« Tout se serait effondré si j’avais choisi quelqu’un d’autre pour incarner le metteur en scène. »


Dans votre roman autofictionnel Le Livre pour enfants (2005), vous écriviez : « Je n’ai jamais construit qu’un seul personnage, dans mes fictions adultes et enfants, celui du narrateur homosexuel, qui ne revendique rien, jamais ne justifie ses désirs, prétendant être ailleurs, dans l’écriture, alors que seuls ses désirs vous concernent. » Cette phrase est très vraie par rapport à Guermantes, non ?Ce qui est sûr, c’est que c’est la première fois que je ne passe pas par un double de fiction. Ce n’est tellement pas ma nature de me filmer – mais là, je n’avais pas le choix. Tout se serait effondré si j’avais choisi quelqu’un d’autre pour incarner le metteur en scène. Pour moi, ça s’inscrit dans une recherche autour de l’autofiction. J’ai commencé par mon livre Ton père [paru en 2017 au Mercure de France, ndlr], puis il y a eu mon film Plaire, aimer et courir vite [sorti en 2018, ndlr] et ma pièce Les Idoles [montée en 2019, ndlr]. Dans ce film, je voulais pouvoir me reconnaître et en même temps je suis comme les autres acteurs du film, j’essaye de ne rien me voler. Comme je n’étais pas dans une période très légère – c’était un été assez épouvantable –, j’ai tenté d’amener le film vers une sensualité légère, avec le groupe qui emporte une espèce d’énergie. Mais, pour le coup, j’ai l’impression que Guermantes est un portrait du metteur en scène dans un grand isolement. Ça parle de solitude, d’incompréhension, du fait d’essayer de faire croire à des gens que le travail peut aider, sans en être au fond si convaincu que ça. C’est une manière aussi de répondre à ce médecin qui m’a contacté [et qui apparaît dans le film dans une scène de discussion avec Christophe Honoré au café de la Comédie-Française, ndlr] et qui voulait que les artistes viennent filmer dans les hôpitaux. C’est une manière non pas d’échapper à ce qu’il voulait que je filme, mais d’essayer de dire tout le côté dérisoire de notre fonction. C’est un peu dangereux, dans ce genre de moments, pour les gens qui écrivent, qui font des films, de se prétendre prophètes.