Un animateur de la Maison de l’Enfance, Adriano Di Corato, associé à un ou plusieurs bénévoles, accompagne matin et soir les enfants sur la ligne « Les Pieds nickelés ». Un trajet de 800 mètres rythmé par trois arrêts. Quinze à vingt minutes de marche en tout. Joyeuses. Attentives.
Jules et ThaïsDepuis 2010, le Pedibus s’est ancré dans le décor de La Chapelle-Saint-Ursin. Dans le quotidien d’enfants. Et dans celui de Sandra Moreau, bénévole de la première heure. Chaque jour, à 16 h 30, elle est là pour accompagner la petite procession, composée parfois de deux ou trois enfants, parfois plus d’une dizaine. Quel que soit le temps. « La pluie, on a connu. Sur le coup, on se dit ‘bof’, et puis après, on en rigole », sourit-elle. « J’ai besoin d’être là, de voir des gens, d’accompagner les enfants, de me balader. J’aime leur apprendre à faire attention aux voitures, à se responsabiliser. »Derrière ces mots, il y a quelques indices de ce qui a compté dans l’émergence de ce modèle : le lien, l’apprentissage des règles de circulation aux enfants. Il y en a d’autres. La sécurité aux abords des écoles, notamment. « Quand nous avons instauré le Pédibus, l’objectif était de faire en sorte que tous les parents n’arrivent pas en même temps avec leur voiture devant l’école. Cela crée des problèmes de sécurité quasi incontournables », souligne Yvon Beuchon, maire de la commune, qui liste les bienfaits du dispositif : réduction de l’empreinte écologique, économies de carburant et de temps, et, point majuscule, l’activité physique pour les enfants.Mais pour que le système s’ancre, prenne de l’essor, il faut des bénévoles. Des habitants pas forcément faciles à mobiliser dans la durée.
A La Chapelle-Saint-Ursin, le Pédibus, une initiative qui roule
« Ce système, intéressant, nécessaire, vivotait, admet le maire. Or, nous voulions le développer. La première idée a été de se dire : ne réservons plus Pédibus aux seuls riverains, mais invitons l’ensemble des parents, quel que soit le lieu où ils résident, à déposer leur enfant à un des arrêts de Pédibus. Pour cela, nous avons besoin d’accompagnants supplémentaires. » Avec cette idée en tête, la mairie a lancé il y a quelques mois l’appel : « nous cherchons des accompagnants pour notre Pédibus ». Cet appel, Guillaume Chambraud, habitant de la commune, père de deux filles qui ont emprunté le Pedibus avant d’entrer au collège, l’a lu. Et ne s’est pas arrêté là.
Le coup de génie d’un habitant
Ce spécialiste des solutions informatiques et numériques, a trouvé la clef : une solution sur internet et smartphone permettant de simplifier et d’automatiser l’organisation de Pédibus, proposée à la commune dans le cadre de son entreprise, Noddi consulting.
détaille Guillaume Chambraud, qui ajoute un troisième pilier à sa plateforme « Les Guibolins » : la flexibilité. « Les utilisateurs peuvent ajuster leur décision jusqu’au dernier moment. Et les accompagnants peuvent déclarer leurs disponibilités au jour le jour et les régulières. »
Pour l’heure, Guillaume Chambraud a déployé sa solution à La Chapelle-Saint-Ursin. Mais il ne compte pas s’arrêter là. Et a bien l’intention de convaincre d’autres collectivités d’adopter son système. Car il en a bien conscience : l’enjeu est national. D’après un sondage Ifop pour Eco CO2, porteur du programme national d‘écomobilité scolaire Moby, 31 % des élèves, collégiens et les lycéens inclus, vont à l’école en voiture. La marche concerne 28 % d’entre eux, le vélo 2 %. Tous les autres se rendent à l’école en bus, en car scolaire ou en covoiturage. Des choix opérés d’abord pour des raisons de sécurité de l’enfant, de rapidité et de coût. Dans cette même enquête, à la question « Quel transport scolaire les pouvoirs publics doivent-ils faciliter ? », 55 % des parents répondent « l’utilisation des mobilités actives » (vélo, marche, trotinette…), contre 45 % « le bus et la voiture ».
