TikTok : une question de temps


Publié le 28 janv. 2022 à 6 :, Esther Dyson est connue pour avoir résumé l’évolution de notre rapport au temps par ce constat  : l’horizon temporel pour un politique est le terme de son mandat ; dans la mode ou la culture il se mesure en saison ; dans les affaires c’est désormais le trimestre ; sur Internet il se compte en minutes, et sur les marchés, il relève du millième de secondes. On pourrait compléter le tableau en y réservant une place particulière à TikTok, le réseau social qui est en train de conquérir une forme de suprématie mondiale dans les générations montantes, et dont l’unité de temps se chiffre, elle, plutôt en dizaines de secondes.

Le fait que la jeunesse plébiscite ces formats de communication ultracourts, l’agilité digitale étant à l’évidence encore beaucoup une question d’âge, cache sous son apparente logique un vrai paradoxe  : ces jeunes qui seront les premiers concernés par les conséquences du réchauffement climatique ou plus généralement la préservation de la planète ne devraient-ils pas se projeter avant toute chose dans le temps long ? Ils le font bien sûr en interpellant, parfois rudement, leurs aînés actuellement au pouvoir. Mais l’accélération de nos vies nous expose à ce que la sociologue Elise Boulding a nommé dans les années 1970, avec une certaine prescience, la « fatigue temporelle »  : on doit courir tellement pour rester « dans le coup » que l’on se retrouve essoufflé et sans énergie quand il s’agit de penser au futur. Le risque c’est que ce dernier soit traité comme l’équivalent d’un no man’s land, un bien n’étant attaché par aucun lien de propriété, et que les décideurs d’aujourd’hui se l’approprient au détriment de la jeunesse à qui réellement l’avenir appartient.

TikTok : une question de temps

C’est un fait que dans notre civilisation tout va plus vite. Mais sa survie dépend plus que jamais de notre capacité, collectivement, à voir loin.