situation explosive à la maison d’arrêt


Avec 434 détenus pour une capacité de 272 places, bien au-dessus du « seuil de criticité » fixé à 380, la maison d’arrêt sature. « Une situation qui n’est pas propre à Besançon mais concerne pratiquement tous les départements français », constate le syndicat Ufap-Unsa-Justice dans un tract syndical diffusé le 5 janvier, jour où un détenu avait été retrouvé pendu sa cellule, une semaine après le décès de deux autres détenus par overdose.

« Une situation d’engorgement »

« Il y a une situation d’engorgement aujourd’hui », constate le directeur de la prison, Kamel Laghoueg. En cause : la hausse des détentions provisoires d’une part et le manque de maisons centrales qui accueillent les détenus condamnés purgeant de longue peine. Le directeur évoque aussi un « manque de communication entre pénitentiaire et judiciaire ». « Sur deux semaines, nous avons eu quatre écrous avec le commentaire “à isoler”. Je n’ai pas le choix, mais je les mets où ? », s’interroge-t-il. Son établissement compte neuf places en isolement et une cellule anti-suicide. « On fait. On gère, mais c’est une difficulté supplémentaire pour mes personnels ». Conscient de la situation, le procureur Etienne Manteaux avait donné comme consigne, fin décembre, « de ne plus mettre à exécution les peines non urgentes, sauf en cas de commission d’un fait nouveau, ou de mandat de dépôt ».

situation explosive à la maison d’arrêt

Un surveillant pour 72 détenus

Cette surpopulation pèse non seulement sur les détenus, contraints pour certains de dormir sur des matelas au sol, mais aussi sur l’encadrement. Au sein de la maison d’arrêt de Besançon officient 132 personnels dont 110 « personnels en tenue », le terme consacré pour désigner les surveillants pénitentiaires. Insuffisant selon l’Ufap-Unsa justice, qui estime à 26 le nombre de surveillants manquants. Côté direction, une attachée administrative et d’intendance, un chef de détention et son adjoint manquent à l’appel. « Une situation pas forcément satisfaisante », selon Kamel Laghoueg.

« Les rondes sont bien faites »

La nuit, la situation est particulièrement tendue avec six surveillants et un encadrant de service de nuit pour 434 détenus. Soit un surveillant pour 72 prisonniers, de 19 h à 7 h. « À titre de comparaison, ils sont quatre à Vesoul et quatre à Belfort où il y a 46 détenus, sachant que nous n’avons pas les mêmes peines, ni les mêmes profils », fait remarquer le chef de service pénitentiaire. Dans ces conditions, « les rondes de nuit sont-elles faites ? » interroge Laurent Croizier. « Elles sont bien faites. Tous les œilletons sont faits de manière systématique », assure un surveillant. « Tout est traçable. Tout est contrôlé. Si les rondes n’étaient pas faites, on devrait se justifier. Je dois rendre des comptes. Tout incident grave en détention oblige le chef d’établissement à faire un rapport validé, étoffé. Il n’y a pas plus transparent qu’un établissement pénitentiaire aujourd’hui », abonde le directeur.

Des extractions médicales la nuit qui mobilisent du personnel

Au moment de la découverte du corps du détenu pendu dans sa cellule, « il y avait trois personnels sur la structure. Les autres étaient mobilisés sur une extraction médicale commencée à 19 h », révèle le chef d’établissement. Sans médecin ni infirmière sur place, sans l’intervention de SOS Médecins, la prise en charge sanitaire des détenus revient aux surveillants, en plus de toutes leurs autres tâches. « Sans compétences médicales, on ne prend pas de risque même pour un simple mal de ventre mais cela mobilise au minimum deux personnels, trois, voire plus », constate l’équipe, qui espère le retour de SOS Médecins pour éviter les extractions nocturnes. « Si nous n’y arrivons pas, nous serons dans une situation très compliquée. Clairement, je ne vois pas comment on peut envisager que les choses s’améliorent très vite », prévient Kamel Laghoueg.Contactée, l’Agence régionale de santé indique avoir rencontré SOS Médecins début novembre, après avoir été sollicitée par la maison d’arrêt. « Ils nous ont indiqué qu’eux aussi sont en tension et n’ont pas la possibilité de répondre favorablement à cette demande. D’autres solutions continuent d’être recherchées. »