Par
Xavier Paccagnella
Publié le
5 juin 2024 à 11h59
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Voilà un homme qui, à l’image du slogan de son entreprise, « a le sens du service » ! Dirigeant-fondateur du groupe Mallet et de trois structures MMH (pour Management, Méthode et Hygiène) spécialisées dans le service à la personne, la propreté et la gestion des espaces verts, Aurélien Mallet emploie – et c’est là sa plus grande fierté en tant qu’autodidacte – aujourd’hui pas moins de 600 personnes, à qui il garantit un revenu stable et un respect, selon lui « indispensables », pour que ses clients puissent toujours profiter de prestations impeccables mais aussi constater les bienfaits d’un mode managérial centré sur l’humain, dont il a lui-même pu bénéficier par le passé. Élégant dans son costume de grand patron, Aurélien Mallet n’en oublie pas, en effet, ses débuts en tant qu’agent de propreté, quand il endossait chaque matin son uniforme pour aller travailler. Pas franchement porté sur les études, mais « déterminé à se forger par l’effort », il enchaine alors, à 16 ans, les petits boulots avant d’accepter un emploi d’agent de service dans une entreprise de propreté. Envisage-t-il à ce stade de fonder sa propre entreprise ? Est-il en mesure d’imaginer que sa parole compterait un jour si fort, lui qui occupe désormais un poste de vice-président hérault au sein de la « FEP », la Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et de services associés ? C’est à l’occasion de la Semaine des métiers de la propreté, qui se tient du 3 au 8 juin 2024, que nous le convions à déjeuner pour en savoir plus…
Interview
Métropolitain : Aurélien Mallet, nous n’aurions pu espérer meilleure date, pour cette interview, que la Semaine des métiers de la propreté qui, j’ai cru comprendre, vous anime particulièrement. Aurélien Mallet : Effectivement, cette semaine est non seulement importante pour moi, en tant que professionnel engagé exerçant dans ce secteur, mais aussi plus généralement pour tous les acteurs de la filière qui, rassemblés, représentent tout de même le cinquième employeur de France. C’est colossal. Pour autant, et c’est un point de vue que nous sommes nombreux à partager, nous souffrons d’un déficit d’image. La propreté, un métier ingrat ? Je suis la preuve vivante du contraire. Un emploi par défaut ? Vous allez découvrir que pour beaucoup de gens, la propreté est gage de sécurité, d’évolution et de réussite professionnelle. Attractivité, opportunités de carrière, recrutement… Cette semaine nationale nous offre l’opportunité d’un joli coup de projecteur. Cette Une que vous m’accordez, c’est ma façon de dire : « On est là, nous aussi ! ».Que sous-entendez-vous par là ? Que la filière est invisible ? Je ne sous-entends rien, je le dis très clairement. Les agents de propreté sont un peu, dans notre société, « invisibilisés ». Réfléchissez-y un instant : quand demande-t-on à des entreprises comme les nôtres d’intervenir pour effectuer leur mission ? Souvent tôt le matin ou tard le soir, parfois les deux, sinon le week-end, quand il n’y a personne ou presque sur site. D’une certaine façon, il faut que notre travail soit constaté, mais pas vu. Rien de nouveau à cela, et nous entendons les arguments de chacun, mais si l’on considère l’impact de ces choix sur la vie de nos agents, qu’observe-ton ? Le travail en horaires décalés ou fragmentés convient à certains, pas forcément à d’autres… Pourtant, il faut répondre à une demande grandissante de la part des clients, particuliers et professionnels, comme de nos salariés. C’est pourquoi, au sein de la FEP (la fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et de services associés, NDLR.), où j’occupe dans l’herault le poste de vice-président, nous menons plusieurs actions visant à revoir ces modèles pour offrir aux agents, en accord avec nos clients, des rythmes des travail plus compatibles avec la vie de famille. Nos propositions ont même été rassemblées en 2023 dans un Livre Bleu et portées au débat public après les élections présidentielles et législatives. Nous y évoquons plus largement les évolutions conjoncturelles pour notre secteur et les nécessaires orientations à prendre. Quel est l’objectif derrière tout cela ? Tout ce que nous disons et réalisons a pour objectif d’accroître l’attractivité de nos emplois et de lever les obstacles à la compétitivité de nos entreprises. Tarification, modalités de travail, cadre réglementaire et conventionnel… Que le cinquième employeur de France mobilise la sphère politique pour construire ensemble des solutions satisfaisantes me paraît sain et naturel. L’État représente à lui seul un quart du chiffre d’affaires national de la filière ! Il doit montrer l’exemple en modifiant son approche des marchés publics de propreté. Je rappelle que des engagements ont été pris lors de la Conférence de Progrès, en septembre 2021…
« Sur les champs de la formation, comme de l’inclusion ou des conditions de travail, il y a encore beaucoup à faire »
Les chiffres de l’emploi sont pourtant bons dans votre domaine. Ce qui est certain, c’est que l’emploi ne manque pas. Nous recrutons tous. En permanence. En moyenne, 45 000 CDI par an, dont 18 000 en mi-temps ou temps partiel. Preuve de l’importance du recrutement dans notre secteur, nous sommes passés d’une simple journée nationale de la propreté en 2018 à une semaine entière en 2022. Mais lors de cette édition 2024, nous souhaitons jouer notre rôle d’alerte : nous rencontrons des difficultés à remplir nos CFA. Et les entreprises ont du mal à pourvoir leurs postes. Nos métiers sont mal jugés, considérés comme difficiles et peu attractifs… C’est pourquoi, sur les champs de la formation, comme de l’inclusion ou des conditions de travail, il y a encore beaucoup à faire. A notre niveau, c’est évident. Mais en plus hautes sphères également. Comment, par exemple, discuter d’une loi immigration sans prendre en considération que dans notre secteur, 24% des salariés sont de nationalité étrangère et contribuent, par leur travail, à l’équilibre de notre société toute entière ? Vous parliez d’invisibilité tout à l’heure, le mot est plutôt bien choisi, je trouve.
