Voile. The Famous Project. Alexia Barrier  : « A bord, les femmes seront payées comme les hommes ! » : Voile


Si mais ce n’est pas le bon moment car je n’ai, pour l’instant, pas les moyens de partir sur un projet gagnant sur le Vendée Globe. En naviguant sur le bateau de Manu Cousin lors de la dernière Transat Jacques Vabre que ça faisait 15 ans que je faisais de l’Imoca et que, finalement, je n’apprenais plus grand-chose. J’ai besoin d’apprendre des choses, de découvrir autre chose même si j’ai déjà fait du multicoque et de l’équipage. J’ai plus envie de porter ce nouveau projet en équipage et en multicoque

Quelle expérience avez-vous en multicoque ?

À bord du Diam 24, j’avais des gars comme Nico Heintz qui avait l’habitude des bateaux rapides.

Voile. The Famous Project. Alexia Barrier  : « A bord, les femmes seront payées comme les hommes ! » : Voile

D’où vient cette envie de Trophée Jules-Verne ?

Cela fait partie de ma liste des courses à faire depuis mes 12 ans. Il y avait le Vendée Globe et le Trophée Jules-Verne. Quand Florence Arthaud et Titouan Lamazou ont lancé l’aventure en 1992, j’avais 12 ans et j’ai vu les histoires s’enchaîner avec Kersauson, les frères Peyron, Bruno et Loïck, et cela ma juste fascinée de les voir naviguer sur ces grands bateaux et aller très vite autour du monde. À l’époque, faire le tour du monde en moins de 80 jours, c’était très rapide.Alexia Barrier  : « En multicoque,

Dans un monde qui prône la parité et la mixité, pourquoi monter un équipage exclusivement féminin ?

Déjà parce qu’il n’y a pas de record établi par un équipage féminin sur le Trophée Jules-Verne (1), donc c’est déjà une belle aventure de le tenter et d’établir un record. C’est un projet essentiel de mettre des femmes sur des multicoques au large. Ensuite, mis à part les quotas imposés pour avoir des femmes à bord, comme c’est le cas sur des tours du monde en équipage avec escale comme la Volvo Ocean Race, il n’y a pas beaucoup de projets où les femmes peuvent naviguer autour du monde. En multicoque, il n’y a aucun équipage qui a invité une femme sur un Trophée Jules-Verne, il n’y a que Dona Bertarelli (NDLR  : seule femme à ce jour à avoir bouclé un Trophée Jules-Verne, à bord de Spindrift en 2015) mais c’est un contexte différent (NDLR  : la femme d’affaires suisse co-dirige le projet Sails of Change avec Yann Guichard).

Pas question d’embarquer un homme à bord ?

La mixité, on l’aura sur les deux premières années du projet parce qu’on va naviguer avec des garçons sur le Mod 70. Comme il n’y a pas de femmes sur les grands multicoques, on va chercher les experts de la discipline et il s’avère que ce sont des hommes. Ils seront là pour nous conseiller et nous porter vers cet objectif ultime. On n’exclut pas du tout les hommes du projet mais là, pour une fois, on sera entre filles autour du monde.

Vous évoquez des entraînements en Mod 70 pendant deux ans  : pourquoi ce choix ?

Le Mod est un bateau qui coûte beaucoup moins cher qu’un Ultime  : on a seulement besoin de deux préparateurs. Cela tourne autour de 1 million d’euros à l’achat. C’est beaucoup plus volage qu’un Ultime donc cela signifie que l’on va naviguer avec un niveau d’intensité certainement plus important que notre bateau pour le tour du monde en 2024. L’aspect financier et l’aspect sportif sont intéressants avec un Mod.

Il y a un maxi-trimaran (2) disponible sur un terre-plein à Lorient  : pourquoi ne pas commencer par un Ultime ?

