une candidature express mais un processus d’adhésion très long


Les Ukrainiens ne sont pas encore dans l’UE, ils sont seulement candidat à l’adhésion. Mais moins de quatre mois après en avoir fait la demande, c’est un record. Pour autant, le processus d’adhésion sera long et sans garantie d’aboutir.Les dirigeants européens ont accordé jeudi soir à l’Ukraine le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Une décision rapide qui intervient moins de quatre mois après la demande ukrainienne. Mais cela ne veut pas dire que l’adhésion est pour demain.Le 24 février dernier, il y a tout juste quatre mois, l’impensable était en train d’arriver. La Russie bombardait et envahissait l’Ukraine. Le président Volodymyr Zelensky était une cible prioritaire pour les Russes. Il a commencé par se cacher dans son palais. Et puis au bout de quatre jours, il a pris une initiative importante. Le 28 février, dans une de ses premières vidéos en t-shirt, il a demandé que son pays bénéficie d’une “procédure spéciale” pour adhérer à l’Union européenne.Quand on se souvient de l’état de sidération dans lequel se trouvait l’Ukraine ce 28 février, cette demande d’adhésion était clairement un appel à l’aide. Elle signifiait: “Nous sommes européens, nous sommes attaqués, ne nous abandonnez pas”. Jeudi, à Bruxelles, les dirigeants européens ont répondu à cet appel à l’aide, et accordé à l’unanimité le statut de pays candidat à l’Ukraine.C’est une procédure spécialement rapide. La demande officielle de l’Ukraine date du mois de mars, la réponse positive intervient en moins de trois mois. Ce n’était jamais arrivé d’aller si vite. La Serbie, par exemple, avait attendu trois ans pour franchir cette étape. Mais la procédure spéciale va s’arrêter là. Les Ukrainiens ne vont pas bénéficier d’une adhésion express. Ils vont entamer à partir d’aujourd’hui un très long processus de négociations avec l’Europe. On va ouvrir des chapitres, un par un, chapitre économie, chapitre “Etat de droit”, indépendance de la justice, corruption.L’Europe va poser des questions, l’Ukraine va y répondre. Avec les derniers pays entrants, on a signé des contrats de plus de 100.000 pages. Tout cela est interminable. On estime que l’Ukraine ne peut pas espérer devenir un pays membre de l’union avant 15 ou 20 ans. C’est une perspective pour les années 2040.

Potentiellement le plus grand pays… et le plus pauvre

Et la certitude d’aller au bout du processus n’est pas du tout acquise, comme le montre l’exemple turc. Ils ont demandé à adhérer à l’Europe en 1987. Douze ans après, ils ont obtenu le statut de candidat. Les négociations ont commencé encore six ans après, en 2005, et aujourd’hui elles n’ont toujours pas abouti, soit 35 ans après la première demande. Les Turcs ont fini par comprendre qu’on se moquait d’eux. L’arrivée au pouvoir de l’autorité Erdogan a fini d’enterrer le projet, même si officiellement la Turquie reste candidate.Le processus a été plus facile pour les anciens pays de l’Est. Après la chute du mur de Berlin, l’Europe a voulu accueillir et amarrer à l’Europe tous les anciens satellites de l’URSS: la Pologne, la Tchécoslovaquie, les pays baltes et la Hongrie entre autres. Dix pays ont rejoint l’Europe grâce à une procédure que l’on a voulu la plus rapide possible. Et malgré tout, ces pays ne sont entrés dans l’Union qu’en 2004, soit 15 ans après la chute du mur.Comme l’Ukraine, la Moldavie a aussi obtenu jeudi ce statut de pays candidat. Dès le début de la guerre en Ukraine, trois pays avaient fait cette demande d’adhésion. Trois anciennes républiques soviétiques qui se sentaient menacées par la Russie. La Moldavie et la Géorgie, en plus de l’Ukraine. La candidature de la Géorgie n’a pas été retenue. Celle de la Moldavie oui, mais le processus sera certainement encore plus long que pour l’Ukraine.Pour l’Europe, que signifierait l’adhésion de l’Ukraine? L’Ukraine deviendrait le plus grand pays de l’Union en termes de superficie. Et le 5e en termes de population avec ses 44 millions d’habitants. Ce serait surtout l’arrivée d’un pays beaucoup plus pauvre que les plus pauvres de l’Europe actuelle, quelles que soient la durée et les conséquences de la guerre.Ce serait enfin sans doute le 31e ou 32e membre de l’UE puisque nous sommes pour l’instant 27, mais que le processus d’adhésion est déjà lancé pour la Serbie, le Monténégro, l’Albanie et la Macédoine du Nord. D’ici là, l’Europe aura sûrement beaucoup changé. Et les règles actuelles ne seront sans doute pas applicables dans une Europe aussi élargie.