Violences conjugales à la barre du tribunal de Montargis : quand les hommes violents tentent d’inverser les rôles


Le 13 septembre au tribunal de Montargis pour l’audience consacrée aux violences conjugales, deux camps se font face. D’un côté, sept hommes, prévenus. De l’autre sept femmes, victimes. Certaines sont absentes, ne voulant pas affronter les propos violents de leur ex-mari. D’autres se tiennent aux côtés de leur compagnon, agresseur.

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Dans le déni de sa responsabilité

Alexandre, la trentaine, marié depuis six ans avec la victime, est le premier des prévenus à se retrouver devant le pupitre.

Il est accusé de violences physiques et psychologiques sur sa femme durant deux ans à Sainte-Geneviève-des-Bois. Les « gifles, plaquages contre le mur » commencent en 2019, quand Alexandre apprend que sa femme l’a trompé.
Il multiplie quotidiennement les reproches, les dénigrements envers elle : « Tu ne sais pas t’occuper des enfants. Tu ne fais pas bien le ménage », témoigne devant les enquêteurs la victime, absente lors de l’audience.

« Elle ne travaille pas et oublie pas mal de choses. Quand je rentre le soir du travail et que je vois que rien n’a été fait, je l’engueule. On se bouscule, il y a des violences des deux côtés. »
alexandre (Prévenu)

La victime n’est pas là : « Elle a eu raison », dit son avocate

Le 17 juin, une nouvelle dispute éclate. Deux jours avant, le couple avait envisagé le divorce. Alexandre en vient aux mains : 
« Je voulais juste l’attraper, pas essayer de l’étrangler. »
Des traces d’ecchymoses et de strangulations autour du cou de la victime contredisent l’homme, qui dans un baroud d’honneur devant les magistrats avance : « Mais elle marque vite ».
Pour l’avocate de la victime, Me Kerner, c’en est trop : « Ma cliente a fait le choix de ne pas venir ce matin car elle avait peur des propos du prévenu. Elle a eu raison. »
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Inversion des rôles

Gaël Bellet, substitut du procureur, ajoute dans ses réquisitions : « Il y a là un discours inacceptable. Le prévenu essaye d’inverser le rôle de la victime. Finalement, elle l’a un peu cherché si on suit son raisonnement : ‘J’ai un métier stressant, elle ne fait rien à la maison’. »
Dans ses conclusions, le magistrat réclame une interdiction de contact avec la victime et une peine de huit mois de prison avec sursis contre le prévenu, sans casier judiciaire. Le tribunal suivra ses réquisitions.

Rendre la justice plus rapidement

Depuis deux ans, le tribunal de Montargis organise tous les deux mois des audiences dédiées aux violences conjugales. Avec un accompagnement particulier, tant pour les victimes que pour les auteurs des faits. Une façon de rendre la justice plus rapidement, devant un accroissement continu des plaintes pour des violences au sein du couple.
Pour le substitut du procureur : 

« Il ne s’agit pas seulement de la violence physique. Il y a aussi la violence verbale, la violence psychologique et sexuelle. »
Gaël Bellet (Substitut du procureur)

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Youcef, 33 ans, s’avance à son tour à la barre. « On vous reproche d’avoir mis un coup de tête à votre épouse, le 2 juillet à Montargis« , annonce la présidente du tribunal et juge unique, Cécile Dugenet.
Le plombier tente d’expliquer la scène :

« C’était involontaire le coup de boule.On se disputait, on se bousculait. Un moment, elle a avancé alors que moi aussi. »
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Trois jours d’ITT pour la victime présente dans la salle. Au moment des faits, Youcef était très fortement alcoolisé. Une habitude que regrette la victime :
« Nous sommes mariés depuis trois ans. C’est la première fois qu’il se montre violent. Ce soir-là, il n’était pas dans son état normal« .

« Je nous vois bien continuer ensemble »

Devant les questions de la présidente du tribunal, le prévenu ne reconnaît pas avoir un souci d’alcoolisme.
« Je bois trois, quatre bières chaque soir. Pas plus ».
« Vous êtes dans le déni. Vous avez un problème avec l’alcool« , lui répond Gaël Bellet, réclamant une obligation de soins et une peine de huit mois de prison avec sursis.
L’épouse demande  « un euro symbolique ».
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« Comment voyez-vous votre couple à l’avenir ?« , l’interroge Cécile Dugenet.
« Je nous vois bien continuer ensemble, s’il accepte d’être suivi par un professionnel pour son addiction ». 
Une nouvelle fois, le tribunal s’appuiera sur les réquisitions du parquet de Montargis. À l’énoncé du jugement, le couple repartira ensemble. 
Sylvain Riollet