PORTRAIT – Le chef lance avec Stéphanie Le Quellec et François-Régis Gaudry le concours culinaire « Ma recette est la meilleure de France » sur M6. L’occasion de revenir sur le parcours du cuisinier star qui remet sans cesse l’ouvrage sur les fourneaux.
Samedi 21 mars 2020, quatre jours après le début du confinement. Cyril Lignac apparaît tout sourire sur l’antenne de M6. Il lance « Tous en cuisine », émission dans laquelle il réalise des recettes en direct avec les téléspectateurs. Du jamais-vu.
Son accent chantant et son aisance face caméra masquent les émotions qui le traversent à cet instant précis. C’est son premier direct et, il l’avouera plus tard, il était tétanisé… « Cyril aime se mettre en danger, explique son associé dans sa boîte de production Kitchen Factory, Matthieu Jean-Toscani. Cela lui permet de se surpasser, d’avancer et de grandir. C’est quelqu’un qui provoque le destin. » Le programme deviendra finalement un véritable phénomène et Cyril Lignac une figure familière et rassurante durant cette période si particulière.
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Instinct et travail
C’est ainsi que le natif de Rodez a construit sa carrière : en suivant son instinct, en sortant de sa zone de confort et en travaillant énormément. Aujourd’hui à la tête de neuf restaurants et de sept boulangeries-pâtisseries, il continue d’avancer, jamais à court de projets. Il vient d’ouvrir une seconde pâtisserie à Saint-Tropez et a transposé le concept de son restaurant Le Bar des Prés à Londres, et bientôt à Dubaï. Côté télévision, il lance cette semaine un nouveau format qu’il produit baptisé « Ma recette est la meilleure de France », avec François-Régis Gaudry et Stéphanie Le Quellec.
Mais qu’est-ce qui fait courir Cyril Lignac ? L’envie de réussir ? De monter un empire ? « J’ai plein de rêves et, quand j’ai terminé un projet, j’ai envie d’en faire un autre, raconte-t-il. Parfois, on me dit que c’est une fuite en avant. Ce n’est pas que je n’arrive pas à m’arrêter, mais, comme souligne le proverbe, qui n’avance pas recule. Sans être conquérant outre mesure, je trouve important d’avoir des projets pour ne pas s’endormir et challenger mes équipes. »
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Curieux de nature, il cherche de l’inspiration partout, observe, lit, furète sur les réseaux sociaux pour ne pas passer à côté d’une tendance. « Un jour, je lui parlais d’un plat thaï que j’adore : il a pris des notes pour s’en inspirer. Il grappille des idées de tous les côtés », souligne François-Régis Gaudry.
« Je vis avec la peur que ça ne marche plus »
Car Cyril Lignac le sait : être chef d’entreprise donne des devoirs et des responsabilités. Dont celle d’être un bon capitaine de navire malgré les remous. « Je vis avec la peur que ça ne marche plus, confie-t-il. Quand vous êtes entrepreneur et que vos collaborateurs comptent sur vous, vous êtes obligé d’être en alerte. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, il y a le pouvoir d’achat, l’augmentation des charges… J’ai la trouille, mais je mets des choses en œuvre. Le jour où je n’aurai plus de peurs ni de doutes, je serai au bout du chemin. »
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Un chef rassembleur et exigeant
Chef charismatique et rassembleur, il est aussi perfectionniste et extrêmement exigeant : « On ne peut pas s’imaginer combien je le suis avec moi-même. J’aimerais parfois que ça me passe plus au-dessus. » Mais s’il demande beaucoup à ses collaborateurs, il aime surtout les voir s’épanouir dans l’entreprise. Certains travaillent à ses côtés depuis près de vingt ans, comme Benoît Couvrand, en charge des pâtisseries, Aude Rambour, son bras droit en cuisine, ou Matthieu Jean-Toscani, qui l’a vu débuter à la télévision.
« C’est quelqu’un d’une fidélité absolue. Il y a encore beaucoup de personnes en cuisine ou en salle dans ses restaurants qui étaient présents à ses débuts. Personnellement, il m’envoie chaque année un petit mot pour mon anniversaire », se réjouit Bibiane Godfroid, qui le connaît aussi depuis près de deux décennies et qui a lancé sa carrière télévisuelle. En 2005, alors directrice de la société de production Fremantle, elle cherche un cuisinier pour former des jeunes et ouvrir son restaurant dans le programme culinaire « Oui chef ! ».
Elle le sent, le jeune Aveyronnais, qui officie alors à La Suite, est le candidat idéal. « Il était assez timide mais avait beaucoup de charisme lorsqu’il parlait de cuisine. J’avais la conviction que c’était lui, mais, à M6, personne n’en voulait. Ils le trouvaient trop jeune et trop gringalet », se souvient-elle. Finalement, Nicolas de Tavernost tranche : ce sera Cyril Lignac.
Pour autant, les débuts s’avèrent plus compliqués que prévu. « On débute le tournage, et il est mauvais. Inhibé, il ne comprend pas ce qu’on attend de lui. Or on ne pouvait plus reculer : on avait signé cinq primes avec la chaîne », se souvient Matthieu Jean-Toscani, alors rédacteur en chef du programme. Il prend Cyril Lignac à part, lance une discussion filmée et lui explique ce que sera le programme. « À ce moment-là, il y a un déclic, une confiance. Le tournage se débloque et l’émission est finalement un énorme carton. »
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Le sens de la télé populaire
Dans la foulée de ce succès, Cyril Lignac devient la star télévisée des fourneaux. Depuis, il a tourné une vingtaine de programmes différents sur M6, qu’il produit pour la plupart, comme « Le Meilleur Pâtissier ». « Il sait ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Cyril Lignac, c’est une vraie ménagère : il a le sens de la télé populaire et c’est son ADN », poursuit Matthieu Jean-Toscani.
