quel est le rôle du designer ?


Bien plus qu’une réflexion sur l’apparence d’un objet, le travail de designer consiste à répondre à la question de son usage et du besoin auquel il répond. Au-delà de la technique, le design est une réflexion sur les interactions entre l’homme, son environnement et l’objet, qui s’inscrit dans un contexte en perpétuelle transformation. 

Du style au design, extension du territoire du designer

Credit Photo – Men’s UP Avec une équipe d’une centaine de personnes, d’horizons et de cultures différentes, le centre de design du groupe Stellantis doit capter les signaux faibles du monde pour nourrir une vision prospective sur ce que doit être la voiture de demain et au-delà, en repartant des fondamentaux, le besoin de mobilité individuelle.

« L’usage de l’automobile est en train d’évoluer, l’automobile évolue. Au-delà d’une évolution c’est une révolution » analyse Matthias Hossann, qui pilote l’équipe de design de la marque Peugeot depuis 2020, après dix années à la tête du service « Concept cars & Advanced design ». « Elle est challengée par rapport aux villes, à l’énergie.

La manière de réfléchir l’objet électrique est différente, l’usage, le rapport à la propriété change aussi. Tout ça permet de se projeter sur la manière dont nos futurs clients vont appréhender une Peugeot. On travaille avec des centres de recherche, des psychologues aussi pour comprendre quelle relation à l’objet on va avoir.

De là va naître un objet automobile de demain ».

« L’automobile est probablement en train de vivre une de ses plus grandes révolutions depuis sa création »

Un monde meilleur ?

Les techniques de conception ne se substituent pas les unes aux autres : elles s’enrichissent mutuellement.Credit Photo – Men’s UP La nécessité de faire évoluer les modèles prévalent depuis des décennies est apparue plus nettement ces dernières années, provoquant un champ de turbulences et d’incertitudes impliquant les pouvoirs publics, les industriels et les consommateurs.

Dans ce contexte qui se cherche encore et face aux enjeux sociétaux et économiques, le designer a plus que jamais son rôle à jouer. Et de nouvelles responsabilités dont Matthias Hossann et son équipe d’une centaine de personnes ont pleinement conscience. « Notre objectif en tant que designers est de façonner des objets pour faire un monde meilleur.

Le rôle du designer dépasse la fonction esthétique. On parle de plus en plus d’expérience, quelle expérience le client va vivre quand il rentre en contact avec une marque et notamment la marque Peugeot. Quels ressentis, quelles expériences il va avoir.

Le rôle du designer est de se projeter sur de nouvelles matières, pour avoir aussi le moins d’impact sur notre monde ».

« C’est cette vision holistique que le designer doit avoir. Quand j’ai commencé on parlait de style automobile, aujourd’hui on parle de design automobile.

La fonction et le rôle ont drastiquement évolué ces dernières années ».

« Le développement d’un véhicule de série prend environ 4 ans et cela a tendance à se réduire. Mais la recherche autour d’un modèle de série, c’est entre 6 et 8 ans.

On est toujours en veille exploratoire. Dans le passé, j’ai eu l’occasion de m’occuper de ce qu’on appelle « l’avance de phase » et j’ai eu l’occasion de rechercher de nouvelles tendances, à quoi vont ressembler les voitures de demain, mais aussi les concept cars. J’avais en charge la vision à long et moyen termes.

Ce sont des visions prospectives qui permettent de sentir les nouvelles tendances que l’on va pouvoir explorer et industrialiser. »Cette évolution du travail a fait évoluer les équipes. Les barrières entre les disciplines tombent et l’organisation matricielle fait place à une structure organique avec l’arrivée de nouveaux profils, que l’on n’aurait pas pensé rencontrer dans un centre de design automobile il y a seulement quelques années.

« Du style automobile au design d’expérience global le métier a muté. On fait appel à des designers d’un point de vue esthétique, à l’univers du gaming, à des sound designers pour l’expérience sonore à l’intérieur du véhicule, – le véhicule électrique génère peu de son -. On a un croisement de plein de métiers différents pour concevoir une expérience unique ».

 

De l’objet à l’expérience

Embarquer de nouvelles technologies permet de transformer l’expérience de conduite, comme ce volant Hyper Square, avec lequel il n’y a plus de liaison entre le volant et les roues.Credit Photo – Men’s UP Au-delà du produit, on parle donc aujourd’hui d’expérience. C’est un changement de paradigme pour l’industrie.

