Trois questions sur les accusations de génocide auxquelles Israël devra répondre devant un tribunal international


Le 29 décembre, l’Afrique du Sud a déposé une requête contre Israël auprès de la Cour internationale de justice, accusant l’État hébreu de mener un génocide contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza. Depuis les attaques menées par le Hamas le 7 octobre et le déclenchement de la guerre, l’Afrique du Sud est le premier pays à mener une action en justice contre Israël. L’audience se tiendra à La Haye, aux Pays-Bas, les 11 et 12 janvier prochains.

Qu’est-ce que la Cour internationale de justice ?

La Cour internationale de justice (CIJ) a été créée par la déclaration des Nations Unies en 1945 et constitue aujourd’hui l’organe judiciaire de l’ONU. Les quinze juges qui la composent – tous d’une nationalité différente – siègent au Palais de la Paix de La Haye pour un mandat de neuf ans, après leur élection par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies.La CIJ possède deux compétences principales : elle tranche les litiges qui opposent des États entre eux (différends frontaliers, interprétation d’un traité, violation d’un engagement international…) et rend des avis consultatifs sur des questions juridiques auprès des institutions de l’ONU.

La justice internationale est également rendue par la Cour pénale internationale (CPI), créée par la convention de Rome en 1998. Son siège se situe aussi à La Haye mais, contrairement à la CIJ, elle juge les individus – et non les États – accusés de crimes contre l’humanité, de génocide, de crimes de guerre ou de crimes d’agression. Le 17 novembre, la CPI a également été saisie d’une demande d’enquête par l’Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti, au sujet des bombardements en cours à Gaza.

De quoi Israël est-il accusé ?

La procédure judiciaire de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice se fonde sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette charte, ratifiée par Israël en 2019, énumère cinq actes que les pays signataires s’accordent à qualifier de génocide : le meurtre de membres d’un groupe, l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres d’un groupe, la soumission intentionnelle d’un groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, les mesures visant à entraver les naissances au sein d’un groupe et le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe. Pour être qualifiés de génocide, ces actes doivent être commis « dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

Lire la suiteDans le dossier juridique de 84 pages déposé devant la CIJ, l’Afrique du Sud estime ainsi que « les actes commis par Israël revêtent un caractère génocidaire car ils s’accompagnent de l’intention spécifique requise de détruire les Palestiniens de Gaza ». Les avocats sud-africains appuient leur requête sur des éléments matériels – le grand nombre de victimes civiles, la destruction d’infrastructures, l’entrave à l’accès à la nourriture et à l’assistance médicale – mais aussi sur des déclarations de responsables israéliens, qui prouvent selon eux une « intention génocidaire ».Des accusations qu’Israël s’est empressé de balayer.

Deux jours après le dépôt de cette requête, le Premier ministre Benjamin Netanyahou affirmait que la guerre menée dans la bande de Gaza était « d’une moralité sans équivalent ». Pourtant, preuve d’une certaine fébrilité, l’État hébreu a pour la première fois accepté de collaborer avec la juridiction internationale, que Netanyahou a déjà qualifié d’antisémite par le passé. Lors de l’audience des 11 et 12 janvier, Israël sera ainsi représenté par quatre avocats, dont le britannique Malcolm Shaw, qui plaideront évidemment « non-coupable ».

Quelles pourraient être les conséquences de cette audience ?

Si Israël a reconnu l’autorité de la CIJ, la juridiction internationale ne dispose d’aucun pouvoir coercitif. Ainsi, la Cour avait ordonné à la Russie de suspendre ses opérations militaires en Ukraine dès le début de l’invasion du pays en février 2022, une demande ignorée par Moscou. Pour autant, une potentielle condamnation d’Israël pourrait justifier la prise de sanctions envers l’État (sanctions économiques, campagnes de boycott, émission de mandats d’arrêt internationaux contre des responsables politiques ou militaires…).

Des mesures qui paraissent toutefois difficiles à mettre en place, notamment car la requête de l’Afrique du Sud n’est pas soutenue par les Etats-Unis. Le 3 janvier, John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, a ainsi qualifié cette accusation de génocide d’ « infondée, contre-productive et basée sur aucun fait ».Outre la reconnaissance d’un génocide, l’Afrique du Sud demande à la CIJ de prendre au plus vite des mesures pour « assurer la protection urgente et la plus complète possible aux Palestiniens », en ordonnant l’interruption des opérations militaires à Gaza et en permettant l’accès des Palestiniens à l’aide humanitaire.