Comment répondre à l’envolée des prix à la consommation  ?


Sans régulation et intervention publique, nous ne sortirons pas de la spirale inflationniste. Encadrer les prix et les marges est une priorité.

Nous devons d’abord relever le décalage croissant entre l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé de l’Insee, approchant les 7 %, et l’évolution des prix alimentaires qui grimpent de près de 19 % sur un an glissant. Ce constat se double d’une flambée des « premiers prix » et des produits d’hygiène et d’entretien. Or le poids des dépenses alimentaires et d’entretien n’est pas du tout le même selon que l’on soit un foyer modeste ou aisé. La conjonction de l’envolée générale des prix, avec la hausse encore plus spectaculaire des produits de base, pèse très lourdement sur le budget des ménages.

L’analyse de cette hausse des prix tient à deux phénomènes qui coexistent : la transmission de l’envolée des cours de l’énergie et des matières premières tout au long de la chaîne de valeur et la poursuite d’une stratégie de rentabilité des plus grands groupes de l’industrie agroalimentaire et de la distribution. Je crois qu’il nous faut agir sur ces deux déterminants structurels. Car même si elles sont aujourd’hui indispensables, les réponses de court terme, qui consisteraient à déployer uniquement une « politique des petits chèques », ne portent pas les réorientations nécessaires à même de calmer l’emballement. Quant à l’engagement volontaire des distributeurs à bloquer les prix d’un panier de produits qu’ils sélectionnent eux-mêmes, on sait par avance qu’il ne comporte aucune assurance dans la durée, voire qu’il peut conduire à des transferts de marges vers d’autres produits en rayon.

Comment répondre à l’envolée des prix à la consommation  ?

Privilégions l’intervention publique avec le retour des tarifs réglementés.

Notre engagement politique doit donc être très ferme sur la maîtrise des prix et des consommations énergétiques. Il faut sortir l’électricité et le gaz des mécanismes concurrentiels actuels. Ils ont exercé une pression considérable sur l’évolution des coûts de production de la chaîne de transformation dans la dernière période. Privilégions immédiatement l’intervention publique à destination de notre tissu de TPE et PME avec le retour de tarifs réglementés, en remettant ainsi en cause des contrats signés ces derniers mois avec le pistolet sur la tempe.

De la même façon, il faut se défaire au plus vite du dogmatisme libéral qui consiste à ne rien exiger des plus gros acteurs de la filière alimentaire et de la distribution. L’encadrement des marges et de la rentabilité de ces acteurs, souvent mondiaux, est une priorité. Des mécanismes efficaces ont déjà fait leurs preuves par le passé, comme l’instauration d’un coefficient multiplicateur entre prix d’achat et prix de vente.
L’urgence n’est-elle pas de prendre à bras-le-corps les changements à l’œuvre ? L’instabilité géopolitique, la croissance des contraintes climatiques et d’approvisionnement en matières premières vont peser plus lourdement sur les productions agricoles et les filières agroalimentaires. Soit nous courons derrière les marchés en les laissant piloter les prix aux consommateurs par la rentabilité, soit nous faisons le choix de l’intervention et de la régulation pour sortir des spirales inflationnistes. 

L’Humatinale

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La revalorisation salariale passe par une diminution des impôts et un engagement des entreprises. Cela demande encore une réindustrialisation de notre pays.

Le 28 avril, l’Insee a publié l’indice des prix à la consommation pour le présent mois et l’inflation continue sa course, s’établissant à 5,9 % sur un an. Mais, derrière ce chiffre global, la flambée des prix de grande consommation est plus vive encore, avec notamment des prix de l’alimentation pour lesquels l’inflation est estimée à 14,9 %. Elle pourrait atteindre jusqu’à 25 % d’ici à l’été. L’ampleur de cette envolée des prix ne peut pas être laissée sans réponse. Une hausse rapide des salaires doit être notre ambition prioritaire. Elle doit être réfléchie avec la vigilance qui s’impose et ne doit pas nourrir la flamme de l’inflation par la mise en route d’une infernale spirale entre prix et salaires. Elle n’en est pas moins indispensable. Cette revalorisation pourrait s’obtenir en activant deux leviers.Le premier d’entre eux est naturellement la diminution des charges et des impôts. Alors que l’inflation agit déjà comme la plus inégalitaire des taxes, l’État doit abaisser la pression fiscale sur les citoyens et faire augmenter le salaire net.

L’État doit abaisser la pression fiscale sur les citoyens et faire augmenter le salaire net.

Le second levier appartient aux entreprises elles-mêmes, particulièrement à celles dont les profits ont augmenté récemment du fait de la conjoncture inflationniste. Elles doivent contribuer à la protection du pouvoir d’achat des Français en participant à cette politique du bulletin de paie qui est la seule en mesure de répondre, efficacement et sans retard, à la situation compliquée dans laquelle se retrouvent trop de nos compatriotes. Mais, au-delà de l’urgence de cette réponse, nous devons avoir une vision à long terme et aucune solution à court terme ne doit altérer le potentiel et les perspectives de notre pays qui, dès aujourd’hui, fait face à tant de défis et qui, demain, devra en relever tant d’autres. Nous devons notamment veiller à ne pas aggraver le déficit public par une nouvelle politique de « quoi qu’il en coûte » et les baisses d’impôts que nous appelons de nos vœux doivent nécessairement s’accompagner d’économies.
La vision à long terme doit également nous amener à poursuivre l’ambition de la croissance. Le ralentissement auquel nous assistons est riche de périls car nous ne pouvons pas consolider la hausse des salaires sans productivité. Nous devons donc empêcher que la demande ne se contracte sous l’effet de l’inflation et ne nous condamne à la stagflation.
Nous devons réindustrialiser notre pays et lui redonner une dynamique économique porteuse d’espoirs et de progrès pour le plus grand nombre. Nous devons aussi investir dans les infrastructures énergétiques, afin de reconquérir notre autonomie stratégique, ou dans les infrastructures de transports et de communication, afin de répondre au défi du désenclavement de certains territoires dont l’isolement contribue à augmenter l’inflation.
Telles sont les pistes qui doivent s’imposer à nous : c’est en se reconstruisant un avenir économique et industriel que la France pourra répondre de la manière la plus forte à la crise que nous traversons.