Cet article est paru dans Allaiter aujourd’hui n° 53, LLL France, 2002. Voir en bas de page les mises à jour 2014, 2018, 2019 et 2020.
L’expérience montre que les réactions des employeurs sont variées : depuis celui qui refuse tout jusqu’à celui qui accepte sans discussion
Les locaux
L’article L. 224-3 du Code pose le principe général selon lequel « la mère peut toujours allaiter son enfant dans l’établissement » ; le local destiné à cet effet doit être séparé de tout local de travail, avoir un point d’eau à proximité, être propre, pourvu de sièges convenant à l’allaitement, et correctement chauffé.L’article 224-4 prévoit par ailleurs que les entreprises employant plus de cent femmes peuvent être mises en demeure d’installer des « chambres d’allaitement » ; pas moins de 20 articles du Code décrivent par le menu l’aménagement et l’équipement de ces chambres d’allaitement, qui ressembleraient davantage à des crèches d’entreprise (alors que dans le simple local, « les enfants ne peuvent séjourner que pendant le temps nécessaire à l’allaitement »).
Ajoutons que d’après l’article R. 232-10-3 (issu du décret du 31 mars 1992), « les femmes enceintes et les mères allaitant leurs enfants doivent avoir la possibilité de se reposer en position allongée, dans des conditions appropriées. » Cette règle plus récente est très intéressante, car fort utile et d’application beaucoup plus large, puisqu’elle concerne toute entreprise quel qu’en soit l’effectif, et profite à toute salariée qui déclare allaiter, et non pas seulement à l’allaitement sur le lieu de travail (mise à jour : cet article a malheureusement été abrogé au 1er mai 2008).
Les pauses d’allaitement
Le temps d’allaitement pendant le travail est prévu par le Code pour tout type d’entreprise et quel que soit l’effectif : « pendant une année à compter du jour de la naissance, les mères allaitant leurs enfants disposent à cet effet d’une heure par jour durant les heures de travail » (art. L. 224-2), « répartie en deux périodes de trente minutes, l’une pendant le travail du matin, l’autre pendant l’après-midi.
Le moment où le travail est arrêté pour l’allaitement est déterminé par accord entre les intéressées et leurs employeurs. A défaut d’accord, il est placé au milieu de chaque demi-journée de travail » (art. R.
224-1). (Les numéros des articles ont changé depuis 2007, voir plus bas la mise à jour 2014.)
Rémunérées ou pas ?
On estime actuellement que « dans le silence des textes » et comme l’a rappelé la réponse ministérielle du 12 avril 1993 à la question écrite d’un député, ces pauses ne sont pas considérées comme du travail effectif, et ne sont donc pas rémunérées.
Sauf dans certaines conventions collectives de branche (1).Cela dit, les choses devraient changer sur ce point quand la France aura ratifié la convention OIT (voir plus bas), ce qui nous ramènerait d’ailleurs à l’esprit de la loi d’origine. En effet, dans la « proposition de loi relative à la protection de l’allaitement maternel adoptée par la Chambre des députés dans sa séance du 12 juin 1913 », il est dit expressément : « Il est interdit de décompter en aucune façon du montant du salaire journalier l’heure destinée à l’allaitement » (2).
Il ne m’a pas été possible de trouver comment cette phrase a ensuite disparu !Voir également plus bas (mise à jour 2020) l’avis d’une juriste pour laquelle la non-rémunération est discriminatoire et donc illégale.
Et les fonctionnaires ?
et qu’ensuite elle attaque la décision en saisissant le tribunal administratif
Congés d’allaitement
Contrairement à ce que croient certains, il n’existe pas de « congé d’allaitement » – sauf dans certaines conventions collectives, comme celle de la Croix-Rouge et celle de l’audiovisuel qui dit que « sur présentation d’un certificat médical en attestant la nécessité, un congé supplémentaire rémunéré de quatre semaines pour allaitement pourra être alloué à l’issue du congé de maternité » (1).
Ce qu’on appelle ainsi est en fait le congé « pour suites de couches pathologiques », qu’un certain nombre de médecins accordent effectivement en cas d’allaitement, mais qui est un congé maladie soumis aux règles de tout congé maladie (possibilité d’être contrôlée notamment).Cela dit, j’ai eu la surprise de trouver ceci sur le site web d’une CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) : « Si l’allaitement est bénéfique à la santé de l’enfant, la mère peut demander à un médecin de prolonger son congé, soit par un congé pour couches pathologiques, soit par un congé maladie supplémentaire. » L’allaitement étant toujours « bénéfique à la santé de l’enfant », on aurait donc l’aval de la Sécu ? !
La convention OIT
En juin 2000, l’Organisation Internationale du Travail adoptait la nouvelle convention sur la protection de la maternité (convention n° 183).
Son article 10 réaffirmait le droit aux pauses d’allaitement :1. La femme a le droit à une ou plusieurs pauses quotidiennes ou à une réduction journalière de la durée du travail pour allaiter son enfant.2.
La période durant laquelle les pauses d’allaitement ou la réduction journalière du temps de travail sont permises, le nombre et la durée de ces pauses ainsi que les modalités de la réduction journalière du temps de travail doivent être déterminés par la législation et la pratique nationales.Ces pauses ou la réduction journalière du temps de travail doivent être comptées comme temps de travail et rémunérées en conséquence.La convention s’accompagne de recommandations qui disent entre autres que « des structures pour l’allaitement des enfants (…) sur le lieu de travail ou à proximité » devraient pourvoir être crées.
