« Ça va être une cavale impossible » : à quoi pourrait ressembler la fuite de Mohamed Amra


Par
Raphael Lardeur

Publié le

16 mai 2024 à 18h00

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Il est l’homme le plus recherché de France. « L’ennemi public numéro 1 », n’hésite pas à trancher le ministère de l’Intérieur. La traque de Mohamed Amra, alias La Mouche, a commencé. Mardi 14 mai, vers 11 heures, la scène se passe en moins de deux minutes. Digne d’un scénario de film. Un véhicule percute un fourgon pénitentiaire. Des individus, encagoulés, sortent et tirent sur les agents. Résultat : deux morts « abattus comme des chiens », trois blessés graves, et toute la France chamboulée par ce drame.Et maintenant, ces questions qui brûlent les lèvres : comment retrouver Mohamed Amra et les autres ? Sont-ils seulement complices ? Quels moyens ont été mis en œuvre ? Anatomie d’une course-poursuite, et de cette enquête diligentée par la police.

« 350 enquêteurs mobilisés »

« C’est plus facile de réaliser une évasion que d’organiser une cavale », résume auprès d’actu.fr Frédéric Ploquin, journaliste d’investigation et auteur de nombreux ouvrages au sujet du grand banditisme français.L’arrachage, cet acte qui signifie d’enlever de force des mains des autorités un homme emprisonné, « ça se fait assez simplement, c’est bien la suite qui est compliquée », reprend l’écrivain.Gérald Darmanin, le « premier flic de France », l’a affirmé : « 350 enquêteurs sont mobilisés pour rechercher les auteurs de ces crimes ». Une information confirmée par le ministère auprès d’actu.fr ce jeudi matin.

Indices physiques, numériques

Officiellement, impossible de savoir concrètement comment ces « enquêteurs » comptent s’y prendre. « On ne va rien dire, des éléments communiqués à la presse pourraient gâcher le bon déroulement de l’enquête », nous répond la police nationale.Vidéos : en ce moment sur Actu

Le chiffre de 350 enquêteurs ne veut pas dire grand-chose.Frédéric Ploquin

« Il y a les indices physiques, à relever au niveau du péage, au niveau de la voiture, du fourgon, relève l’auteur de livre, Les réseaux secrets de la police, publié chez Nouveau Monde éditions en 2023. Ça fait un paquet de monde. »D’auteurs enquêteurs sont chargés de traquer les indices numériques. « Trace téléphonique ou sur internet, tout est fouillé », reprend le journaliste. Là aussi, le journaliste, spécialiste de ces questions, imagine une cascade d’agents, formés et prêts à faire concorder les moindres indices.

Comme lors de cavales d’Yvan Colonna ou d’Antonio Ferrara

« C’est l’homme le plus recherché de France, évidemment que tous les moyens sont mis en œuvre », glisse une source policière à actu.fr. « Il faut imaginer des forces aussi importantes que lors des affaires d’Yvan Colonna ou d’Antonio Ferrara. »Le Corse Yvan Colonna, auteur de l’assassinat du préfet Claude Érignac, 60 ans, le 6 février 1998, avait passé 1 503 jours en cavale avant d’être rattrapé. Huit millions d’appels téléphoniques avaient été épluchés, avant qu’il ne soit balancé par ses camarades indépendantistes. Il avait écopé de la réclusion criminelle à perpétuité le 13 décembre 2007 par une cour d’assises spéciale, avant d’être tué en 2022 par un codétenu de la prison d’Arles.Antonio Ferrara, surnommé « le roi de la belle », s’était évadé de la prison de Fresnes en 2003 grâce à des complices. En cavale pendant quatre mois, le braqueur italien avait été interpellé en boîte de nuit alors qu’il était aminci, avec un fin filet de barbe « à la d’Artagnan », rapportait TF1, les cheveux décolorés et le nez refait. Lui aussi, avait été balancé par des proches. Après 20 ans derrière les barreaux, il avait été libéré en 2022.Hasard du calendrier, cette figure du grand banditisme, surnommée « Nino », a été interpellée ce jeudi 16 mai 2024, lors d’un « contrôle routier aléatoire » dans le Val-de-Marne, rapporte actu Paris. Et placé en garde à vue pour « recel de vol ». 

« Le maillon faible, c’est l’être humain »

Ces affaires rappellent une chose. Déjà, qu’elles sont rarissimes en France. Selon le ministère de la Justice, seulement 10 détenus se sont fait la malle en 2021, 13 en 2022 et 15 en 2023.Aussi, que dans les évasions, « le maillon faible, c’est l’être humain », ironise Frédéric Ploquin auprès d’actu.fr et dont le portrait avait été dressé par Le Perche. Pour retrouver Mohamed Amra, l’homme le plus « brûlant de France » (NDLR : comprendre recherché activement), les enquêteurs devraient miser sur l’humanité de ses proches.En clair, qu’il se fasse balancer par sa famille, ses amis, choqués par la mort des agents pénitentiaires. « Une cousine, un oncle, une sœur, qu’importe… J’imagine qu’une partie de sa famille à des remords et qu’elle serait susceptible de donner des informations si elle en avait », explique le spécialiste.C’est tout le sens de l’intervention de la mère du fugitif. Le mardi 14 mai 2024, le jour du drame, elle avait confié à RTL : « Comment on peut ôter des vies comme ça ? »Sans parler du milieu dans lequel La Mouche semble baigner. « Des jeunes, dans la culture de la frime, adepte de la démonstration de force », estime Frédéric Ploquin. Pour lui, tôt ou tard, des gens vont parler.

L’impossible cavale

D’autres points devraient rendre très périlleuse la cavale de Mohamed Amra et ainsi le voir juger un jour dans cette affaire. « Ça va être une cavale impossible. Quand vous êtes la priorité des forces de l’ordre, tout coûte cher », indique l’auteur.Pour acheter à manger, « il ne va pas se faire livrer », suppose-t-il. Il faut donc demander à des petites mains d’aller chercher la nourriture. Et ça coûte de l’argent. « Qui va vouloir être complice ? », interroge Frédéric Ploquin. Pour la potentielle création de faux papiers, même constat.   Sans parler de tous les indices que Mohamed Amra pourraient laisser derrière lui : carte bleue, téléphone « qu’il avait sur lui au moment de partir », précise le journaliste.

Si l’enlèvement était vraiment prévu, je pense qu’il doit aller chercher une belle somme d’argent pour survivre.Frédéric Ploquin

Serait-il finalement mort ? Parti à l’étranger ? 

Dernières hypothèses que l’écrivain ne souhaite pas réfuter : « À ce stade, je n’exclus pas encore le fait qu’un gang rival ait tué Mohamed Amra ».Implanté dans le trafic de drogues à Marseille, comme le rapporte actu Marseille, il fait l’objet d’un mandat de dépôt pour complicité d’arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d’otage pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, commis en bande organisée.Dernière supposition : il serait parti rapidement à l’étranger. « Dans ce genre d’affaire, rouler très vite en Belgique, prendre un vol aux Pays-Bas pour l’Algérie, ça se fait très vite », termine Frédéric Ploquin. Bref, la traque ne fait que commencer.Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.