Lot-et-Garonne : vers un été épargné par la sécheresse ?


l’essentiel
Avec deux semaines de précipitations enregistrées au début du mois de mai, le Lot-et-Garonne pourrait-il être épargné par la sécheresse cet été? Éléments de réponse avec deux spécialistes de la question à moins d’un mois de la saison estivale. 

Un récent phénomène pluvieux semble augurer un bon été pour le Lot-et-Garonne. Début mai, deux semaines de pluies régulières ont arrosé le département. De quoi espérer un été épargné par la sécheresse? Climatologue agenais, Jean-Francois Berthoumieu estime « qu’on est pas mal pour un mois de mai avec 30 à 40 mm » de précipitations enregistrés près d’Agen. Un mois notamment marqué par trois orages accompagnés de grêles les 6, 9 et 11 mai dernier « permettant de quasiment maintenir les sols saturés ». Néanmoins, les pluies abondantes « pourraient se poursuivre mais ne pourraient pas forcément compenser les épisodes de sécheresse qu’on a vécus les 12 derniers mois » nuance le climatologue. 

Lot-et-Garonne : vers un été épargné par la sécheresse ?

« Bon printemps en Lot-et-Garonne »

Concernant la pluviométrie actuelle, Gérard Pénidon, le directeur d’Eau 47, syndicat d’eau potable et d’assainissement du Lot-et-Garonne, estime que le département bénéficie « d’un bon printemps avec des pluies fréquentes et modérées. L’eau percole doucement et alimente les nappes ». En outre, les lacs collinaires, lacs artificiels, aménagés au dévers d’une colline, pour recueillir les eaux de ruissellement, « se remplissent. Un certain nombre sont pleins mais pas tous. Les pluies sont opportunes car elles accompagnent la croissance des jeunes plantes. L’irrigation n’est pas sollicitée comme au printemps 2022 ». 

François Berthoumieu avance deux hypothèses pour cet été : une optimiste et une pessimiste. La première serait  qu’on « restera fréquemment dans le flux d’est à nord-ouest avec des températures plus basses et plus fraîches et donc des risques de pluies plus importantes. On passera l’été tranquille et on aura encore de l’eau en 2024 ». La seconde serait « qu’à partir de la mi-juin, on se retrouve dans le flux de sud-ouest chaud et sec qui épuisera rapidement l’eau des sols et favorisera l’étiage (débit le plus bas) des cours d’eaux ». Dans ce cas de figure, « les nappes tiendraient jusqu’au 15 juillet et beaucoup de cours d’eaux comme celui de Saint-Martin se retrouveraient à sec dès le début de juillet ». Pour le climatologue, le cas de figure idéal serait « un mélange entre l’été 2021 qui était frais sur Agen avec moins de 15 jours supérieurs à 30° et celui de 2022 qui fut chaud avec plus de 72 jours supérieurs à 30° ».

Un certain optimisme pour cet été

Estimant qu’à l’échelle nationale, Agen « est bien situé concernant la situation de ses nappes phréatiques en raison des 6 derniers mois écoulés avec en moyenne 350 mm d’eau mesurés », le climatologue pense « qu’il y aura de l’eau potable en quantité suffisante pour le département ».

Pour cet été, Gérard Pénidon n’est pas « inquiet pour la production d’eau potable car les deux-tiers des ressources sont les forages très profonds qui ne sont pas influencés par la pluviométrie de surface ». Possédant « entre 3000 et 5000 lacs », le département est aussi doté « d’un certain nombre de biefs, offrant un potentiel de stockage qui nous rassure pour passer les périodes d’étiage ». Les difficultés que pourrait rencontrer le syndicat « résident dans la forte consommation des abonnés en période de chaleur ».

Un plan national pour l’eau

Face à des épisodes de sécheresse de plus en réguliers, l’État a mis en place un « Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau » présenté le 30 mars 2023.

S’inscrivant dans le cadre de la planification écologique, ce dispositif a pour objectif de « garantir de l’eau pour tous, de qualité et des écosystèmes préservés ». Les 53 mesures de ce plan visent « à répondre à trois enjeux majeurs : sobriété des usages, qualité et disponibilité de la ressource ».