La France a voté la convention et a dit qu’elle la ratifierait. Début septembre 2002, elle ne l’avait toujours pas fait (renseignements pris auprès de l’OIT).
Claude Didierjean-Jouveau
(1) Voir sur le sujet l’article de Christian Desfontaines, inspecteur du travail, dans AA n° 39, avril 1999, p.
18-19.(2) Allaitement maternel au magasin et à l’atelier, Conseil supérieur du travail, 1916.
Mise à jour du 1er septembre 2014
L’article de Martine Herzog Evans « Allaiter ? Vous avez le droit ! ».
On peut aussi consulter son ouvrage Allaitement maternel et droit (éditions L’Harmattan, page 44).Tout l’article du AA n° 67 reste valable sauf pour les numéros d’articles du Code.En effet, le Code du travail a été « toiletté » en 2007, et il s’agit maintenant des articles L.
1225-30 à L. 1225-33, qui remplacent les anciens articles L 224-1 à L 224-5 :
Art. L 1225-30.
Pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d’une heure par jour durant les heures de travail.Art. L 1225-31.
La salariée peut allaiter son enfant dans l’établissement.Art. L 1225-32.
Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d’installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l’allaitement.
Les modalités d’application se trouvent dans les articles R. 1225-5 à R.
1225-7 et R. 4152-13 à R. 4152-28.
À noter que les pauses d’allaitement de deux fois trente minutes par jour peuvent être réduites à vingt minutes si l’employeur « met à la disposition des salariées, à l’intérieur ou à proximité des locaux affectés au travail, un local dédié à l’allaitement » (art. R. 1225-6).
« Local dédié à l’allaitement », tel est le nouveau nom des chambres et locaux d’allaitement. Jugés obsolètes par certains, ils étaient voués à disparaître du Code toiletté. Mais ils sont finalement toujours là.
Les caractéristiques du local (art. R. 4152-13 à R.
4152-28) sont restées les mêmes que celles déterminées en 1917, alors qu’elles auraient pu être modernisées. Par exemple, si la femme doit y tirer son lait, il serait bon qu’il dispose d’une prise électrique et d’un réfrigérateur…Ajoutons que contrairement à la jurisprudence française en vigueur, la convention 183 de l’OIT, adoptée en 2000 (votée alors par la France, mais toujours pas ratifiée…), dit que « les pauses ou la réduction journalière du temps de travail doivent être comptées comme temps de travail et rémunérées en conséquence ». Dans son rapport 2011, le Comité européen des droits sociaux relevait d’ailleurs des « non-conformités » liées à « l’absence de garantie pour les salariées françaises d’une rémunération des pauses d’allaitement ».
Alors, à quand la ratification et la mise en conformité ?
Mise à jour 2018
Concernant les fonctionnaires et les agents contractuels de la fonction publique dans la limite d’une heure par jour à prendre en deux fois » ».Il ressort de ces dispositions, datant de 1950, que la possibilité pour les femmes qui travaillent dans la fonction publique de poursuivre l’allaitement de leur enfant est restreinte et, dans les faits, est appliquée de façon très inégale selon les administrations.Dès lors, il semble nécessaire de faire évoluer l’état du droit afin de garantir les mêmes droits aux femmes agents publics qu’aux salariées du secteur privé et qu’aux femmes militaires.
L’aménagement de service pour les femmes qui souhaitent poursuivre l’allaitement de leur enfant devrait leur être garanti afin d’améliorer la conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, objectif promu dans le cadre de la politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. »En conséquence, le Défenseur des droits fait la recommandation suivante : « Le Défenseur des droits recommande au législateur de faire évoluer l’état du droit afin de garantir aux femmes agents publics des aménagements de service leur permettant de poursuivre l’allaitement de leur enfant après leur reprise d’activité, si cela correspond à leur choix. »
Mise à jour 2019
sous réserve des nécessités du service, et selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
»
Mise à jour 2020
ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français. »En cas de problème, elle conseille d’aller sur le site du défenseur des droits pour expliquer le cas et demander à ce que le défenseur des droits prenne contact avec l’employeur pour l’informer et faire régulariser.
Obligations de l’employeur
Telles que décrites par la rédaction des éditions Tissot, le 25 janvier 2021 : Allaitement, quelles sont mes obligations ?
Sur le site service-public.
fr
Une salariée peut-elle allaiter pendant les heures de travail ?
Pour les enseignantes
Allaitement, APC et allègement de service.
Un jugement à retenir
Séphora car elle allaite son bébé matin et soir avec le soutien de la CFDT, dans une procédure pour licenciement abusif et vexatoire. Pour elle-même, « mais aussi dans l’intérêt collectif de rappeler ce droit à l’allaitement de toutes les salariées ».Le 27 février 2001, dans un jugement qui fait désormais jurisprudence, le Conseil des prud’hommes de Brest lui a donné raison, en condamnant Séphora à payer 140 000 F pour non-respect de l’article L.
224.2 du Code du travail sur les pauses d’allaitement et du « droit au respect de la vie privée et familiale » (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).Haut de Page .