J’avoue que je suis ravie de tous les retours que nous avons depuis la parution du communiqué de presse annonçant le lancement de ce projet « Famous Project ». Je parle des filles de haut niveau qui postulent pour entrer dans le projet et des garçons qui veulent se faire pousser les cheveux et autre chose (rires) pour intégrer également le projet. On arrive au bon moment et si ça peut inspirer et donner confiance à des femmes dans un paysage plutôt masculin et bien tant mieux. En premier lieu, j’ai appelé mes copines. La seule que je ne connaissais peu et qu’on m’a conseillée, c’est Sarah Hastreiter (NDLR  : ex-Team SCA sur la Volvo Ocean Race)  : Sarah, une tête qui fait des études à Harward, m’a demandé qu’elle était ma méthodologie pour recruter l’équipage. Je lui ai répondu ceci  : « Je prends les meilleures et les plus sympas ».

Vous vous donnez combien de temps pour constituer votre équipage ?

On a deux ans pour former un groupe de dix femmes donc on ne va pas se prendre la tête sur les postes, pour savoir qui doit être au réglage de grand-voile ou navigatrice. On a deux ans pour naviguer avec un équipage mixte en Mod 70, pour découvrir le support. Qu’ils soient coachs, sponsors ou marins, toutes celles et ceux qui veulent rentrer dans ce projet, s’ils ont plus de trois secondes de réflexion, je crois que ça ne pourra pas fonctionner. Soit tu as compris le concept et tu veux faire partie de la fête, soit tu réfléchis et ça ne pourra pas le faire. Un exemple  : les deux Marie, Riou et Tabarly, m’ont dit oui tout de suite.

Vous citez les experts du Mod 70 que sont Paul Larson, Brian Thompson, Giovanni Soldini, Jonny Malbon et Sidney Gavinet  : que vont-ils vous apporter ?

comme Giovanni Soldini et Brian Thompson, de bons navigateurs. Cela nous permettra de ne pas être seules dans notre coin à préparer notre programme. Ils sont tous tellement fiers de voir qu’un équipage féminin va partir sur le Trophée Jules-Verne. Un peu comme le projet « HeForShe »  : ce sont des hommes qui aident des femmes à accéder à des postes de haut niveau dans la société. C’est un peu la même chose mais dans la voile.

Quel est le budget de votre projet ?

Déjà, j’ai décidé de payer les femmes comme les garçons  : cela peut surprendre, mais dans la voile aussi, ce n’est pas encore ça. J’ai demandé aux filles leur salaire journalier, elles étaient contentes que je considère que ce soit une ligne importante de notre budget.On recherche un budget de 8 millions d’euros sur 4 ans, en sachant qu’on ne dépense pas énormément les deux premières années. On dépensera plus l’année où on aura l’Ultime.

Il n’y a pas des dizaines d’Ultimes sur le marché  : en avez-vous déjà en tête ? Si oui, comptez-vous le louer ou l’acheter ?

J’ai un bateau en tête. Avec les filles, on va aller voir le skipper. On va s’asseoir autour d’un café et on va demander à ce skipper comment peut-on faire pour avoir son bateau en 2024. Je pense qu’on parviendra à avoir ce qu’on veut mais je ne peux pas en dire plus car ce n’est pas complètement engagé. Mais oui, on souhaite acheter un Ultime début 2024, juste après le tour du monde en solitaire des Ultimes en 2023.(1)  : En 1998, Tracy Edwards avait monté un équipage 100 % féminin sur le Trophée Jules-Verne à bord de « Royal Sun Alliance », multicoque de 92 pieds (ex-Enza New Zealand de Peter Blake). À bord, il y avait Samantha Davies, Emma Westmacott, Miranda Merron, Emma Richards, Mikela von Kuskell, Helena Dardevid. Dans les temps du record, elles avaient démâté dans l’océan Pacifique, non loin du point Némo.(2)  : il s’agit de l’ancien Ultime Actual Leader d’Yves Le Blévec (ex Sodebo de Thomas Coville), propriété de BUS (Brest Ultim Sailing).Toute l’actualité de la voile