Publié le 11 févr. 2022 à 16:00Le voyage de « Candide » est long (trente chapitres), les étapes et les rebondissements sont nombreux, l’ironie et l’absurde sous-tendent le propos philosophique. Il n’est pas évident d’adapter au théâtre le conte de Voltaire (1759). Pourtant, Arnaud Meunier, directeur de la MC2 de Grenoble nous en offre une version lumineuse, actuellement à l’affiche du Théâtre de la Ville (Espace Cardin). S’inspirant de la bande dessinée de Johann Sfar, le metteur en scène orchestre un tour de monde fantasque en 2h15 chrono, qui flirte avec le « cartoon », la pantomime et la comédie musicale.Deux musiciens malicieux, l’un côté cour et l’autre côté jardin ponctuent l’épopée de gimmicks et de comptines world, rock ou pop (avec un petit détour par Jacques Demy et Michel Legrand). En tout, dix jeunes comédiens, dont plusieurs sont issus de l’Ecole de la Comédie de Saint-Etienne, portent vaillamment la fable, changeant de personnages et de costumes aussi vite que de pays et d’état d’âme. A la fois acteurs et conteurs (parlant à la troisième personne comme le narrateur dans le texte originel), ils installent une distance bienvenue. La scénographie de Pierre Nouvel, qui mélange, dans un cadre moderne stylisé toiles peintes naïves et vidéos, renforce le côté livre d’images que l’on feuillette à toute allure, comme dans un rêve.
Le meilleur des mondes
Grâce à ce traitement limpide, il sera facile de montrer que le pauvre Candide, chassé du château de Westphalie où il habitait, pour avoir embrassé la fille du maître des lieux, ne vit pas dans « le meilleur des mondes possibles ». Le précepte optimiste du vieux maître Pangloss (caricature du philosophe Leibniz) est méthodiquement étrillé. D’est en ouest, du sud au nord, de l’Allemagne au Portugal, de l’Argentine au Suriname, de Paris à Venise puis à Constantinople, tout n’est que guerres, massacres, catastrophes, viols et vols, méchanceté, misère et duperie…Le spectacle met en relief, sans forcer le trait, les passages clés de l’oeuvre : les saillies de Voltaire contre l’arrogance des nobles et des puissants, contre le fanatisme religieux et contre l’esclavage… Le rythme de la représentation s’adoucit à la fin pour mieux servir la morale apaisée, moyennement optimiste, du conte. Revenus de tout, miraculés mais ayant tout perdu, Candide et ses proches se décident à reprendre modestement leur destinée en main et à « cultiver leur jardin » dans leur métairie utopique. Des ténèbres, surgit un rayon vert. Les Lumières en mode écolo… Ce « Candide » léger comme une bulle de BD est bien dans l’air du temps.
Candide
Théâtrede VoltaireMise en scène d’Arnaud MeunierParis, Théâtre de la Ville (Espace Cardin)www.theatredelaville-paris.com,01 42 74 22 77Jusqu’au 18 février. Puis tournée (Le Mans, Aix-en-Provence, Saint-Etienne).