Ukraine Stories : Les enfants de l’institutrice


Une campagne de financement participatif a permis de couvrir les deux premiers mois du projet.

Si vous souhaitez le soutenir pour la suite, écrivez infogenevasolutions.

Ukraine Stories : Les enfants de l’institutrice

■ Endormi à Kiev, réveillé à Moscou?

«À un moment donné, dans un avenir très proche, un ministre militaire d’un pays membre de l’OTAN voudra se rendre en train à Kiev pour parler à Zelensky, et il n’y arrivera jamais. Il se réveillera à Moscou», a déclaré Oleg Viktorovitch Morozov, député à la Douma, sur l’émission «60 minutes» de la chaîne Russie 1.

Le député a répondu à l’affirmatif lorsque la présentatrice, Olga Skabeyeva, lui a demandé s’il parlait d’enlèvement. Morozov a ajouté que dans un tel scénario, le fonctionnaire pourrait être jugé à Moscou et reconnu responsable de l’approvisionnement d’armes de son pays à l’Ukraine.

Le député avait auparavant proposé de considérer certains citoyens comme «indésirables» et d’empêcher leur entrée en Russie.

Il avait aussi dit vouloir «dénazifier» la Pologne après la fin de la guerre en Ukraine, d’après le canal Telegram du média indépendant «Agence de nouvelles».

■ Les marchands de l’espoir

La plupart des commerçants du marché d’Odessa n’ont pas cillé le 24 février. Ils ont continué à soutenir l’économie du pays en récoltant des fonds, en fournissant en uniformes et munitions l’armée, en aidant les déplacés à se procurer des produits de première nécessité, et en envoyant de l’aide humanitaire dans les régions déchirées par la guerre.

L’un d’eux, Oleksy Terzioglo, approvisionne les soldats ukrainiens sur la ligne de front.

«J’aide depuis 2014. A l’époque, on lançait des regards étranges vers mes tentes et mes sacs de couchage, mais aujourd’hui, je travaille avec toute la ville», déclare Oleksy.

Avant la guerre, le marché, un des plus grands d’Europe, accueillait chaque jour 15 000 stands, 60 000 vendeurs et 20 000 clients. En Ukraine, c’est une véritable mine d’or économique. Malgré le risque permanent de frappes aériennes, Natalia Khlamova et son mari continuent d’y travailler tous les jours.

La quasi-totalité de leurs bénéfices est reversée aux personnes déplacées et aux soldats.

«Dès le premier jour de la guerre, nous avons annoncé sur notre site Internet que nous voulions aider et les volontaires nous ont contactés immédiatement. Nous avons ainsi approvisionné les soldats et aujourd’hui, nous achetons des vêtements pour les enfants dans le besoin», explique Natalia.

Certains lieux de stockage sont utilisés pour trier les marchandises arrivant d’Europe puis envoyées dans les régions. Ces cargaisons contiennent de tout, des sous-vêtements aux sacs de couchage. Les commerçants d’Odessa estiment qu’il est leur devoir de subvenir aux besoins de la population, comme l’explique la directrice du marché Irina Tkach: «Nous envoyons tout ce qui est nécessaire aux unités militaires et aux hôpitaux ainsi qu’aux réfugiés venus de l’Est arrivés totalement démunis dans notre région», explique-t-elle.

Elle travaille pour une chaîne de télévision ukrainienne, Rada.

■ Médiatrice entre l’enfer et l’enfance

«Je suis une sorte de médiatrice entre l’enfer et les enfants», explique une enseignante de 23 ans dans le nord-ouest de la Russie.

Depuis le début de la guerre, elle tente le plus possible de protéger ses écoliers de la propagande. Lorsque les directeurs ont demandé aux élèves de dessiner des Z – le symbole du soutien à la guerre – sur des chapeaux militaires en papier, l’institutrice l’a fait pour eux.

«Mon psychisme est celui d’une adulte.

Dessiner trente Z ne va pas me faire croire que l’opération spéciale est une bonne chose, mais si les enfants le font… Peut-être », a-t-elle expliqué au média Sever Real, le partenaire de Sovoba Radio qui a récemment été fermé en Russie.

a-t-elle dit, ajoutant «pour l’instant, je parviens à m’en sortir d’une manière ou d’une autre.

»

■ L’amour de la patrie dans le soutien-gorge

«Les vraies patriotes pourront choisir le modèle d’implant mammaire qui sera proche de leur cœur, littéralement et figurativement», dit le chirurgien Evgeny Dobreikin dans une vidéo de promotion qui expose plusieurs boules de silicones, certaines aux couleurs du drapeau russe et d’autres en treillis militaire.

