Virus mpox : 10 questions posées par les quatre épidémies de cette maladie


La mpox (anciennement appelée variole du singe) est sortie des pays africains où elle était endémique en 2022. Une autre variante du virus, elles aussi surtout transmise par voie sexuelle, pourrait se diffuser hors du continent. D’où l’urgence de santé publique de niveau international décrétée par l’OMS depuis le 14 août.

La mpox, transmise par un virus proche de celui de la variole, a pour symptômes les plus visibles des boutons puis des vésicules, possiblement sur tout le corps, y compris au niveau des organes sexuels pour les variants se transmettant par contact sexuel. La maladie se résout normalement d’elle-même au bout de quelques semaines, mais peut être très douloureuse et laisser des cicatrices.Les cas graves se produisent essentiellement dans les zones endémiques ou chez des personnes à l’état de santé très altéré (notamment par un VIH non soigné).

Ces cas graves sont liés à des surinfections, ou parfois à des atteintes d’organes par le virus lui-même.Les citations de cet article proviennent essentiellement d’un point scientifique de l’ANRS/maladies infectieuses et d’un brief de la Direction générale de la santé, des mardi 3 et jeudi 5 septembre.1 – Y a-t-il vraiment plusieurs épidémies de mpox ?Il y a en fait quatre épidémies différentes liées aux différentes formes du virus monkeypox.

Première épidémie En 2022, le virus du monkeypox est sorti d’Afrique depuis le Nigeria, après s’être mieux adapté à la transmission interhumaine. Ce virus dit de « clade IIb » circule toujours à bas bruit dans le monde. Rien qu’en France, selon le dernier point de Santé publique France, 143 cas ont été déclarés depuis le début de l’année.

Seconde épidémie En Afrique de l’Ouest, des cas « classiques » de transmission animal-homme (avec le virus de clade IIa) continuent à se produire. De cette épidémie endémique, on parle peu. Troisième épidémie Une autre famille du virus, le clade I, circule en Afrique centrale.

L’épidémie qui a incité l’OMS a refaire du mpox une urgence sanitaire de niveau international, s’est déclarée dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), avec une transmission sexuelle (surtout entre travailleuses du sexe et leurs clients). « En 2023, nous avons constaté des transmissions sexuelles dans l’est du pays, au Sud-Kivu. Ce qui n’avait pas été identifié auparavant dans ce clade.

Dans cette épidémie, il y a beaucoup plus d’adolescents et d’adultes infectés, alors que traditionnellement ce sont plutôt des enfants, explique le Dr Placide Mbala chef du service d’épidémiologie de l’Institut national de recherche biomédicale de RDC. Nous avons constaté que le virus était un peu différent, plus adapté à la transmission interhumaine. Nous l’avons nommé clade 1b.

Il s’est depuis diffusé au Nord-Kivu et dans les pays environnants. » Hors d’Afrique, un cas a été identifié en Suède et un autre en Thaïlande. Quatrième épidémie Dans le reste de la RDC, et cela représente la majorité des cas de 2024, la maladie est due au virus « classique », identifié depuis 1970, et désormais dénommé clade 1a.

Il est transmis par des animaux, aux humains. Les personnes contaminées peuvent infecter leurs proches, mais la transmission reste limitée. Cette épidémie touche surtout les enfants, parfois les chasseurs.

2 – Combien de cas et de décès ?Déjà plus de 19 000 cas suspects et plus de 600 décès pour l’épidémie de RDC « La mortalité du clade 1a, à l’Ouest, est plus élevée, entre 3,5 % et 6, 8 %. À l’est avec le clade 1b, la mortalité varie entre 0 % et 0,7 %. »Pourquoi ces différences ? La population touchée (des enfants souvent dénutris à l’Ouest) en facteur majeur.

Mais le virus muté, plus transmissible entre humains, perd-t-il au passage de sa virulence ? C’est une question. Ainsi, l’épidémie démarrée en 2022 avec le virus IIb a affecté plus de 100 000 personnes dans le monde, avec une mortalité très faible. Essentiellement des personnes atteintes par le HIV, et mal ou pas traitées pour cette maladie.

3 – Pourquoi cette explosion des cas en Afrique centrale ?Outre l’épidémie à transmission sexuelle (le virus IIb), la forte augmentation des cas par transmission animale interroge. « La surveillance n’était pas top avant 2022 ; C’est une maladie qui a été négligée », reconnaît le Dr Mbala. La meilleure connaissance de la maladie et la plus grande vigilance ont fait mécaniquement augmenter les détections.

Mais il peut y avoir d’autres raisons : « Qu’est-ce qui a changé ? La déforestation ? Le changement climatique ? Le peuplement plus dense ? Il y a sans doute plein de facteurs que l’on doit essayer de comprendre. »4 – En Afrique, quel animal transmet le virus ?Des rongeurs de type écureuil, vivant dans les forêts, sont les suspects les plus fréquemment cités. Mais les chercheurs reconnaissent que l’on connaît mal l’espèce ou les espèces réservoir du virus.

