La santé des habitants et le respect de l'environnement sont au-dessus de tout


Bruno Bernard, président écologiste de la Métropole de Lyon revient pour Lyon Capitale sur sa décision d’assigner en justice Arkema et Daikin pour établir leurs responsabilités dans la pollution aux PFAS qui touche le sud de l’agglomération.

Mardi 19 mars, la Métropole de Lyon a assigné en justice les groupes Arkema et Daikin pour parvenir à établir leur responsabilité dans la pollution de l’eau potable par les PFAS afin de faire appliquer le principe « pollueur-payeur ».

La santé des habitants et le respect de l'environnement sont au-dessus de tout

indique la collectivité, alors qu’un récent rapport de l’Agence régionale de santé a révélé que plus de 150 000 habitants du Rhône consomment une eau contaminée. Le président écologiste de la Métropole, Bruno Bernard, répond aux questions de Lyon Capitale.

Lyon Capitale : Pourquoi engager cette procédure maintenant, et pourquoi au civil plutôt qu’au pénal ?

Bruno Bernard : Cela fait maintenant deux ans que l’on est sur ce dossier des PFAS à travers trois axes stratégiques. Le premier, c’est réduire au plus vite le risque, le deuxième, c’est connaître au mieux les effets des PFAS en termes de pollution sur l’environnement et sur la santé et le troisième c’est d’aller chercher la responsabilité des responsables pour appliquer le principe pollueur-payeur.

« Quand on découvre que Daikin a augmenté sa production et ses rejets de PFAS dans l’air sans mettre de filtration en place, ce n’est pas acceptable »Bruno Bernard, président écologiste de la Métropole de LyonTweet

pour qu’ils établissent le niveau de responsabilité de Daikin et Arkema. On est de toute façon sur une procédure de temps long. D’abord on espère que la justice acceptera de nommer des experts, puis ensuite s’ils confirment ce que l’on pense, c’est-à-dire que ces entreprises ont une responsabilité, on pourra aller chercher leur responsabilité financière.

LC : C’est une procédure dans laquelle vous avez un vrai espoir, notamment pour faire appliquer le pollueur-payeur, ou c’est aussi et surtout un moyen de mettre la pression sur les industriels ?

BB : C’est surtout obtenir le principe de pollueur-payeur, c’est le premier objectif. La difficulté dans ce dossier, c’est qu’à priori les entreprises ont respecté la règlementation parce qu’elle n’est pas à la hauteur. Donc nous l’enjeu c’est aussi de faire passer le message que respecter la règlementation ne suffit pas. Montrer que la responsabilité d’un industriel aujourd’hui c’est aussi de s’assurer qu’il n’a pas des impacts négatifs sur la santé et l’environnement et notamment en filtrant automatiquement ses rejets.

Il y un deuxième effet c’est effectivement de mettre la pression. On sait très bien que s’il y a des enjeux économiques, de sanctions, les industriels les intègrent dans leur modèle global et ils sont d’autant plus volontaires pour accélérer les transitions indispensables à leur production.

Les PFAS ?Les « PFAS » (famille composée de plus de 4 700 molécules de synthèse) sont produits par l’homme depuis les années 40. Résistantes aux chaleurs intenses ou aux acides, à l’eau et aux graisses, on les trouve dans un grand nombre de produits de consommation courante et applications industrielles. Le fait qu’ils soient très largement utilisés ( textiles, emballages alimentaires, cosmétiques, poêles anti-adhésives, etc.), en plus de leur faible dégradation, rend ces substances omniprésentes dans l’environnement, notamment dans les cours d’eau. On parle de « polluants éternels » car ils peuvent rester dans l’environnement des décennies, voire des siècles. Le Rhône, de l’aval de Lyon jusqu’à la Méditerranée, est particulièrement touché.Selon la littérature scientifique existante, les perfluorés favoriseraient les cancers chez l’homme et les défauts de défense immunitaire des enfants.

LC : C’est aussi un moyen de montrer à la population que vous agissez ?

BB : Non, ce n’est pas fait dans l’objet d’une communication au grand public. On travaille vraiment sur le fond de ce dossier depuis deux ans. On a eu des avancées, Arkema a réduit de 90 % ses rejets, les services locaux de l’Etat ont multiplié les contrôles. Nous sommes dans une volonté de diminuer et si possible supprimer les risques. Et sur la procédure actuelle, il y a quand même la question de l’eau potable. Ce sont les usagers qui paient le coût de l’eau et il serait anormal qu’après les pollutions, en plus, on ai une deuxième sanction de devoir payer les traitements de l’eau engendrés par cette pollution.

LC : Vous l’avez dit cette procédure prendra du temps. En attendant, vous et les différents acteurs impliqués feront le nécessaire pour dépolluer l’eau ?

BB : Le syndicat mixte d’eau potable Rhône-Sud va mettre en place un système de filtration. C’est 5 à 6 millions d’euros d’investissement avec un surcoût de fonctionnement annuel de 600 000 € qu’elle va refacturer à la régie publique de l’eau. Forcément dans l’équation globale, ce sera répercuté si on obtient pas de réparation.

LC : Vous Métropole estimez avoir épuisé toutes les possibilités que vous aviez pour protéger la population des risques liés à la pollution ?

« Oui il faut parfois avoir des tensions pour que certaines choses avancent plus vite. Oui nous défendons l’industrie sur le territoire mais il faut respecter les normes environnementales et sociales »Bruno BernardTweet

De notre côté, nous avons lancé le financement d’études de pollution de l’air et des sols, des études de prises de sang avec un panel d’habitants pour voir quels sont les PFAS qu’ils ont dans le sang et on travaille avec les Hospices civils de Lyon et le Centre Léon Bérard pour connaître la corrélation entre exposition aux perfluorés et cancer ou autres maladies de longue durée.

LC : Est-ce que vous ne craignez pas que cette procédure amène à tendre les relations avec ces industriels ?

BB : Il y a des priorités. La priorité c’est la santé des habitants et le respect de l’environnement, c’est au dessus de tout. Après on travaille avec l’ensemble des entreprises de la Vallée de la chimie pour les accompagner vers la décarbonation, mais on n’acceptera pas n’importe quoi. Quand on découvre que Daikin a augmenté sa production et ses rejets de PFAS dans l’air sans mettre de filtration en place, ce n’est pas acceptable (à Pierre-Bénite, Daikin vient de créer une nouvelle unité de production de polymères utilisant des PFAS, Ndlr). C’est peut être règlementaire mais ce n’est pas acceptable. C’est là que l’on voit que le cadre règlementaire n’est pas au niveau.

LC : La Vallée de la chimie est un pôle économique important pour la Métropole. Comment trouver un équilibre entre protection de l’environnement et dynamisme économique ?

BB : Les industriels que nous avons, qui sont assez multiples, avec qui les relations sont bonnes, s’engagent. Nous avons beaucoup de signaux et de réalisations qui vont dans le bon sens de la décarbonation. Les choses avancent et nous soutenons les industriels. Oui il faut parfois avoir des tensions pour que certaines choses avancent plus vite. Oui nous défendons l’industrie sur le territoire et il y a eu 2 000 emplois industriels créés sur le territoires en 2023, mais il faut respecter les normes environnementales et sociales.

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