L’intégration des solutions des technologies de communication enrichit ce vécu à bord, en créant des interactions multidirectionnelles entre l’homme, son véhicule et leur environnement. Un paramètre qui transforme encore le métier du designer. « L’intégration de toujours plus d’intelligence à bord de nos véhicules apporte une dimension supplémentaire.

Ce ne sont plus des objets froids. On apporte une surcouche, une relation nouvelle à l’objet qui est presque une quatrième dimension. Il y a une dimension fascinante : on est dans un habitacle fermé qui se déplace, dans lequel on peut partager beaucoup de choses.

Cette surcouche d’intelligence artificielle va permettre une nouvelle gestion de l’espace. Au-delà de l’espace mobile, cette idée de connectivité à l’intérieur du véhicule et à terme avec les autres véhicules est fascinante. On va pouvoir créer un autre paysage automobile.

Aujourd’hui on fait aussi appel à l’univers du gaming pour concevoir les interfaces. Au-delà de l’interface technique – pouvoir changer sa climatisation, mettre sa radio, quelles dimensions supplémentaires va-t-on pouvoir gérer pour l’utilisateur dans cet espace mobile. Ça pose vraiment la question de l’usage de l’automobile et de la conception de l’espace ».

Passer à l’électrique ne pose pas uniquement des questions d’autonomie et d’infrastructure. Pour le designer, c’est une autre manière de penser la voiture… et ce qu’elle symbolise ! « Ce qui est intéressant avec un véhicule électrique c’est qu’avant on catégorisait un véhicule mainstream, premium ou luxe en fonction du nombre de cylindres que l’on avant sous le capot. Avec un véhicule électrique on est tous logés à la même enseigne, c’est assez fascinant » note Matthias Hossann.

« L’expérience va devenir de plus en plus importante. La performance au sens classique du terme a tendance à disparaître. C’est là où le rôle de designer est fascinant.

On peut retrouver du plaisir de conduite. Comment on va le mettre en scène, comment on va le magnifier… on est en train de réinventer notre i-cockpit avec un volant qui n’est plus un volant mais un « device de conduite » parce qu’on fait appel à de la technologie by wire pour renouveler l’expérience de conduite ».

Et demain ?

Credit Photo – Men’s UP « On est encore dans une phase transitoire de cette révolution.

Les choses évoluent extrêmement vite. On se doit d’être agiles pour proposer les bons produits au bon moment. Quand on réfléchit à un véhicule électrique, un véhicule thermique ou un véhicule multi-énergie on ne réfléchit pas de la même manière.

On a des contraintes différentes. Ce sont des choix très structurants. Le temps de l’industrie automobile reste un temps long.

Les choix que l’on fait sont structurants pour les 5, 10 prochaines années. C’est un travail en avance de phase qui permet d’envisager quels types de technologies on va pouvoir intégrer dans nos véhicules». Peut-on aujourd’hui se faire une idée précise du sens de l’histoire et de ce que pourrait-être, au-delà du fantasme d’une voiture volante de science-fiction, la voiture de demain ? « Le monde se cherche encore un peu car au-delà de l’objet, c’est tout l’écosystème qui doit évoluer, nos villes doivent évoluer » analyse le designer, qui semble heureux de participer à ce nouveau tournant de l’histoire de l’automobile.

« On est dans une vraie transformation globale sur la mobilité »Quand le discours autour de l’automobile tourne trop souvent à la culpabilisation et que d’aucuns stigmatisent à l’envi la « bagnole » qui serait responsable de tous les maux et que d’autres s’accrochent au désespérant « c’était mieux avant », Matthias Hossann préfère tirer parti des nouvelles technologies pour inventer un nouveau futur dans lequel les mots « plaisir » et « conduite » ont toute leur place. « Je crois à la mobilité parce que c’est une forme de liberté de pouvoir se déplacer de manière autonome. Ça reste un vrai vecteur de liberté.

On en aura toujours besoin, par contre à nous de la réinventer de manière un peu différente » conclut-il. 

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Pour résumer

Il est loin le temps où le designer avait pour seule mission de rendre une voiture simplement désirable. A l’ADN, le centre de design du groupe Stellantis, Matthias Hossann et son équipe réfléchissent sur les « objets automobiles » de demain, et anticipent les besoins et les réalités d’un monde qui change.

Une grande évolution dans un secteur en pleine révolution. Rencontre avec Matthias Hossann, Directeur du style de Peugeot.

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