«Je ne peux pas toujours avoir un drapeau avec moi, et parfois, je n’ai nulle part ou mettre mon passeport. Je me sens patriote avec ces implants, même quand je ne porte pas de vêtements !», explique ensuite une femme, qui dit avoir le modèle tricolore.

D’après Evgeny Dobreikin, une trentaine de femmes lui ont déjà écrit pour obtenir une telle poitrine. «Notre offre n’a rien à voir avec l’opération spéciale en Ukraine, a-t-il ajouté, il s’agit juste d’une action patriotique.

»

■ Les lignes de la survie

Les cheminots d’Odessa ont contribué à l’évacuation vers l’Ukraine occidentale dès le 24 février. Oksana Terletska conduit le train Odessa-Rakhiv, un trajet de plus de 14 heures qui longe la Moldavie pour arriver en Transcarpatie. Lorsqu’elle repense aux premiers jours de la guerre, elle a les larmes aux yeux.

«Il y avait des milliers de réfugiés, des gens effrayés avec des enfants. C’était la première fois que je voyais un flux de personnes aussi important. Le désespoir et l’angoisse se lisaient sur leurs visages: leur seul désir était de se cacher.

Ils n’avaient nulle part où vivre. Tout ce qu’ils avaient construit avait été détruit en quelques secondes», dit Oksana.

Pour les cheminots, le plus dur est d’être sur les rails lorsqu’une sirène retentit car ils ne savent jamais où et quand l’obus tombera, explique-t-elle : «Un jour, c’est arrivé alors que 300 personnes étaient entassées dans un wagon destiné à une soixantaine de passagers.

Tout le monde est resté fort, debout et en silence, en priant Dieu d’arriver rapidement à destination sain et sauf.»

Depuis le début de la guerre, la compagnie ferroviaire d’Odessa a ajouté des trajets supplémentaires pour répondre à la demande. Chaque jour, près de 10 trains rallient la ville aux frontières polonaise et hongroise.

«Les trains d’évacuation gratuits ont été destinés en priorité aux orphelins et aux handicapés. Un abri anti-bombe pour 1000 personnes a également été installé dans la gare. Nous avons élaboré les itinéraires les plus sûrs pour nos conducteurs, et ne ralentissons que dans les zones dangereuses, en nous arrêtant à la gare la plus proche pour utiliser les abris si une sirène retentit», explique Sergueï Nikulin, le directeur de la branche régionale des chemins de fer d’Odessa.

Aujourd’hui, le nombre de réfugiés en provenance des zones envahies a considérablement diminué. Désormais, ce sont plutôt les habitants d’Odessa qui partent, car la ville est à nouveau frappée par des missiles.

La compagnie ferroviaire qui a déjà mis en sécurité plus de 230 000 personnes, peut en évacuer 20 000 par jour en cas d’urgence.

Après tout, c’est leur guerre, et les cheminots sont prêts à risquer leur vie pour en sauver des milliers d’autres.

Elle travaille pour la chaîne de télévision ukrainienne, Rada.

■ Les fantômes de Kherson

A quarante-six ans, Roman Ishchenko est l’un d’eux.

Ce retraité des services spéciaux de la communication de l’Etat ukrainien de 46 ans a été kidnappé chez lui lors d’une visite de l’armée russe le 19 avril, selon sa fille Oleksandra.

En attendant, cela fait un mois que la famille patiente. «Ils n’ont même pas expliqué pourquoi il était détenu. Ne pas savoir ce qui lui arrive est la pire des choses», dit Oleksandra.

Quant à Sergueï Arefiev, un ingénieur, il est lui aussi détenu depuis près de 70 jours. Sa femme Polina qui a été prévenue par un ami : «Une voiture s’est arrêtée à côté d’eux et deux personnes leur ont mis des sacs noirs sur la tête avant de les embarquer. D’après l’ami de Sergueï, tout s’est passé tellement vite qu’ils n’ont pas pu réagir.

»

Ils n’arrivaient pas à comprendre que les habitants se rendaient à ces manifestations de leur plein gré», a déclaré Polina.

Son épouse a déjà fait appel à toutes les autorités mais ne sait toujours pas où se trouve Sergueï et s’il va bien. Tout ce que lui ont dit les Russes, c’est qu’ils la contacteront.

Les familles sont généralement laissées dans l’ignorance la plus totale.

Aucun bureau d’information n’a été créé pour les questions relatives aux prisonniers de guerre ni leur condition de détention, ce qui constitue une violation des Conventions de Genève.

Les familles ne peuvent qu’espérer que les hommes sont en vie et en bonne santé. Selon la médiatrice pour les droits de l’homme en Ukraine Lyudmila Denisova, certains hommes sont emmenés en Crimée alors que d’autres sont détenus dans des bâtiments assiégés de Kherson.

Lire l’article en entier sur Geneva Solutions (en anglais)

Traduction et adaptation : Aylin Elci.