Pendant le séisme, des habitants de La Laigne ont « eu l’impression » que leur maison « était bombardée »


Alors que certains habitants commencent à pouvoir retourner dans leurs maisons pour récupérer quelques affaires, une femme sort de chez elle, une horloge à la main, en sanglots. « Elle était sur la cheminée qui s’est fendue en deux au moment du tremblement de terre, explique-t-elle. On vient juste de la retrouver, l’heure bloquée au moment où tout s’est arrêté… »Un peu plus de quarante-huit heures après le séisme qui s’est produit vendredi soir près de Niort, « l’onde de choc, en matière d’émotion, a très largement dépassé l’ouest de la France », a lancé ce lundi matin, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique en déplacement à La Laigne, village de 500 habitants situé en Charente-Maritime, à proximité de l’épicentre, et particulièrement dévasté par ce tremblement de terre.

« On était pieds nus, je pleurais, on se demandait ce qu’il se passait… »

« J’ai eu l’impression qu’on se faisait bombarder la maison, raconte une autre habitante, Magalie Poulteau. Tout nous tombait dessus, le sol tremblait de partout, ça faisait un bruit énorme. Le pire c’était dans le salon, qui est la pièce de notre maison la plus touchée. J’ai pris ma petite de trois ans dans mes bras et je suis sortie dans le jardin, puis dans la rue… On était pieds nus, je pleurais, on se demandait ce qu’il se passait. On n’imaginait pas du tout un tremblement de terre, au début je pensais que c’était l’église qui nous tombait dessus, car elle était en travaux. Et puis on a commencé à voir les maisons fissurées de partout, et les gens qui parlaient du tremblement de terre. En tout, ça a duré quelques secondes, mais cela nous a semblé interminable. »

Des murs d’habitation se sont effondrés lors du séisme. – Mickaël BosredonLa maison de cette habitante est classée rouge : « cela veut dire qu’on n’a plus le droit d’y habiter, et qu’il faut faire très attention lorsqu’on vient récupérer des affaires parce que c’est très risqué. » Les bâtiments ont été classés en quatre catégories, explique le lieutenant-colonel Pascal Couzinier, chef du groupement territorial nord-ouest : « noire, personne ne rentre, rouge, les gens ou les sapeurs-pompiers peuvent pénétrer pour récupérer des biens, jaune et verte les gens peuvent continuer d’habiter leur maison. » « On aime notre maison, poursuit Magalie Poulteau, mais psychologiquement nous sommes atteints, cela va être compliqué de venir revivre ici, hormis si on peut démolir pour reconstruire. On verra. »

Attention aux actes malveillants et aux cambriolages

« Au total nous avons reconnu depuis vendredi 525 habitations, sur quatre secteurs opérationnels, Cram-Chaban et La Laigne étant les deux communes les plus concernées », détaille le lieutenant-colonel Couzinier, qui dénombre « 95 sapeurs-pompiers sur site, 24 véhicules, six équipes d’experts, une équipe drone, et deux équipes de secours en milieu périlleux. »Les pompiers réalisent parallèlement de nombreuses missions de sécurisation, et des opérations de bâchage pour éviter que l’eau pénètre à l’intérieur des bâtiments et aggrave la situation. La compagnie de gendarmerie de La Rochelle a elle aussi été déployée sur place, et a notamment mis en place un barrage filtrant à l’entrée de La Laigne, pour tenter de limiter cambriolages et actes malveillants. « Pour le moment on ne laisse rentrer personne dans les maisons qui ne soit mandaté par son assurance, explique Rémi de Gouvion Saint-Cyr, commandant du groupement de gendarmerie de Charente-Maritime. Mais cela ne durera qu’un temps, il faudra continuer à rester vigilants dans les prochaines semaines, car les gens risquent d’être sollicités pour des travaux de ravalement ou de toiture. Il faut vraiment que ce soit leur assurance qui prenne contact avec eux. »

L’église du village de La Laigne a été particulièrement touchée par le séisme qui s’est produit près de Niort. – Mickaël Bosredon

« Que va-t-on faire de notre maison ? »

Quand elle parle du tremblement de terre, Sarah, une autre habitante de La Laigne, décrit aussi « la sensation d’une bombe qui s’écrase à nos pieds ». « J’étais sur la terrasse avec mes deux bébés, et j’ai commencé à voir des gravats tomber », poursuit-elle. Elle aussi a cru d’abord que l’église, située juste à côté, était en train de s’effondrer : « Je suis vite rentrée avec mes deux bébés, et là mon mari m’a dit que c’était un tremblement de terre. La porte d’entrée était bloquée, il a dû la défoncer pour que l’on puisse sortir. »Pour le moment, Sarah et sa famille sont relogées dans un camping pour trois semaines. « Mais on ne sait rien pour l’après, s’inquiète-t-elle. Et que va-t-on faire de notre maison ? Elle est fissurée de partout, et à l’intérieur c’est la guerre. Tout est tombé par terre, tout est cassé. Est-ce qu’on pourra récupérer nos affaires ? J’ai juste pu, après plusieurs heures d’attente, récupérer samedi matin quelques affaires que j’ai entassées dans de grosses valises, notamment des vêtements pour mes bébés, sinon je n’ai rien. »

Le relogement des sinistrés, enjeu majeur

Environ un tiers de La Laigne « a été évacué, avec des maisons inhabitables », estime Bruno Asperti, premier adjoint au maire. « C’est donc un tiers du village qui va vivre pendant un an, deux ans, à l’extérieur. Je suis moi-même concerné et je sais que ma maison, je ne la reverrai pas avant longtemps. Beaucoup arrivent pour le moment à se reloger chez des amis ou autres, mais c’est du court terme. L’enjeu c’est de trouver des solutions d’hébergement à long terme. »

De nombreux débris de pierre sont tombés au pied de l’église du village de la Laigne, après le séisme qui a frappé l’ouest de la France. – Mickaël BosredonLa question du relogement des habitants sinistrés est aujourd’hui la plus urgente à régler. C’est en partie pour y répondre que le ministre de la Transition écologique, accompagné du ministre de la Ville Olivier Klein, a fait le déplacement ce lundi. « Nous n’aurons une vision globale de la situation que mardi », a estimé Christophe Béchu, qui a annoncé qu’il allait débloquer « le fonds d’aide au relogement d’urgence, dispositif qui peut prendre, pendant six mois à 100 %, le coût de relogement de ceux qui sont directement impactés par le séisme. »Christophe Béchu, à gauche, et Olivier Klein lors de leur visite du village de La Laigne – Mickaël BosredonA plus long terme, les modèles de prédiction des séismes pourront-ils être revus ? « Nous connaissons les zones à probabilité de séisme, et ce secteur est une zone à enjeu sismique modéré, rappelle Christophe Béchu. Mais on a toujours des difficultés à prévoir quand ces séismes vont arriver, on n’a pas d’outil pour dire que cela peut arriver demain ou dans une semaine. On fera évidemment le bilan, après tout ça, pour savoir si des choses complémentaires auraient pu nous aiguiller, mais dans un premier temps il faut être aux côtés des populations et organiser le relogement. »