« Le secteur prend ses responsabilités. En 2024, cela se traduit par une augmentation de +3,2% » ©SinistajUn mot tout de même sur la rémunération ? 14% de revalorisation en trois ans… Malgré un contexte inflationniste, et malgré les réticences manifestées par les clients, le secteur a pris ses responsabilités. Cette année, cela se traduira par une augmentation de +3,2%. Elle permettra d’atteindre, hors primes, un premier niveau de rémunération supra-SMIC de +3,55%. Quel est le poids de la fédération en région ? Nous représentons plus de 370 sociétés adhérentes en Occitanie, toutes tailles confondues.Revenons-en à présent à votre histoire à vous… Cela a de quoi faire rêver… (sourire) Moi le premier… Même, s’il ne faut pas oublier la part de sacrifice derrière tout succès. Mon aventure entrepreneuriale a démarré à Montpellier en 2010 avec la création de MMH, entreprise qui continue aujourd’hui de se développer aux côtés de deux branches, l’une consacrée au service à la personne, l’autre à la gestion des espaces verts. Pour chacune d’elles, trois lettres fondamentales : le « M » de management, auquel j’ai rajouté le « M » de méthode et le « H » d’hygiène. Ce sont mes ingrédients à moi, pour conduire ce qui est aujourd’hui devenu le groupe Mallet : 550 salariés dont une quarantaine au siège de Vendargues, 8 centres de profits à Montpellier, Béziers, Nîmes, Perpignan et en région PACA, et surtout une ambition intacte de la profession : c’est par et pour l’humain que nous œuvrons.Vidéos : en ce moment sur Actu
. »Moi, on ne m’a rien donné. Ce que j’ai, je suis allé le chercher ! » ©Mario Sinistaj
« Je mesure ma responsabilité de dirigeant, aujourd’hui, sans pour autant négliger la part de chacun dans sa réussite personnelle. »
Je garde en mémoire qu’à 16 ans, c’est moi qui assurais l’entretien des sanitaires de plusieurs entreprises, dont ceux de l’aéroport de Montpellier. Donc, je mesure ma responsabilité de dirigeant, aujourd’hui, sans pour autant négliger la part de chacun dans sa réussite personnelle. Moi, on ne m’a rien donné. Ce que j’ai, je suis allé le chercher ! C’est ainsi qu’à mon employeur de l’époque, j’avais proposé de faire 2h supplémentaires chaque jour, non rémunérées, pour apprendre de nouvelles techniques, pour me former à la vitrerie et ainsi monter en compétences, manager des équipes… Cela m’a permis de me distinguer, puis d’évoluer très vite jusqu’à devenir Responsable de secteur sur Montpellier pour le groupe Nicollin, que j’avais rejoint entre temps. L’étape suivante arrivera sept ans plus tard, avec la création de ma propre entreprise en 2010. Depuis, toute mon énergie est consacrée à son développement. Et croyez-moi, je ne m’ennuie pas. Quelle sera la prochaine étape ? Me développer sur le bassin toulousain, dès l’an prochain. Je n’ai pas d’ « ambition nationale », comme on me l’a pourtant souvent murmuré aux oreilles. Je préféré grandir à un rythme maîtrisé et rester proche de mes équipes. Aussi parce que c’est la garantie de conserver une approche fidèle à mes valeurs. Vous n’évoquez pas un métier pourtant très compatible et souvent requis lors des appels d’offre publics : la sécurité. Certains ont fait ce choix. La question que je me pose à ce sujet, c’est : vaut-il mieux s’abstenir ou rajouter un service pour finir par me battre contre des mastodontes ? Je m’interroge encore.
« Nous l’avons trouvé, ce fameux emploi de l’autre côté de la rue » ©Mario Sinistaj
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Vous évoquiez tout à l’heure à la marge de cette entrevue, avoir trouvé pour l’une de vos salariée, le fameux « travail de l’autre côté de la rue », qui a tant fait parler lorsqu’un certain Emmanuel Macron était interrogé sur la réalité du chômage en France. N’attendez pas de moi un commentaire politique. Mais oui, on l’a trouvé cet emploi, pour l’une de nos salariées, qui est depuis l’une des plus dévouées. En l’occurrence, une jeune retraitée qui cherchait un temps partiel quotidien, mais « 1h pas plus journalier » proche de chez elle, pour que cet emploi puisse s’intégrer harmonieusement dans son rythme de vie. Eh bien, dans une agence immobilière à 20 mètres de chez elle, nous lui avons trouvé un contrat. Elle n’a littéralement qu’à emprunter le passage piéton. Tout le monde y trouve son compte : aucune perte de temps, de l’emploi de proximité, une flexibilité totale en cas de besoin, un lien social récréé pour cette retraitée active, toujours heureuse d’échanger avec le personnel de l’agence… Ces petites histoires-là, il faut les partager. Étudiants, retraités, salariés en recherche de revenus complémentaires, parents solo… Chacun son histoire et pour chacun une opportunité de se former, d’apprendre et de grandir dans nos métiers. A 16 ans, j’y croyais déjà. J’en ai 43 aujourd’hui et j’y crois toujours.Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.