Vu de Suisse. Ce que j’ai appris de la France en 2018


L’hôtel est cossu, à deux pas de la rue Sébastien-Bottin qui, à Paris, abrite le siège des éditions Gallimard. C’est là qu’au mois de mars 2018, je me rends pour répondre aux questions du réalisateur Bertrand Delais pour son second documentaire sur Emmanuel Macron.Le premier, diffusé dans la foulée de la présidentielle du 7 mai 2017, racontait la campagne victorieuse dans l’intimité du candidat.

Le second – diffusé le 8 mai 2018 – se penche sur l’épreuve du pouvoir. Plusieurs correspondants de médias étrangers ont été conviés à s’exprimer. La plus connue est Sophie Pedder, formidable chroniqueuse des mœurs hexagonales pour The Economist, auteure de Révolution française (éd.

Vu de Suisse. Ce que j’ai appris de la France en 2018

Bloomsbury).Je n’ai rien préparé. Il s’agit – déjà – de tirer quelques leçons du macronisme, alors triomphant.

Or, l’une de mes remarques, conservées au montage, porte sur les colères. “Macron ne les apaise pas. Il les attise”, m’entend-on affirmer à l’écran dans Macron président, la fin de l’innocence, vite pilonné pour sa supposée complaisance envers le locataire de l’Élysée.

Provoquer pour créer un sursaut

Je n’avais, à l’époque, aucune idée de la forme que ces colères pourraient prendre. Je ne croyais même pas, pour tout dire, qu’elles coaguleraient. J’étais juste inquiet.

Un président si jeune et si vite élu. Une volonté de “transformer” la France affirmée mais guère étayée, trop peu expliquée. Plus ce goût de la provocation, marque de la “génération Macron”.

Provoquer pour créer un sursaut. Provoquer pour bien montrer que la France doit changer. Provoquer pour réaffirmer que ce vieux pays n’est plus celui de ses aînés, qui avaient pourtant voté… Macron !Oubliée, la “force tranquille” et mitterrandienne des campagnes.

Bienvenue à la jeunesse individualiste des zones périurbaines – proches et lointaines banlieues – où le mot d’ordre est de saisir sa chance dès qu’elle se présente. Sans trop d’égards pour l’intérêt général et les générations passées. à savoir que ce pays n’aime pas le miroir qu’on lui tend.

La France d’Emmanuel Macron était, fin 2017, un pays digne d’un magazine de mode. À pays rêvé, président rêvé : jeune, anglophone, convaincu des vertus de l’économie numérique, “transgresseur” côté familial, jupitérien stylé face au bulldozer Trump. La France LVMH face aux États-Unis Caterpillar, auréolée ensuite par le graal du Mondial.

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