Pour Martine Peeters, directrice de recherche à l’IRD : « De nombreuses lignées du virus de clade 1a peuvent circuler en même temps, ce qui suggère de nombreuses introductions zoonotiques (par l’animal) » Et peut-être plusieurs espèces réservoirs. L’OMS a changé le nom de la maladie de variole du singe à mpox, trouvant le patronyme « variole du singe » discriminatoire et peu adapté. Mais il n’est finalement pas impossible que des singes fassent partie des espèces réservoir.

5 – Comment saura-t-on si des cas de mpox1b se déclarent en France ?« La différence se fait par test PCR, à partir d’échantillons prélevés sur les ulcérations, explique le pr Xavier Lescure (hôpital Bichat). Les centres de santé sexuelle ou les hôpitaux sont équipés de tests faisant la différence. Pas les labos de ville, mais ceux-ci sont tenus d’envoyer les échantillons au centre national de référence », qui donnera la réponse en quelques jours.

6 – La transmission aérienne est-elle vraiment exclue ?« Si un test est confirmé, l’isolement au domicile avec masque chirurgical est prescrit. On demande aux personnes de couvrir les lésions. La transmission se faisant par contact avec les ulcérations », continue le Pr Lescure.

La transmission par contact avec des habits ou des linges souillés est possible. Celle par postillon est exceptionnelle (s’il y a des ulcérations dans la bouche). Il n’y a pas de transmission aérienne (dans les gouttelettes en suspension).

On n’est vraiment pas dans le cas du Covid.7 – Pourquoi n’y a-t-il pas vraiment de traitement ?« Il y a un intérêt majeur à avoir un traitement à proposer, ne serait-ce que pour motiver les personnes malades à se présenter aux centres de soin, en ayant la perspective d’être soulagés », insiste  la Pr Alexandra Calmy (hôpitaux universitaires de Genève).Un antiviral, le tecovirimat, conçu contre la variole a « émergé en 2022 ».

Des études au Brésil et aux États-Unis ont suggéré qu’il était relativement efficace contre le virus IIb. Mais une étude réalisée en RDC a montré « qu’il n’apportait pas de bénéfice contre le variant Ib. »« N’était-il pas assez dosé ? Pas donné assez tôt ? Pas assez efficace par voie orale », s’interroge la Pr Calmy.

Faut-il le combiner avec d’autres antiviraux ou avec des vaccins ? » Les études lancées au Brésil et aux USA se poursuivent.. …8 – Quelle est l’efficacité réelle des vaccins ?« La bonne nouvelle, lors de l’épidémie de 2022 est qu’on avait déjà un vaccin à repositionner », constate le Dr Liem Luong Ngyen, infectiologue au centre investigation clinique de l’hôpital Cochin.

Un vaccin conçu contre la variole, dont la mpox et cousine.« Nous n’avons pas des données très rigoureuses, parce qu’il n’était pas éthiquement impossible de faire un essai randomisé contrôlé, mais plusieurs éléments permettent de dire que le vaccin marche : des données d’immunogénicité (apparition d’anticorps neutralisants), ainsi que de données observationnelles », souligne-t-il.Une dose de rappel est indiquée pour les personnes vaccinées en 2022, « parce que l’on se rend compte que le taux d’anticorps baisse assez vite après un an.

Le rappel permet de les réactiver fortement et le rappel est bien toléré. «9 – Un vaccin spécifique contre le mpox serait-il préférable ?Plusieurs essais sont en cours, avec différentes technologies. Un essai clinique de phase I/II (on teste en même temps l’innocuité et l’efficacité) est « en cours d’inclusion » au Royaume-Uni.

Et jeudi, la société Moderna a fait état de « signes d’efficacité » d’un candidat-vaccin testé sur des singes. Le Dr Liem Luong Ngyen est circonspect : « Un vaccin spécifique n’est vraiment intéressant que si on considère que la mpox sera à moyen terme la prochaine grande menace. Sinon, il peut être plus utile de développer des vaccins efficaces contre tous les différents virus de cette grande famille.

 »10 – Faut-il se faire vacciner avant de voyager ?La Haute autorité de santé a actualisé ses préconisations le 2 septembre. Elles différent peur de celles de 2022.En France, les personnes les plus à risque de contracter la maladie sont les hommes homosexuels et trans à partenaires multiples, les personnes se prostituant, leurs partenaires sexuels et les personnes partageant un lieu de vie avec eux.

Seule grosse modification : la préconisation d’un rappel chez les personnes vaccinées. Afin de les protéger et de maintenir une barrière immunitaire dans les communautés les plus exposées afin d’éviter que le virus ne s’installe vraiment.Plus de 230 sites de vaccination sont disponibles, leur localisation est consultable sur le site sante.

fr.Lors de la première campagne, 90 500 personnes avaient reçu au moins une première dose du vaccin (il en faut normalement deux, à 28 jours d’intervalle),Lors d’un brief presse, jeudi 5 septembre, le Directeur général de la santé, Gregory Emery, a donné les grandes lignes du prochain avis du Haut conseil à la santé publique.La vaccination ne sera pas recommandée aux voyageurs se rendant en Afrique centrale.

Cependant, elle est proposée aux voyageurs pratiquant des relations sexuelles à risque, aux soignants et travailleurs humanitaires, ainsi qu’aux personnes originaires des zones à risque se rendant dans leur famille.