Vous remarquez que votre adolescent ne mange plus autant qu’avant, laisse de grandes quantités de nourriture sur le bord de son assiette, entreprend un régime très strict sans vous en parler. Chez vous, ça tilte ? Et si c’était dangereux ? Quel est le bon comportement à adopter ? Faut-il interdire tout régime et imposer des repas en famille avec fermeté ou accompagner l’adolescent à adopter des réflexes alimentaires plus sains, qui ne riment pas avec privation ? Si tous les régimes ne sont pas synonymes de troubles du comportement alimentaire, l’adolescence est une période charnière pendant laquelle les risques de développer des habitudes dangereuses sont élevées. Alors, comment parler à son ado de ses doutes, d’estime de soi, sans le culpabiliser ? Lire aussi >> L a question psy : « Pourquoi ne parviens-je pas à donner de l’affection à mes enfants ? »
La réponse d’une psy
L’idée de commencer un régime peut trouver racine dans une pression sociale, par exemple par le biais d’images du corps que peut croiser un adolescent dans les magazines, à la télé, sur Internet.
Au moment de l’adolescence, le corps change : cette période charnière est marquée par un manque de repères. Il faut accepter ce corps qui change, et cela prend plusieurs années. Certains adolescents ont des personnalités perfectionnistes ou obsessionnelles, parfois avec des idéaux très rigoureux, même si l’on ne peut pas faire de généralisation.
Il arrivera donc qu’ils soient très exigeants avec eux-mêmes : il faut être bon en classe, correspondre aux codes… A l’adolescence, nous recherchons toujours à nous calquer au groupe, dans une volonté d’intégration, et nous nous débattons beaucoup avec nous-mêmes. C’est aussi une période qui côtoie les extrêmes puisque notre cerveau n’est pas encore complètement développé, nous n’avons pas toutes les clés pour contrôler les choses, ainsi, nous modérons très peu nos décisions, qui iront vite dans les extrêmes. Beaucoup d’évènements peuvent déclencher un mal-être corporel et un désir de perdre du poids.
Des ruptures amoureuses, des problèmes identitaires importants, la séparation et le divorce des parents, une dépression, une quête de l’image de soi. Ces questionnements concernent tous les ados et il peut s’agir d’un terrain fertile pour les TCA. Il ne faut pas hésiter à informer l’enfant à ce sujet.
S’il ne se trouve pas encore dans le cercle vicieux d’une forme d’anorexie, il peut en comprendre les enjeux. Il faut rappeler qu’une personne anorexique cherche le contrôle. Dans l’anorexie, le système de récompense cérébral devient l’opposé de ce qu’il est normalement.
Habituellement, on reçoit une récompense après une bonne action. L’adolescent anorexique va se poser comme objectif de manger de moins en moins et trouvera satisfaction dans le fait d’avoir tenu, en faisant du sport et en mangeant moins. Quand on sécrète de l’endorphine, l’hormone du plaisir, on renforce ce comportement, c’est un cercle vicieux.
Quels sont les signes ?
Il faut rester alerte sur l’éviction d’aliments. Par exemple, si l’ado refuse de manger certains aliments, surtout les plus caloriques. Mais également en faisant attention au comptage obsessionnel de la nourriture, au milligramme près, au refus de manger avec les autres et à l’évitement de la table familiale.
Des phrases comme « Je fais un repas à part car je fais un régime » peuvent alerter.
Comment réagir ?
Il ne faut pas interdire. Ce qui est interdit devient plus attractif, l’ado va s’opposer ou se braquer et le parent va perdre le contrôle.
Je conseille d’être dans le respect de ce que ressent l’enfant. Si cela est nécessaire (et suivi par un médecin), il faut l’accompagner dans un rééquilibrage alimentaire sain. Si l’ado souffre d’anorexie, on peut définir ensemble un poids cible.
Il est important qu’il soit choisi par lui, c’est une façon de le rendre à nouveau acteur dans ce cercle vicieux. Il est essentiel de rendre la parole et de proposer une véritable écoute. On peut demander : « Que s’est-il passé ? », « Comment ça a commencé ? », et valoriser l’adolescent qui souffre avec son image.
On lui rappelle notre soutien, notre présence, sa valeur et sa beauté. Si l’on évoque le problème, il ne faut surtout pas le mentionner à table car. Le problème, ce n’est pas que l’ado ne mange pas, ou moins, mais la souffrance derrière.
Si l’on évoque le sujet pendant les repas, on lui fait comprendre : « Tu ne me conviens pas, tu es un problème car tu ne manges pas », au lieu de dire : « J’ai bien compris que tu souffres ». Il vaut mieux parler d’alimentation à distance, à un moment tranquille. Si l’ado veut parler avec quelqu’un de neutre, on peut lui évoquer l’idée du professionnel qui lui donnera sa propre bulle d’expression.
Les troubles de l’alimentation se déclarent parfois dans les familles avec des exigences très élevées, que ce soit envers les enfants ou les parents eux-mêmes. Il faut que les parents montrent à leurs enfants qu’eux-mêmes ne sont pas parfaits et qu’ils leur donnent l’exemple de l’alimentation plaisir. On peut se poser la question : « Est-ce que dans notre famille, la nourriture est synonyme de plaisir ? » Si ce n’est pas le cas, il faut travailler ce concept.
Le compromis est également nécessaire : on peut changer un peu notre alimentation et manger un peu plus sainement pour l’aider, sans l’encourager à tomber dans des habitudes malsaines.