Quels sont les plus anciens commerces de Narbonne encore ouverts à ce jour ? Certains ont traversé les générations, voire les siècles. Au fil des semaines, nous allons à la rencontre de ces enseignes qui défient le temps. Cette fois, Henri Fabre nous raconte l’histoire de l’enseigne créée par son arrière-grand-père en 1875.
La jardinerie Fabre n’a pas toujours été implantée à Bonne Source. Car son origine est bien antérieure à la création de la zone économique. Il faut remonter à l’année 1875 et revenir au centre historique de Narbonne pour voir éclore cette enseigne locale : « C’est mon arrière-grand-père qui a ouvert un magasin de graines, juste à côté du passage de l’Ancre (dans le renfoncement où se situe aujourd’hui une pizzeria, NDLR) », rappelle Henri Fabre, aujourd’hui âgé de 83 ans. Du XIXe siècle jusqu’à 2019, l’enseigne a été tenue par la même famille. Et même si elle a changé de main il y a 5 ans, les nouveaux propriétaires ont gardé le nom de Fabre en mémoire de son histoire narbonnaise.
Des graines, des plants et des poissons exotiques
Un magasin de graines et une pépinière : tel est le point de départ de l’entreprise créée par l’arrière-grand-père d’Henri Fabre. « Ma grand-mère a repris le flambeau et a monté un autre magasin, dans la rue Marcellin-Courral, toujours en centre-ville de Narbonne. Elle l’a gardé jusqu’en 1993, puis mon père a pris le relais. De son temps, on vendait surtout des graines, à coup de 150 ou 200 kg. On ne vivait que de ça et le fichier clients était très important : les gens semaient et repiquaient, et on servait tous les maraîchers dans un rayon de 100 km. On allait à Carcassonne, Limoux, Castelnaudary, Lézignan… Mais petit à petit, les maraîchers ont disparu. La où il y avait des cultures, des lotissements se sont construits. Il a donc fallu se reconvertir : après le commerce de graines on s’est lancé dans le commerce de plants, c’était la suite logique. Dans les années 1960, nous avons aussi créé la première animalerie sur Narbonne : on vendait surtout des poissons exotiques et on avait des rampes à gaz pour faire marcher les aquariums… C’était le début. «
Il ne faut pas avoir peur de la concurrence
Henri Fabre nous présente une photo du magasin d’origine prise en 1907. Photo F.P.
Quand la rue Coural a été placée en sens unique, « cela nous a posé des problèmes ». L’entreprise Fabre a alors pris une décision stratégique : « En 1982, on a transféré une partie de notre activité dans la rue Jacquard où nous avions des chambres froides et des entrepôts pour le négoce de gros, notamment de plants des pommes de terre : on en faisait jusqu’à 300 tonnes ! On a transformé une partie en magasin et c’est resté jusqu’en 1999. »
Au fil des évolutions et des opportunités
Quand la rue Jacquard a été placée à son tour en sens unique, « on créait des nuisances car on recevait des camions de 25 tonnes ». Henri Fabre saisit alors « l’opportunité de créer la jardinerie à Bonne Source ». Il s’agit donc d’une des toutes premières entreprises ouvertes à la zone économique. « Mais concomitamment, l’enseigne Tridome et sa jardinerie ont ouvert leurs portes quasiment un mois après ! Tout le monde me disait que j’étais fou ! Mais il ne faut pas avoir peur de la concurrence. »
150 ans l’an prochain
Entre-temps, en chef d’entreprise avisé, le père d’Henri Fabre avait lancé une activité commerciale complémentaire dès 1967 : « Avec mon frère, on faisait tous les marchés de la région pour vendre des graines et des plants. J’ai arrêté en 1999 pour créer la jardinerie et mon frère a continué avec des employés jusqu’en 2008. Ses fils ont monté une activité similaire de négoce et de travaux agricoles. En souvenir, j’ai offert à un de mes neveux la carotte qui servait d’enseigne au magasin « Graines Fabre » de l’époque. »
La jardinerie Fabre aujourd’hui à la zone Bonne Source. Photo F.P.
Si la jardinerie Fabre n’est plus dans le giron familial, Henri Fabre mesure le chemin parcouru jusqu’à aujourd’hui. « Il faut toujours suivre l’évolution et prendre le train en marche, sinon on reste sur le quai… et ça va vite ! Quand j’ai créé la jardinerie, j’avais presque 60 ans. Il a fallu du courage, mais c’était une question de survie. » Un choix judicieux puisque l’entreprise fêtera ses 150 ans l’an prochain.