Guerre en Ukraine  : les cinq questions en suspens après la rébellion avortée de Wagner


La plupart des analystes s’accordent pour dire qu’Evgueni Prigojine, en faisant monter ses troupes sur Moscou, a infligé une gifle au président russe. « Vladimir Poutine a été humilié face à son peuple, ses subordonnés, ses alliés et ses ennemis. L’offense faite à sa personne est la plus insultante qui se puisse concevoir », écrit Julien Vercueil dans Le Monde.

Samedi, le président russe est apparu dans une vidéo condamnant avec une colère froide le coup de couteau qui lui avait été asséné. « Ce qui est très frappant, lors de son intervention de samedi matin, c’est de voir pour la première fois un Vladimir Poutine qui semblait extrêmement affaibli et inquiet, note Nicolas Tenzer. Il a senti son trône vaciller. On l’a vu menacer évidemment les traîtres de punition et on sait que dans l’idéologie de Poutine un traître doit être assassiné, tué, défait. Mais finalement, il accepte un compromis fabriqué par un vassal, Loukachenko, le président du Bélarus. Tout ceci paraît humiliant pour Poutine. Il n’est pas parvenu à ce jour à défaire complètement et à mettre hors d’état de nuire Prigojine. »

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Fragilisation du régime

« Le pouvoir peut tenter de colmater les brèches, mais le doute s’insinue, se diffuse et peut altérer l’allégeance au régime, notamment chez ces élites qui observent avec attention ses moindres frémissements », analyse dans Le Monde Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris Nanterre. Pour elle également, « le ton adopté par Vladimir Poutine lors de son allocution, samedi 24 juin, dans laquelle il a dénoncé la trahison de Wagner, témoigne du degré de fragilisation du régime. Le parallèle avec les événements de 1917 en Russie, le renversement du régime tsariste et la guerre civile qui a suivi, pour caractériser la menace Prigojine, a singulièrement tranché avec ses nombreuses prises de parole précédentes. Le président russe s’était en effet toujours attaché à convaincre que rien n’avait changé, que tout était sous contrôle, que les promesses du contrat social continuaient d’être honorées. »

Un analyste se détache, à contre-courant des spécialistes du monde russe  : Michael-Éric Lambert estime possible « que l’ensemble du coup ait été en fait orchestré par Moscou et par le FSB (les services de renseignements russes) pour donner plus de crédibilité à Vladimir Poutine ou pour essayer d’augmenter le contrôle sur la population russe. » Pour Michael-Éric Lambert, l’affaiblissement du président russe serait une uniquement une perception occidentale des événements. « Pour les Russes, il apparaît comme étant une force stabilisatrice, quelqu’un de modéré par rapport à Prigojine. C’est très inquiétant, puisque Vladimir Poutine, qui fait une guerre en Ukraine, apparaît comme modéré. De fait, son pouvoir est renforcé en Russie. »

Le Kremlin devrait prendre des mesures pour réaffirmer mainmise sur le pays après cet épisode mouvementé, estime Olivier Kempf  : « Souvent, quand un régime autocratique connaît une crise de pouvoir, il réagit par un resserrement du dispositif  : purges, réorganisations, changements de tête. C’est probablement ce qui va arriver, selon des lignes que nous ne connaissons pas aujourd’hui. Autrement dit, le pouvoir de Vladimir Poutine est altéré (dans une mesure que nous ne connaissons pas), pas forcément affaibli. »