«Valérie écrit d’une manière cinématographique, comme je filme»


Je le revendique même si l’un gagne le smic et l’autre une fortune

Mais bon, le seul critique qui compte, finalement, c’est le temps qui passe. Et celui-là a été plutôt sympa avec moi.

«Valérie écrit d’une manière cinématographique, comme je filme»

« Je n’ai jamais réussi à séparer ma vie professionnelle de ma vie privée »

Vous êtes un des rares metteurs en scène à avoir inventé une façon de filmer immédiatement reconnaissable : la caméra qui tourne autour des personnages.

Comment est né le “plan à la Lelouch” ?Par hasard. Sur “Un homme et une femme”, nous n’avions pas de moyens pour la figuration. J’ai donc mis Anouk Aimée dans un train de banlieue, à Mantes-la-Jolie, sans lui dire que Jean-Louis Trintignant l’attendrait sur le quai à la gare Saint-Lazare.

Je tenais à capter son regard, sa surprise, entre les voyageurs. J’ai commencé à la filmer, puis j’ai voulu voir la réaction de Jean-Louis. Et là, j’ai tourné autour d’eux.

C’est venu comme ça.Vos films les plus emblématiques empruntent beaucoup à votre histoire intime. Depuis “Les uns et les autres” jusqu’à “Itinéraire d’un enfant gâté…“Les uns et les autres” est un film sur ma mémoire, même si elle est parcellaire : celle de ma famille juive, de mes parents qui ont connu la peur, de ma mère qui me cachait dans les salles de cinéma.

C’est aussi une illustration de mon amour pour la musique, de Francis Lai à Pierre Barouh et Ravel. C’est un film issu d’une période de doute artistique et personnel. Même chose pour “Itinéraire d’un enfant gâté”.

À ce moment-là, j’avais envie de tout quitter. J’avais l’impression d’être devenu un poids pour ma famille, pour mes enfants, pour le public. Je voulais mourir sans mourir.

J’ai pris ma voiture et j’ai fui Paris, refaisant dans ma tête l’itinéraire de ma vie, celui d’un véritable enfant gâté. À Fontainebleau – c’est vous dire comme ça n’a pas duré longtemps ! –, j’ai pensé que je tenais là un beau sujet. J’ai appelé Jean-Paul , qui était lui aussi au creux de la vague.

On était en soldes, lui et moi. Je lui ai raconté l’histoire. Il m’a répondu : “Reviens vite, il faut faire ce film ensemble…”Vous avez dit un jour : “Les femmes ont inventé l’amour et les actrices ont développé le concept.

” Votre vie sentimentale est-elle votre fonds de commerce ?Je n’ai jamais réussi à séparer ma vie professionnelle de ma vie privée. Ce n’est pas un manque de pudeur, vous remarquerez qu’il n’y a aucune de scène de sexe dans mes films. Mais quand je regarde Annie Girardot dans l’œil de la caméra, j’ai envie de la prendre dans mes bras.

Ce que j’ai fait, comme avec quelques autres.

« Ce que dit aussi mon cinéma, c’est que de chaque crise sort forcément du bon »

Ce devrait être simple : les femmes décident, quoi qu’il arrive. Ce sont elles qui ouvrent ou ferment la porte.

J’ai pris tant de plaisir à ce qu’on me dise “oui” que je ne pouvais que respecter les “non”. Comment prendre du plaisir sans qu’il y ait de désir ?Ary Abittan, qui est à l’affiche de “L’amour c’est mieux que la vie”, est soupçonné de viol et d’agressions sexuelles. Comment réagissez-vous ?Je suis très malheureux, parce que c’est quelqu’un que j’aime bien et qui me fait rire.

Je voudrais croire que c’est une histoire qui a mal tourné, mais je me rangerai à la décision la justice. Elle dira la vérité. C’est une valeur fondamentale de notre démocratie.

Il faut juste lui donner les moyens, le temps. Et se préserver du tribunal médiatique.

« Johnny m’a annoncé son cancer comme un autre m’aurait dit qu’il avait un rhume »

Cela vous a meurtri, personnellement ?Oui, mais je ne peux ni ne veux juger sans preuves.

Donc, je laisse faire la justice.Quand on regarde l’actualité, cette société fracturée par Éric Zemmour, la France de 2022 ne vous fait-elle pas peur ?On a les personnalités qu’on mérite, dans le cinéma comme dans la vie. Gabin, Belmondo, Depardieu ou Dujardin ont incarné chacun leur époque, chacun une certaine France.

La démocratie, pour moi, c’est croire que le public aura toujours raison, quel que soit son choix. Même si cela peut parfois s’apparenter à un voyage dans l’infiniment grand et l’infiniment petit de la bêtise, l’intelligence sera toujours plus forte que la connerie. La France est dans une salle d’attente, elle veut savoir si elle est malade ou pas.

Moi, je suis optimiste. Il faut juste passer le cap du premier tour et ne pas perdre le bon candidat. Tout va se jouer, comme souvent, au dernier moment.

De Jean-Paul Belmondo à Bernard Tapie, vous avez vu, ces derniers mois, partir plusieurs de vos proches amis. Comment l’avez-vous vécu ?J’ai envie de croire qu’ils sont partis dans un bel endroit, même s’ils avaient le trac, eux aussi. Comme moi, la mort me file le trac.

J’ai rendu visite à Bernard quatre jours avant sa mort. C’était la première fois que je le voyais alité. Nous nous sommes regardés avec ces sourires qui disent plus qu’un roman.

Et il m’a lancé : “T’as vu, j’ai retrouvé ma voix. Prépare ta caméra !” Il y croyait encore, il se battait. Ça me rappelle quand Johnny m’a annoncé son cancer comme un autre m’aurait dit qu’il avait un rhume.

Et je garde le souvenir d’un déjeuner avec Jean-Paul, Johnny et Bernard. Au bout de cinq minutes, Tapie a commencé à expliquer à Jean-Paul comment il fallait jouer la comédie, à Johnny comment chanter et à moi comment il fallait réaliser des films. Tout cela ponctué par les éclats de rire de Jean-Paul.

Je me souviens de leur avoir dit ce jour-là : “Vous savez quoi, les gars ? Ce midi, j’ai l’impression de bouffer avec la France…”« L’amour c’est mieux que la vie ». Sortie le 19 janvier.Toute reproduction interdite.