Pour la sobriété des usages de l’eau pour tous les acteurs, l’objectif est « d’économiser l’eau pour tous les acteurs, avec l’objectif de -10 % d’eau prélevée d’ici 2030 ; mieux planifier, en déclinant l’objectif territoire par territoire et mesurer les volumes prélevés ».

Afin d’optimiser la disponibilité de la ressource, les objectifs sont « de sécuriser l’approvisionnement en eau potable en réduisant les fuites ; valoriser les eaux non-conventionnelles (REUT, eau de pluie, eaux grises…), en développant 1000 projets de réutilisation sur le territoire, d’ici 2027 et améliorer le stockage dans les sols, les nappes, les ouvrages en remobilisant les ressources existantes, et répondre au besoin de développer l’hydraulique agricole, dans le respect de la réglementation ».

Pour préserver la qualité de l’eau et restaurer des écosystèmes sains et fonctionnels, les objectifs sont de « prévenir les pollutions des milieux aquatiques et, en particulier, renforcer la protection des aires d’alimentation de captage et restaurer le grand cycle de l’eau pour restaurer la fonction filtre de la nature, avec l’objectif de développer les solutions fondées sur la nature dans la gestion de l’eau ».

 

 

Des pluies au bon moment pour les agriculteurs

 

Un épisode pluvieux bienvenu pour le département. Au début du mois de mai, ce dernier a bénéficié de quinze jours de pluies. Ces averses fréquentes durant cette période ont été très bien accueillies par les agriculteurs comme Nicolas Ipas. Situé à Sauvagnac, ce dernier cultive des légumes bio.

« Des précipitations tombées à pic »

Concernant ces deux semaines de pluies, le maraîcher confie « qu’elles sont tombées à pic. C’était très important. Il le fallait, surtout que c’est tombé juste après les semis. C’était important pour le blé qui durant la période actuelle a besoin d’eau. Même s’il ne pleut plus après, le blé est sauvé et il y aura des récoltes à mon échelle locale ».Néanmoins, l’agriculteur précise que ces récentes précipitations « feront un bon arrosage. C’est tombé juste pour permettre l’agriculture et remplir uniquement les réserves du sol mais pas celles des nappes phréatiques qui se remplissent normalement l’hiver et au début du printemps ». Au sein de sa ferme, Nicolas Ipas dispose de 30 hectares cultivables dont 25 sont irrigables. Sur ces derniers, 5 hectares sont arrosés chaque année.

Plusieurs dispositifs d’irrigation utilisés

Pour l’irrigation, le quadragénaire recourt « à un lac collinaire qui récupère l’hiver toutes les eaux de ruissellement et des ruisseaux ». Un dispositif, régit par le syndicat d’irrigation l’ASA Beauville-Puymirol, regroupant plusieurs irrigants qui permet d’arroser les cultures et gérer les lacs alimentant La Séoune. Ce premier système d’irrigation est utilisé « pour approvisionner la partie grande culture qui représente 5 hectares ».Le second dispositif utilisé par l’agriculteur concerne la partie maraîchage et le jardin qui est alimenté en début de saison « par une source située à 60 mètres du jardin ». Une source lui permettant d’arroser les cultures et les plantations « jusqu » au 15 juillet ». Sur une année, le maraîcher utilise « 500 m³». Quand la fontaine ne donne plus assez d’eau, il bascule sur le réseau grandes cultures d’une capacité de « 18 000 m³». En parallèle, il utilise également les systèmes d’irrigation « de goutte à goutte et de micro-aspersion pour les salades et les radis ». Adepte du maraîchage sur sol vivant qui lui permet « d’économiser au moins 50 % d’eau à l’année contrairement à une culture classique », l’agriculteur s’appuie sur l’apport de matières organiques mais aussi de plaquettes de bois et de pailles « qui gardent l’eau et la redistribuent dans la terre ».Un minimum confiant pour l’été, Nicolas Ipas constate, pour l’instant, que ses cultures « se portent mieux qu’en 2022. il y aura des meilleurs rendements sur le blé et les légumes sont magnifiques mais on ne peut pas savoir à l’avance. Ça peut aller très vite ».