« Et vous quelle image avez-vous de l’autisme?? » questionne Florence Besson. Ce qui lui empoisonne la vie depuis un an, et surtout celle de son fils, ce sont les préjugés, les a priori, les idées reçues sur ce handicap.
Diplômé de l’enseignement supérieur en mesures physiques, un métier en pénurie de main-d’œuvre, son fils Valentin, 24 ans, ne trouve pas d’emploi. Un an qu’il cherche, est inscrit à Cap emploi, chez Inser’Adis, l’agence d’emploi dédiée exclusivement aux personnes en situation de handicap de la région Auvergne-Rhône-Alpes… À part un stage chez Michelin, peu de propositions, pas d’entretien.
Rien qui ne lui permettrait de défendre sa candidature. De valoriser sa première expérience professionnelle réussie chez Eaton, à Riom (lire ci-dessous). D’expliquer qu’il a le permis de conduire, qu’il sait s’adapter.
Dans le salon de leur maison de Chamalières, les parents, Florence et Fabrice, sourient à Valentin. Ils veulent positiver. Mais leur inquiétude est palpable.
« On a poussé Valentin à faire des efforts, à progresser pendant toutes ses années avec un leitmotiv : réussis tes études, tu auras un diplôme et tu auras un travail après ».
C’est exactement ce qu’a fait Valentin. Diagnostiqué autiste de haut niveau quand il était enfant, la seule classe qu’il a redoublée est la petite section, « Parce que, à l’époque, un autiste en classe, la maîtresse n’en a pas voulu ».
Un bac S et un DUT mesures physiques
Mais avec une assistante de vie scolaire jusqu’en 4e et tout seul ensuite, Valentin a persévéré. Il a obtenu un bac S puis un DUT en mesures physiques à Clermont-Ferrand. Son stage débouche même sur un CDD.
« J’ai réalisé une cartographie des températures thermodynamiques et des enceintes thermiques de laboratoires »
Valentin Besson (empty)
Mais c’était pour un surcroît de travail. « Ils nous avaient prévenus dès le début. Il n’y aurait pas de création de poste » ajoutent ses parents. C’était en décembre 2021. Les anciens collègues de Valentin le soutiennent, lui livrent des témoignages écrits.
« Beaucoup parlent de la bonne humeur de Valentin, nous avons été surpris » s’enthousiasme Fabrice, de la fierté dans la voix. Son fils est du genre économe en mots.
« C’est vrai que tout va toujours bien avec lui, si on l’écoute. Mais de là à ce que cela se sente dans une équipe de travail? ! ».
Valentin, son truc, ce sont les maths. Il s’illumine dès qu’il voit une équation. Ou un Disney, sa passion.
« Mon fils ne se résume pas à ce mot, autisme, qui fait si peur aux entreprises » lance Florence.
Florence Besson(maman de Valentin)
Sans doute à Centre France.
Des a priori sur l’autisme
« Il faudrait juste qu’une entreprise accepte d’essayer, je suis certaine qu’ensuite Valentin saura s’adapter ».
Pour elle, il faut dépasser un « système de recrutement « qui n’est pas adapté pour quelqu’un comme lui. Valentin répond à une annonce, envoie CV et lettre de motivation, mais le téléphone n’est pas vraiment son point fort, alors quand un recruteur appelle et que c’est maman qui répond aux questions, ce n’est pas du meilleur effet » juge Florence avec lucidité.
Les recruteurs, les managers ne cherchent pas à en savoir plus sur ce jeune homme.
« Les recruteurs restent avec en tête l’image d’un autiste qui est prostré et qui se balance sur sa chaise qui va perturber leur service »
Fabrice Besson(papa de Valentin)
Mais Valentin ne se balance pas, n’est pas prostré du tout. Même s’il ne parle pas beaucoup, n’est pas très à l’aise dans les discussions de machines à café, il est dans l’échange.
« On lui explique ce qu’il doit faire et ensuite, il le fait seul. Il est très respectueux des règles, rigoureux, loyal, volontaire et persévérant… C’est l’une des forces des personnes autistes, ce qui fait qu’ils sont très appréciés dans les milieux de l’informatique. Mais, Valentin, lui, son truc, ce sont les maths? ! Pas l’informatique… ».
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Florence et Fabrice épaulent Valentin. Pas le choix. Ils ne parlent pas seulement d’emploi mais de projet de vie.
« Il est fils unique. Que va-t-il se passer quand nous ne serons plus là??, s’angoisse Fabrice. Ce n’est pas le salaire qui nous intéresse. C’est ce que l’on va pouvoir mettre en place une fois qu’il aura un travail ».
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« Avec ce type de formation, ce jeune devrait travailler? ! »
Spécialisée dans la fabrication d’appareils d’éclairage électrique et électronique à Riom, Eaton a accueilli Valentin Besson en stage puis en CDD lors d’un surcroît de travail. Son directeur industriel, Aurélien Fouré a répondu à nos questions :
Comment avez-vous appréhendé l’accueil de ce jeune autiste??
Sans angoisse et naturellement. Mais en préparant son arrivée.
Comment??
Nous avons l’habitude de travailler avec l’IUT des Cézeaux. Quand on nous a proposé d’accueillir Valentin, on a dit oui tout de suite. L’occasion d’une expérience et de challenger les équipes. Nous avons rencontré les parents, son maître de stage, une association a fait de l’intermédiation et il est venu avec deux autres stagiaires de sa promotion pour le rassurer.
Quels types d’adaptations avez-vous faits??
Essentiellement de l’information sur l’autisme. Lors de la journée de l’autisme, en avril, notre expérience a même été présentée aux autres sites européens du groupe Eaton. L’idée était de bien comprendre les freins, notamment expliquer que Valentin n’était pas à l’aise lors de discussions informelles. Par contre, sur des tâches encadrées, fastidieuses, rigoureuses, répétitives, il est excellent et va beaucoup plus vite que la plupart.
Du coup, lorsque vous avez eu besoin de recruter de manière ponctuelle, votre choix, s’est tourné vers lui??
De manière très naturelle. Il est formé. C’est un secteur en forte pénurie de main-d’œuvre. Normalement, un jeune avec un DUT en mesures physiques n’est pas sur le marché de l’emploi, il trouve du travail tout de suite.
L’autisme fait-il peur??
Sans doute, mais pour Valentin, il est diplômé, il est compétent, il a son permis, s’adapte bien. Nous avons pu lui confier plus de missions que nous l’avions envisagé. Si nous créons des postes, son profil fera partie de ceux envisagés. D’autant que c’est une vraie richesse pour les collaborateurs. Il faut juste s’adapter un peu. Nous avons une personne en fauteuil dans nos équipes, on ne se pose pas la question, on investit pour l’accessibilité. Pour l’autisme, c’est pareil. Ce sont juste d’autres adaptations.
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Eaton est une entreprise handi-accueillante??
Nous sommes engagés sur ce sujet mais comme sur la responsabilité sociétale ou environnementale de l’entreprise.