Dominique Costagliola  : "La pandémie de Covid-19 est terminée, mais qu’avons-nous appris  ? "


estimant que le virus était désormais suffisamment sous contrôle Pour les personnes les plus fragiles, en revanche, deux doses par an demeurent nécessaires.

Pour le reste de la population, il pourrait donc même être inutile de se revacciner ?Mais pourquoi ne recevrions-nous pas une injection chaque année ? En quoi cela serait-il gênant ? Il serait peut-être utile de stimuler régulièrement nos défenses, pour les préparer en cas d’apparition de nouveaux variants. Certains craignaient un effet dit « d’empreinte immunitaire », qui aurait pu amoindrir à l’avenir l’efficacité de futures injections à force de multiplier les doses. Mais cette inquiétude a moins lieu d’être avec les vaccins bivalents, qui semblent donner des stimulations suffisamment larges pour prévenir ce risque.

Dominique Costagliola  :

Faut-il encore vraiment craindre l’apparition de variants beaucoup plus dangereux ?Le virus continue à évoluer, c’est la seule certitude. Il est possible qu’il ne refasse plus jamais parler beaucoup de lui, mais le contraire est possible aussi. On voit bien que cela ne dépend pas de grand-chose.

Avec le Sras du début des années 2000, on a eu une épidémie violente et soudaine, et puis il a disparu. Ce coronavirus circule et tue depuis trois ans. Pourtant, ils sont relativement voisins.

Les virologues n’ont pas progressé dans la connaissance de ses capacités de mutation ?Pour répondre à cette question, il faudrait faire des expérimentations dites « de gain de fonction » ou « d’évolution sous pression », pour voir quelles sont les possibilités de mutation du virus. Mais, avec ces manipulations, il y a toujours un risque d’échappement, de fuite de laboratoire. Ces recherches doivent donc être a minima très contrôlées, et on peut même se demander si on a vraiment envie qu’elles soient conduites.

Cela reste une question ouverte.Maintenant que le Covid n’est plus considéré comme une pandémie, quelles devraient être, selon vous, les priorités du gouvernement et des autorités sanitaires ?D’abord, continuer à mener des recherches pour apporter des solutions aux personnes immunodéprimées ou fragiles, qui ne sont pas bien protégées par la vaccination, car elles ne montent pas une bonne réponse immune. On ne sait finalement pas très bien comment utiliser au mieux les traitements disponibles  : faudrait-il faire des associations entre les antiviraux ? Ne devrait-on pas utiliser des doses plus élevées chez ces patients ? A ma connaissance, il existe au moins une étude en cours, à l’université de Genève, mais c’est un sujet sur lequel nous devrions investir davantage.

L’autre grand enjeu, c’est la qualité de l’air intérieur. Le président Emmanuel Macron avait promis un grand plan en la matière, mais nous l’attendons toujours. Nous savons pourtant que, au-delà du Covid, cela réduirait l’incidence de toutes les maladies infectieuses respiratoires, à commencer par la grippe et la bronchiolite.

L’investissement serait très rentable.Et puis il y a, bien sûr, toute la question de la surveillance du virus. A défaut de tests, nous devrions au moins disposer de méthodes indirectes, comme l’analyse des eaux usées.

Or nous sommes totalement dans le brouillard, alors même qu’il y a encore beaucoup d’incertitudes. Pour la grippe, que l’on fasse principalement une surveillance syndromique [NDLR  : à partir des symptômes déclarés par les malades auprès de médecins sentinelles] peut se comprendre, car il s’agit d’une maladie sur laquelle nous avons du recul. Encore que, même dans ce cas, nous disposons d’un minimum de surveillance virologique pour détecter d’éventuelles mutations dangereuses.

Mais, avec le Covid, que nous connaissons beaucoup moins bien, ne pas se donner les moyens de suivre les évolutions du virus, cela donne vraiment l’impression que l’on n’a rien appris de cette crise. Quand la prochaine surviendra, on ne saura toujours rien faire de très pertinent. Faire de la projection, pouvoir détecter rapidement un nouveau variant paraîtrait pourtant une bonne idée.

Mais, non, on préfère attendre que cela nous tombe dessus et que cela nous écrase à nouveau. Ce n’est pas ce que j’appelle de la préparation aux épidémies.Justement, vous parliez de la surveillance des eaux usées  : après le succès du projet mené par le réseau Obépine, cet outil ne devait-il pas être repris et développé par les autorités sanitaires ?Effectivement, cela a été confié à l’Anses et à Santé publique France.

Ces deux organismes voulaient valider différents points avant de l’utiliser en routine. Malheureusement, ce faisant, ils ont stoppé l’organisation qui avait été mise en place par l’équipe de scientifiques d’Obépine. C’est dommage, car cela aurait été bien utile dans la période actuelle.

En l’état, je ne pense pas que cela redémarre avant l’année prochaine.En parallèle, il a été demandé aux mêmes scientifiques d’Obépine de répondre à un appel d’offres sur les questions de recherche que cette surveillance soulève. Mais, pour l’instant, les résultats de cet appel d’offres ne sont pas connus.

Les enfants sont aujourd’hui moins protégés que les adultes face au Covid, puisqu’ils ne sont pas vaccinés et que les plus petits d’entre eux ont été, par définition, moins exposés au virus. Dans ces conditions, doit-on craindre qu’ils ne deviennent un réservoir viral, un peu comme pour la grippe ?Effectivement, maintenant que nous avons quasiment tous été vaccinés ou infectés, ou les deux, le virus va avant tout circuler chez les plus jeunes. Je note que nous n’avons toujours pas d’avis de la Haute Autorité de santé qui permettrait la vaccination des enfants de 6 mois à 6 ans, alors même qu’il existe une autorisation européenne de mise sur le marché pour ce public.

La théorie selon laquelle les enfants étaient peu transmetteurs du virus s’appuyait sur des données de qualité très modeste et, surtout, elles avaient été établies à une période où les écoles étaient fermées. Dans ces conditions, les enfants risquaient beaucoup moins d’être infectés et de transmettre  ! Nous savons maintenant qu’ils jouent bien un rôle dans la circulation du virus. Un peu comme pour la grippe, d’ailleurs, où les écoles sont clairement des moteurs de l’épidémie.

Pendant longtemps, pourtant, la France a privilégié la vaccination contre la grippe des plus de 65 ans plutôt que celles des enfants, contrairement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Heureusement, la vaccination antigrippale des enfants est maintenant recommandée.Concernant les enfants, la qualité de l’air à l’école est un vrai sujet.

Toutes les études montrent que, en plus de prévenir les maladies infectieuses respiratoires, avoir des taux de CO₂ raisonnables dans les salles de classe est excellent pour la concentration et les apprentissages. On nous annonce un grand plan sur le bâti scolaire pour répondre aux enjeux des normes thermiques. C’est très bien, mais pourquoi ne pas en profiter pour travailler de façon concomitante sur la qualité de l’air ?Que pensez-vous de la polémique sur la réintégration des soignants non vaccinés ?Ce vote tombe au plus mauvais moment, alors que l’on veut étendre la vaccination contre le papillomavirus sans pour autant la rendre obligatoire.

Peut-on imaginer réussir à mener cette campagne auprès des adolescents, tout en envoyant par ailleurs un message indiquant que, finalement, les soignants non vaccinés avaient raison de refuser l’injection anti-Covid ? Cela n’a aucun sens. Ces incohérences dans le discours en matière de santé publique vont se payer cash.