Route du Rhum – Destination Guadeloupe
Que représente la Route du Rhum pour vous ?
Pour moi, c’est « Seule la victoire est jolie » de Michel Malinovski, un livre que je conseille à tout le monde car c’est une histoire extraordinaire, une histoire de vie, de compétition : c’est 98 secondes pour l’éternité. Ce livre m’a marqué. Là, je vais savourer les jours qui précèdent le départ. Ce sont des super moments, j’aime cette ambiance sur le village, cette tension qui monte, le public qui rêve en nous voyant. J’ai un grand plaisir à vivre cela.
Avec votre Ultime volant, quelles sont vos prétentions au départ le 6 novembre ?
J’ai un bateau performant mais l’architecture navale a aussi évolué. Potentiellement, on n’a pas le bateau le plus rapide mais bon, on tape les 40 nœuds comme tout le monde… Je ne mets pas dans les rangs des favoris et ça me va bien de ne pas l’être.
Vous n’envisagez jamais la victoire ?
Évidemment que si. Francis Joyon dit qu’il a 10 % de chance de gagner la Route du Rhum. S’il a 10 %, je vais me donner 15 % car je vais plus vite que son bateau. Quand je dis que c’est confortable d’être un outsider, cela veut dire qu’il faut bien qu’il y ait une compensation à ne pas avoir le bateau le plus rapide.Yves Le Blevec : « personne n’est capable de me donner aujourd’hui le classement à l’arrivée ». (Photo Team Actual)
Ça vous pèse de ne pas avoir l’Ultime le plus rapide de la flotte ?
Ah non pas du tout, rien ne me pèse. J’étais hyper heureux avec mes anciens bateaux et je suis très heureux avec celui-ci. Avec cet Ultime-là, il y a moyen de faire de très belles choses. On travaille beaucoup dans mon équipe, il y a des compétences et de l’intelligence partout. Grâce à ce travail, le bateau commence à me ressembler, je m’y sens très à l’aise.
Ne vous manque-t-il pas ce côté « tueur » sur l’eau, cette envie de mettre tous les autres derrière vous ?
Je suis un compétiteur. Après, chacun met le curseur où il veut et moi, je n’ai pas besoin d’appuyer sur les autres pour avoir l’impression de bien faire les choses.
On a vu il y a quatre ans avec ce mano a mano entre Francis Joyon et François Gabart que ça pouvait se jouer sur la ligne d’arrivée : ça vous inspire quoi ce scénario ?
Sur cette Route du Rhum, je sais qu’il va se passer plein de choses, que ça va très vite : cette course se fait quasiment en apnée, ça sera dur, fatiguant mais personne n’est capable de me donner aujourd’hui le classement à l’arrivée. Le Blevec sur le podium, c’est possible. Le Blevec gagne, c’est possible aussi. Mais là, si tu demandes à un bookmaker de parier, il ne mettra pas mon nom sur le dessus de la pile mais…
Vous avez commandé une nouvelle paire de foils pour 2023 : n’est-ce pas dommage de ne pas les avoir pour la Route du Rhum ?
On ne peut pas tout faire, on fait les choses dans l’ordre. Cela fait un an qu’on y travaille, qu’on se demande comment faire pour aller plus vite. On a exploré des tas de pistes, on en a gardé, on en a mis de côté. Quand ce bateau est sorti en 2015, c’était la version 1, là on est sur la V2 et le SVR de François Gabart, c’est la V3. Et nous, nous n’allons pas réussir à faire une V3 avec notre bateau.Actual 3 n’est autre que l’ancien Macif de François Gabart. (Photo JM Liot)
Quel regard portez-vous sur ce qui se passe en ce moment dans la Classe Ultime ?
Je pense qu’on a la chance d’avoir ces bateaux extraordinaires, nos engins sont la vitrine à l’échelle mondiale de ce qu’est la Sailing Valley sur notre petit bout de côte, entre Vannes et Concarneau. On y trouve un concentré de compétences à tous les niveaux, cet endroit est unique au monde. Et nos bateaux sont la vitrine de ce savoir-faire qui existe que chez nous, que le monde entier nous envie. Donc, pour moi, naviguer dans cet univers-là, c’est fabuleux.
Vous n’avez pas vraiment répondu à la question…
Vous savez bien qu’il y a des sujets brûlants… Je pense que le spectacle renvoyé aujourd’hui par la Classe Ultime n’est pas à la hauteur de ce qu’est notre sport, de ce que sont nos bateaux.
Quand on vous dit que l’Ultime, c’est la classe reine, que répondez-vous ?
Que ça ne veut rien dire. Si vous voulez qu’on parle de la classe reine, alors parlons de la classe Mini, c’est là où il y a le plus de bateaux. Donc, cela dépend du critère que l’on met en avant. Les Ultimes, ce sont normalement ceux qui arrivent en premier à Pointe-à-Pitre mais ce n’est pas parce que tu es le plus rapide que tu es le roi. Et d’ailleurs, de quoi es-tu le roi ? (rires)
Vous évoquez la Classe Mini : vous avez gagné la Mini-Transat 2007, vous êtes directeur de course de la Mini en mai : pourquoi avez-vous ce besoin de rester au contact des « petits bateaux » ?
Aujourd’hui, j’ai la chance de naviguer sur un bateau assez extraordinaire qui fait partie des engins à voile les plus rapides de la planète, c’est un privilège, un vrai bonheur. C’est aussi un vrai boulot, c’est le travail d’une équipe de professionnels autour d’un skipper mais, pour autant, je suis resté le même. Je suis le même homme que celui qui a pris, en 2007, le départ de la Mini-Transat.
Vous avez 57 ans : la relève, voire la retraite, vous y pensez ?
Oui bien sûr, j’ai 57 ans, je suis encore jeune. Mais je sens physiquement que les années passent, surtout sur un Ultime. Je n’ai aucune inquiétude sur l’après car il y a tellement de choses que j’ai envie de faire. L’activité de directeur de course me passionne par exemple. Ce que je ne veux pas, c’est de subir la fin, qu’on vienne me taper sur l’épaule pour me dire que je dois laisser ma place aux jeunes. Il faut savoir partir au bon moment. Je n’ai jamais eu de plan de carrière, ce n’est pas à 57 ans que je vais commencer.Toute l’actualité de la Route du Rhum