uLink, le robot made in France à la rescousse face à la pénurie de main-d’œuvre


Si le gros du marché mondial des robots est contrôlé par les Japonais et les Allemands, la flamme brûle toujours dans l’Hexagone sous le pavillon d’Aldebaran Robotique. Bien que l’entreprise ait désormais un léger accent germanique, depuis sa revente par SoftBank (Japon) à l’allemand United Robotics Group (URG), l’entreprise opère toujours de manière indépendante. Et ce sont bien sa R&D (recherche & développement) et ses usines françaises qui ont accouché d’un nouveau modèle de robot baptisé de manière très poétique uLink.

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Un appareil que l’entreprise ne définit pas comme un banal robot de plus, mais comme faisant partie de la 3e génération de robots, qu’Aldebaran a baptisée CobiotX. Des robots donc, mais conçus pour travailler avec les humains et sous le contrôle des humains, dixit l’entreprise. Un phrasé qui se veut volontairement rassurant. Et qui explique, comme nous le verrons, l’absence de certains éléments d’automatisation.

Base technologique améliorée et système modulaire

© Adrian Branco / Les NumériquesuLink est un nouveau robot, mais il repose en grande partie sur le modèle précédent, Plato, auquel il emprunte son format, son écran… et son regard  ! « Plato était un travail d’observatoire de la réception du robot. Comme il a été très bien accepté nous nous sommes appuyés sur cette base, que nous avons développée et améliorée », détaillent les équipes d’Aldebaran dans leur siège, à Issy-les-Moulineaux, en banlieue parisienne.uLink, à gauche, s’appuie sur le succès de son prédécesseur Plato (à droite).© Adrian Branco / Les Numériques

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Si les deux appareils sont assez similaires côte à côte, uLink est bien plus performant. Capable de déplacer 60 kg de charge (30 kg pour Plato), il se recharge désormais par induction pour éviter le branchement manuel avec un câble (qui reste cependant toujours possible). Du point de vue physique, son moteur a été renforcé pour gravir de pentes plus inclinées.La recharge par induction permet à uLink d’aller se recharger seul à une borne.© Adrian Branco / Les NumériquesEn matière d’électronique, le processeur Snapdragon 845 de la génération précédente a été remplacé par une puce industrielle de NXP. Et côté vision, la caméra et le lidar sont de nouvelle génération pour affiner sa précision et sa perception des espaces.uLink est pensé comme une plateforme modulaire et dispose donc d’une connectique industrielle pour piloter des extensions développées par d’autres entreprises.© Adrian Branco / Les NumériquesMais alors que Plato — comme son nom l’indique — ciblait les métiers de la restauration, uLink est en fait un châssis sur lequel est conçu un système modulaire. « Nous avons développé une base, sur laquelle des tiers peuvent développer des accessoires qui répondent à des besoins métiers, allant de la logistique aux métiers de la santé ou de l’éducation », nous explique-t-on. Une cible professionnelle qui a les besoins et le budget pour se payer les services de uLink : 19 000 € à l’achat en version nue (sans tous les accessoires et services) ou 700 € par mois en location.

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Une autonomie décisionnelle bridée à dessein

L’opération de cartographie du robot doit être lancée et assistée par les humains, afin que ceux-ci puissent rester aux commandes.© Adrian Branco / Les NumériquesLors de la démonstration, on note que la cartographie ou encore le positionnement de l’appareil sont tous réalisés par décision humaine. Alors que l’on s’attendait à un robot offrant un mode d’autonomie encore supérieur par rapport à la génération précédente, il n’en est rien. Point de retard technologique ici, nous assure-t-on. Bien au contraire.Le succès de Plato tient aussi à son acceptation par les humains, assurent les équipes d’Aldebaran. Et pour être accepté, il faut qu’il soit au service des Hommes. « Ainsi, pour Plato, le retour que nous avons eu des restaurateurs était qu’ils ne voulaient pas un robot malin, mais un robot prévisible. C’est pour cela, par exemple, qu’il faut programmer son comportement près des tables : certains restaurateurs veulent qu’ils viennent au contact des clients, d’autres qu’il soit en retrait pour uniquement porter les plats qui seront servis par les humains », nous explique-t-on.

La robotique en France : une urgence de démographie et de souveraineté

Jean-Marc Bollmann, l’énergique patron d’Aldebaran Robotique.© Adrian Branco / Les NumériquesAvec 67 % de la valeur de ses composants en provenance d’Europe et 48 % venant de France, uLink n’est pas un simple assemblage de composants asiatiques rebadgé. « Il faut bien comprendre qu’ici on ne fabrique pas des gadgets », insiste Jean-Marc Bollmann, impétueux patron d’Aldebaran Robotique.

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Si les ateliers étaient vidés des employés pour cause de préparation au salon Viva Tech, c’est pourtant à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, qu’une partie des robots sont assemblés.© Adrian Branco / Les Numériques »Il faut bien comprendre que nous autres Européens, nous sommes pris en étau entre les USA et la Chine du point de vue technologique », assène M. Bollmann. « En Europe, nous avons une culture conservatrice, nous avons peur de tester. Pourtant, il faut aller vite », explique le patron. Avant d’entamer une autre approche : uLink représente un travail en trois fois trois mois. À savoir, trois mois de prototypage, trois mois de preuve de concept et trois mois d’industrialisation. « Au vu du renouvellement des technologies, on ne peut pas lancer un nouveau produit tous les 24 mois  ! « , assène-t-il.L’urgence est double pour Jean-Marc Bollmann : réindustrialiser tant qu’on le peut encore, et relever les défis de la pénurie de main-d’œuvre. Pour la réindustrialisation, Aldebaran fait le job avec déjà à son actif une production 100 % française mensuelle de 200 robots Plato, et une cadence espérée supérieure pour uLink. Mais c’est surtout en matière de main-d’œuvre que M. Bollmann assure que la robotique joue le plus grand rôle.© Adrian Branco / Les NumériquesDes métiers de la santé en passant par l’éducation, tous les indicateurs montrent que la proportion d’actifs pour chaque retraité va continuer de baisser. Une raréfaction de la main-d’œuvre qui détourne celle-ci des métiers difficiles. « Je rêve de signer avec Decathlon, Ikea ou l’APHP [Assistance des Hôpitaux de Paris, ndr] pour soulager les équipes humaines de dizaines de kilomètres à faire des allers-retours dans les stocks ou les couloirs en portant des charges. Nos robots ne sont pas là pour remplacer les humains, mais pour permettre aux humains d’apporter leur vraie plus-value de contrôle ou de contact », assure-t-il. Et d’ajouter que la complexité de l’organisation de l’hôpital — « un milieu très conservateur qui est pourtant l’un des lieux où les robots auraient le plus à apporter » — le rend très difficile d’accès. Et donc difficile à convaincre.Pour Jean-Marc Bollemann, « les courbes démographiques ne sont pas un simple scénario catastrophe, mais bel et bien un mur qui nous attend. La question est donc de savoir si nous nous appuierons sur des robots américains, chinois ou européens. Nous, nous sommes là et prêts à répondre à la demande. »Et d’ajouter : « On n’y arrivera pas si on n’a pas un coup de main de l’État. »À bon entendeur…

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