Sondage Ifop pour Eco CO2, porteur du programme national d‘écomobilité scolaire Moby, septembre 2020.L’intérêt est là, donc. Du côté des citoyens, mais aussi de celui des pouvoirs publics, alertés par la montée en puissance de la sédentarité chez les plus jeunes comme en témoigne la mise en ligne d’un portail Internet sur l’écomobilité scolaire ainsi que la création d’une Semaine nationale de la marche et du vélo à l’école et au collège, visant à promouvoir les modes actifs de déplacement dans les pratiques quotidiennes. L’Ademe est de son côté toujours là dans les premières phases de mise en place de ramassage scolaire pédestre ou à vélo.Depuis vingt ans, ces retours de l’école à pied, encadrés, se sont frayé un chemin à travers le pays. Le fait que ce modèle réponde à des préoccupations contemporaines – pollution, place de la voiture, sédentarité – fait des mobilités actives sur le chemin de l’école un modèle regardé de près par les collectivités. Nombre d’embûches persistent : sécurisation des voies, et engagement sur la durée.À Saint-Germain-du-Puy, le Pédibus, né en 2005 sous l’impulsion du centre communal d’éducation routière, se cherche ainsi un nouveau souffle. « Une petite dizaine d’élèves empruntent régulièrement les deux lignes. On pourrait se dire : un agent serait plus utile ailleurs, mais nous sommes convaincus que c’est une bonne idée. Les enseignantes nous disent que les enfants qui arrivent à pied le matin sont plus réveillés, dynamiques. Nous avons envie de le conserver, de le faire monter en puissance », assure la maire PCF Marie-Christine Baudoin.
Ce qu’il faut savoir sur le dispositif de sécurisation des abords de l’école Beaumont à Bourges
À Bourges, où deux « rues scolaires », sans voiture au moment de l’entrée et de la sortie de classe, ont été instaurées à l’initiative des conseils d’école pour sécuriser ces moments clefs de la journée, l’envie de développer le trajet de l’école à pied est dans les têtes. « Nous sommes en train de retravailler la carte scolaire pour faire en sorte d’être dans le ‘quartier du quart d’heure’. L’idée serait de pouvoir enlever des lignes de car mises en place pour certaines écoles, et enlever des voitures », explique l’adjointe déléguée à l’Éducation, Céline Madrolles. Dans le cadre du Plan écoles et des travaux d’envergure qui seront réalisés dans certains établissements, des enfants seront appelés à aller dans d’autres écoles. « J’essaie de faire avancer l’idée du Pedibus », avance l’élue, convaincue que ce « serait bon pour les enfants, bon pour la planète ».
« Les confinements successifs ont été un accélérateur de notre sédentarité »
Coordinateur du Report Card, état des lieux de l’activité physique et de la sédentarité des enfants et adolescents mais aussi des actions et politiques menées, David Thivel, à l’université Clermont-Auvergne, alerte sur l’essor d’une « culture de la sédentarité » dans le pays.
« Les confinements successifs ont été un accélérateur de notre sédentarité », alerte une étude réalisée en 2022
Un niveau d’activité physique qui dégringole, la sédentarité en nette progression. Début 2021, la troisième édition du Report Card portait l’empreinte des confinements liés à l’épidémie de Covid-19. La quatrième édition, parue fin 2022, a conservé la trace de ce moment qui a bousculé les styles de vie des Français. Quelques données : « chez les 6-17 ans un déclin du niveau d’activité physique durant le confinement pour 42 % des enfants de 6 à 10 ans et 59 % des adolescents. 62 % des enfants et 69 % des adolescents admettaient avoir augmenté leur temps d’écran ».
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« Depuis des décennies, on tire la sonnette d’alarme car on voit se développer une culture de la sédentarité. Les confinements ont accéléré les choses, en ancrant des habitudes. Des méthodes ultrasédentaires de travail et de vie se sont développées », avance David Thivel, vice-président de l’Observatoire national sur l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), structure qui pilote le Report Card.Parmi les recommandations pour tenter d’inverser la tendance, certaines sont adressées à la population, comme l’encouragement au mouvement et à la réduction des temps de sédentarité. D’autres visent les décideurs. Et sont relatives à la « promotion d’un mode de vie actif », à l’éducation (« encourager des stratégies de réduction du temps sédentaire à l’école ») mais aussi à l’aménagement urbain.
Il est ainsi recommandé « d’améliorer les infrastructures sportives et de loisirs, mais également notre logique d’urbanisation pour remettre la locomotion active au centre de notre quotidien avec des aménagements adaptés et sécuritaires ». Le Pedibus, »très belle initiative », estime David Thivel, s’inscrit dans plusieurs recommandations du rapport.
Trois arrêts proposés sur la ligne « Les Pieds nickelés »
Valérie Mazerolle