui, sans s’y attendre, est devenu un chercheur de référence sur la question de la mort du romancier. « J’ai passé beaucoup de temps, pour ne pas dire plusieurs mois, sur ces recherches. Mais c’était une expérience passionnante. » Et même s’il restera à jamais des zones d’ombre, « l’essentiel est bien qu’Alain-Fournier ait été retrouvé ».

 

Pierre Geraudie