Stéphanie Le Quellec, Cyril Lignac et François Régis-Gaudry dans l’émission «Ma recette est la meilleure de France» sur M6
Patrick ROBERT/M6
Le tout sans jamais se perdre, car, quelle que soit l’émission, il reste à sa place de chef et fait confiance à ses équipes de production pour le reste. Il l’a toujours clamé haut et fort : il est avant tout cuisinier. Une voie empruntée à l’âge de 15 ans avec l’idée de régaler les gens et, ainsi, de se faire aimer.
Plus jeune, Cyril Lignac préférait pourtant les copains aux bancs de l’école. « Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? », la question que lui posaient ses parents, est d’ailleurs le titre du film documentaire centré sur sa vie, qui sera prochainement diffusé sur M6. Sa vocation naît à l’école hôtelière. Dans un magazine, il découvre le restaurant étoilé aveyronnais de Nicole Fagegaltier et décide, grâce au pécule reçu à Noël, d’y déjeuner avec un ami. Une révélation. Le lendemain, il appelle et sollicite un apprentissage. « Nous n’avons jamais pris d’apprenti », répond la chef. « C’est peut-être le moment d’essayer », contrecarre au culot le jeune homme.
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Il force le destin, qui lui donne raison, et apprend, chez cette femme, des valeurs clés pour sa réussite future, comme la culture de l’effort. « J’y ai pris goût parce que je me donnais du mal, et, en retour, ma chef était contente, se souvient-il. Avec Nicole, j’ai eu la chance d’avoir une exigence de travail et de remise en question permanente. Et puis, j’ai vu ma mère infirmière et mon père ébéniste travailler toute leur vie, partant tôt et rentrant tard. On n’a jamais manqué de rien, mais ma mère mettait les billets qui lui restaient à la fin du mois entre deux bols pour nous payer les vacances d’été. J’ai su que cela n’arriverait pas tout seul. »
Critiqué par la profession
Très vite, Cyril Lignac nourrit de grandes ambitions qui effraient ses géniteurs : il rêve de « monter » à Paris pour intégrer des restaurants gastronomiques. « Je me suis construit en opposition avec mes parents, explique-t-il. Plus ils me disaient d’arrêter, plus je voulais leur prouver qu’ils avaient tort. » À 23 ans, il vit son « rêve américain » en débarquant dans la capitale avec la Renault 21 familiale et emménage dans une chambre de bonne mise à sa disposition par Alain Passard, chez qui il continue de se former. « Paris était à moi, je lavais mon linge à la laverie, je travaillais tous les jours, j’étais heureux. »
« Il y a un sentiment qui me blesse au plus profond de mon âme, c’est l’injustice. Le Michelin est truffé d’injustices »
Cyril Lignac
À 28 ans, il est déjà à la tête de son propre restaurant grâce à « Oui chef ! ». Mais, si les fans se pressent devant son établissement pour tenter de l’apercevoir, le monde de la gastronomie lui tourne le dos. Robuchon le qualifie de chef Kleenex tandis que les critiques gastronomiques se gaussent. « On sentait que Cyril Lignac avait été un peu parachuté à la télé pour sa belle gueule, son charmant accent aveyronnais et parce qu’il était grand et mince, se rappelle François-Régis Gaudry. On attendait de voir ce que ça allait donner en cuisine. Dans L’Express, j’ai eu un peu la dent dure. J’avais dit que c’était un grand dadais démoulé à chaud. » Face à ces critiques, Cyril Lignac travaille deux fois plus. « Ce qu’il y a eu d’étonnant, avec lui, c’est que tous ces quolibets concernant sa légitimité lui ont servi de moteur », poursuit le journaliste culinaire.
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Cyril Lignac et Mercotte avec qui il anime «Le Meilleur pâtissier» sur M6.
Domine Jerome / Domine Jerome/ABACA
Son plus beau rôle : papa
Il décrochera sa première étoile sept ans après l’ouverture du restaurant et se lance à l’assaut de la deuxième… qu’il n’obtiendra finalement pas. Il jette l’éponge avant. « Il y a un sentiment qui me blesse au plus profond de mon âme, c’est l’injustice. Le Michelin est truffé d’injustices, pas seulement me concernant. Ils font comme ils veulent parce qu’il n’y a pas de règle. Ma mère me disait toujours : “Les plus gênés s’en vont”, donc je suis parti, j’ai arrêté », analyse-t-il, se réjouissant tout de même que le Guide rouge honore désormais les jeunes sortants de « Top Chef ».
À bientôt 47 ans, Cyril Lignac se sent apaisé. Depuis deux ans, il joue son plus beau rôle : celui de père auprès de son petit Léo. « La paternité lui a donné un sens des responsabilités simples. Il est fier de son fils », constate Mercotte, qui coprésente « Le Meilleur Pâtissier » et a tissé un lien filial avec lui.
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Chaque week-end, il s’échappe de la vie parisienne pour emmener sa famille à la campagne et monter à cheval. « C’est ma passion, et j’ai envie que mon fils sache monter, parce que c’est fantastique, confie-t-il. L’équitation est un sport d’humilité, on n’est jamais plus fort que l’animal. »
L’humilité, c’est justement ce qui fait la force de Cyril Lignac, comme lorsqu’il regarde en arrière. « Je suis fier du chemin parcouru, mais je ne suis pas plus fort ni plus malin qu’un autre. Je pense que c’était mon destin », note-t-il. Avant de repenser à la phrase d’un professeur de l’école hôtelière revu récemment : « Il m’a dit : “J’aurais misé sur tout le monde sauf sur toi”, et ça, c’est le plus beau des compliments…»