Derrière la porte


La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui  : François*, 35 ans.

Mis à jour à 18h00

François aime les femmes. Il aime les satisfaire. Les combler. Leur obéir. Jusque dans leurs plus intimes désirs.

Derrière la porte

Le jeune homme originaire du Moyen-Orient ne s’est encore jamais raconté. En fait, et malgré ses airs de grande gueule et son côté très sociable, il parle bien peu. « Depuis que je suis petit, je ne raconte pas grand-chose, confie-t-il. Oui, je suis très sociable, mais ma vie personnelle ? Ce n’est pas nécessaire de l’expliquer. »

Le voilà néanmoins installé devant nous, à répondre à nos plus impudiques questions, dans un coloré café d’Ahuntsic. Quoique sans s’éterniser, faut-il le signaler. Ni s’épancher sur ses émotions. Plutôt vite fait, bien fait. Tel est son style, et ça paraît.

Avec ses petits airs de voyou, sa tête rasée et voix cassée, on devine qu’il n’a pas eu une vie facile. « J’ai grandi dans la rue, confirme-t-il, entre deux confidences. J’ai fait des conneries. »

Sa première fois ? Il devait avoir 14 ans. Tenez-vous bien  : avec une femme de 40 ans. « C’était une voisine que je trouvais belle », se souvient-il. Et non, malgré la différence d’âge notable, il ne s’est pas senti utilisé. Ni agressé. « Depuis que je suis petit, je suis tannant », dit-il. Détournement de mineur ? Cela s’est passé au Moyen-Orient, « il n’y a rien qui compte, là-bas. », rappelle-t-il, tout bonnement. En fait, il en garde même de plutôt bons souvenirs. « Elle m’a appris tout ce que tu n’apprends pas avec des filles de ton âge », illustre-t-il. Par exemple ? Les joies des caresses et de la lingerie.

Après cette première expérience (une aventure qui se répète quelques fois), François émigre au Canada, puis s’inscrit, autour de ses 18 ans, sur un site pour couples libertins. Là-dessus, il fait la rencontre d’un couple qui cherche un homme avec qui « tripper ». Il s’en souvient encore. Ils avaient la quarantaine (toujours  ! ) et vivaient à une centaine de kilomètres de Montréal. François les rejoint dans un hôtel. « Et j’ai passé la nuit avec eux. » Et puis ? « C’était bien, répond notre homme de peu de mots. Je ne me plains pas  !  » Mais il y a plus  : « Ça a tout changé ma mentalité sexuelle, cette soirée-là. » En quoi ?

Ce qu’une femme cherche, ce qui la motive, c’est ce qui me motive.

François

Il faut dire que pendant les années qui vont suivre, toutes ses aventures vont être du même type  : des trips à trois, avec des couples de toutes sortes, rencontrés en ligne, pour combler les désirs de madame. Mais seulement les désirs de madame, précise-t-il. « La plupart des couples que je rencontre me disent ça  : “Ma femme aimerait ça.” » Quant à François  : « Moi, depuis toujours, faire plaisir, ç’a toujours été ma nature. »

Et si madame veut qu’on s’occupe de son conjoint, François se plie. On ne le lui demande pas, mais c’est lui qui précise  : « Est-ce que je suis gai ? Non. Bi ? Non. Est-ce que ça me dérange ? Non. »

On ne lui demande pas davantage, mais il poursuit. « Un homme ? Ça ne m’intéresse pas. Moi, la motivation première a toujours été la femme. Mais tu y trouves goût avec le temps, dit-il, toucher un homme avec une femme. »

Bicurieux, peut-être, ose-t-on ? « Je ne sais même pas comment me définir. Soumis ? Soumis aux désirs de quelqu’un, oui. Mais bicurieux ? Un homme, ce n’est pas quelque chose qui m’attire, répète-t-il. Mais tu y prends goût. »

En tout, notre homme fréquente une bonne dizaine de couples, à coup d’une fois par semaine, pour la plupart des « réguliers ». Il en mentionne un en particulier, avec qui l’aventure s’étire sur deux années. Avec eux, il a tout exploré  : les soirées échangistes, fétichistes, etc. Ce qu’il en retient ? « J’ai vraiment appris la sensualité et la douceur avec eux. »

Puis, il y a quelques années, François finit par se caser. Il rencontre sa toute première copine, par l’entremise du boulot. Leur histoire dure cinq ans. Au lit ? Sans hésiter, il répond  : « Sérieusement ? Ça allait très mal. On a même passé un an sans avoir de relations. »

mais plutôt à sa vie de fou (il travaillait trop et sortait aussi beaucoup).

Pendant tout le temps que dure la relation, « je n’ai rien fait de tout ce que je t’ai dit. ». D’ailleurs, elle n’en a jamais rien su.

Ça, personne ne l’a jamais su. Aucun ami, personne dans mon entourage.

François

Pourquoi ? La fameuse peur du « jugement ».

L’an dernier, début trentaine, donc, François se sépare. « Et j’ai recommencé mes anciens trips. » Avec des couples ? « Toujours », acquiesce-t-il.

du type simulation de viol, c’est non. « Je ne suis pas intéressé et je ne les rencontre pas », tranche-t-il.

« Moi, ce que j’aime, c’est m’asseoir, boire, jaser, et après, tu trippes toute la soirée. »

Et lui, « trippe »-t-il ? Il sourit  : « Oui, quand je vois dans la face de la femme qu’elle a du plaisir. »

Comment il envisage l’avenir ? Surprise  : « Dans le meilleur des mondes, j’aimerais trouver une femme et avoir une vie normale. » Une vie qui n’impliquerait pas ce genre de soirées, comprend-on. « Je ne penserais pas. »

il se « défoule », comme il dit.

C’est ce qu’il aimerait qu’on retienne de son récit  : « Tout peut se passer derrière la porte, croit François. J’ai déjà porté une laisse. Est-ce que je le ferais dans la vie de tous les jours ? Non. Je vais faire l’homme. »

Et cet « homme », des fois, il a aussi besoin de se confier. « C’est bien beau garder tout en soi, mais des fois, faut que ça sorte. », confirme-t-il, avant de s’éclipser.

* Prénom fictif pour protéger son anonymat