sans savoir que le lendemain ce serait son tour. »
« Pouvez-vous me certifier la rumeur ? »
C’est un coup de téléphone qui fait basculer cette journée dans l’horreur. Un homme cherche à s’enquérir d’une « rumeur qui court » : il y aurait actuellement une prise d’otages à Saint-Etienne-du-Rouvray. « Si c’est une blague, elle est de mauvais goût », lui rétorque Roseline Hamel. Dès cet instant, pourtant, son « estomac commence à faire des nœuds ». Accompagnée de sa fille, elle décide d’aller « chercher Jacques à l’église ». Le bâtiment se trouve à seulement 300 mètres du presbytère mais sur la route, elles croisent des dizaines de « soldats » avec des « mitraillettes ». Alors qu’elles veulent poursuivre leur route, l’un d’eux leur enjoint de se mettre à l’abri dans le commerce le plus proche. « Mauvais présage, c’était la cour des pompes funèbres », se remémore sans ciller l’octogénaire. Après deux heures passées dans l’incertitude, la nouvelle tombe. « J’ai reçu cette annonce comme un boulet de canon, j’ai hurlé à m’en déchirer les poumons », se souvient-elle, des sanglots étranglés dans la gorge.Malgré sa peine, Roseline Hamel l’assure : « vous n’aurez pas ma haine », phrase empruntée à Antoine Leiris, dont la femme a été assassinée au Bataclan. Tournée vers le box, elle s’adresse directement aux trois accusés. « Même avec ma grande souffrance persistante, vous n’aurez pas ma haine », insiste-t-elle. Elle n’en a d’ailleurs jamais ressenti, la « souffrance était tellement immense, qu’il n’y avait pas de place pour la haine ». Marchant dans les pas de son frère, l’octogénaire a tissé des liens avec la mère d’Adel Kermiche, l’un des deux assaillants. Une démarche qui fait suite à une question, qui tourne en boucle : « Si c’était moi la maman dont le fils avait commis cet acte, terrifiant, barbare, quelle aurait été ma souffrance ? »
« Vous êtes tombées dans les bras l’une de l’autre »
Leur première rencontre, quelques mois après l’attentat, c’est l’archevêque de Rouen, Monseigneur Lebrun qui la raconte, en larmes à la barre. « Vous êtes tombées dans les bras l’une de l’autre, en silence. Moi, j’étais comme un pantin à côté. Et ce silence a duré une éternité », se remémore-t-il. Puis, se tournant vers Roseline Hamel, il lui rappelle cette phrase qu’elle a eue à l’égard de la mère du terroriste. « J’ai perdu mon frère dans des circonstances atroces, c’était mon frère et il était âgé, mais vous vous avez perdu votre fils et il était jeune. » Emu par le témoignage de Roselyne Hamel, Farid Khelil, l’un des trois accusés, cousin d’un des assaillants, demande à prendre la parole, ainsi qu’il l’avait fait, quelques heures plus tôt, face à Guy Coponet, grièvement blessé dans l’attaque.« Je trouve ça admirable, ce que vous avez dit : « Ils n’auront pas votre haine. » Sachez que vous avez mon amour. Si j’avais pu faire plus, croyez-moi que j’aurais fait plus. Je m’en veux tous les jours de cette négligence criminelle. » Roseline Hamel s’approche du box, le regarde dans les yeux. Si elle émet un doute sur sa sincérité, elle « avoue que ces paroles » lui font beaucoup de bien. « Je comprends parfaitement vos réserves, je les accepte », lui répond poliment Farid Khelil.