L’histoire se raconte au fil de l’eau et au son des outils. Le long de la Bidouze, et jusqu’à son confluent avec l’Adour, quelques kilomètres plus au Nord. « Ça s’est construit comme ça, autour de la rivière. Les maisons, les carrières. Sans la Bidouze, on ne pouvait pas sortir la pierre. » David Petrissans a encore quelques éclats de calcaires sur les mains.De la poussière sur les contours des yeux, la poignée de main ferme – de ceux pour qui elles restent la force de travail – et un petit rictus, léger. Le tailleur de pierre a la passion humble. La fierté discrète. Lui aussi est installé le long de la rivière et de ses anciens ports d’eau douce. Les galupes, qui autrefois transportaient les blocs rocheux dans la région sont parties. Mais lui taille toujours. Inlassablement. Et jusqu’aux derniers…L’histoire se raconte au fil de l’eau et au son des outils. Le long de la Bidouze, et jusqu’à son confluent avec l’Adour, quelques kilomètres plus au Nord. « Ça s’est construit comme ça, autour de la rivière. Les maisons, les carrières. Sans la Bidouze, on ne pouvait pas sortir la pierre. » David Petrissans a encore quelques éclats de calcaires sur les mains.De la poussière sur les contours des yeux, la poignée de main ferme – de ceux pour qui elles restent la force de travail – et un petit rictus, léger. Le tailleur de pierre a la passion humble. La fierté discrète. Lui aussi est installé le long de la rivière et de ses anciens ports d’eau douce. Les galupes, qui autrefois transportaient les blocs rocheux dans la région sont parties. Mais lui taille toujours. Inlassablement. Et jusqu’aux derniers « bancs » de calcaire, de cette roche de Bidache, que ses ancêtres travaillaient déjà avant lui dans la carrière familiale, 400 mètres plus haut. « On l’a toujours utilisée, c’est la pierre qui a bâti le Pays basque, le Béarn et une partie des Landes. Mais la dernière, la seule carrière encore à Bidache, c’est la mienne oui. »
David Petrissan applique les finitions à ses travaux.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Les carnets de commandes sont pleins assure le chef d’entreprise.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Héritage en danger ?
Au Pays charnégou, l’époque des carriers rois est révolue. La robustesse de la pierre de Bidache l’avait inscrite parmi les incontournables du territoire. Pour les maisons, les églises….certains ponts aussi. « Au siècle dernier, on n’était pas trop regardant sur l’origine des pierres. On a commencé à faire venir des roches d’ailleurs. De Bourgogne, du Gard, de la pierre d’Arudy. » Difficiles à travailler – « et à valoriser », confie le tailleur de pierre – certains lui ont préféré des voisines pour les constructions de la région. Les carrières ont commencé à fermer, jusqu’à celle du père de David Petrissans. « C’était plus tard, en 97. Il faut dire que c’est un métier fatigant ».
La boucharde fait partie des outils emblématiques des tailleurs de pierre.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Lui a toujours grandi entre les grandes lames circulaires des machines et les massifs blocs de pierres. « Il y a des bruits que je n’oublie pas. Quand on sonne la pierre pour savoir si elle est creuse… Quand j’étais enfant, je prenais un ciseau et je m’entraînais déjà. » Un CAP en poche, une formation accélérée en gravure, David Petrissans a d’abord travaillé dans le Tarn. Vite rattrapé par ses racines, il revient finalement s’installer à Bidache pour poursuivre ce « rêve », et répondre à une vraie demande. « Je sais aussi que c’est difficile. J’ai les pieds sur terre. Enfin, sur pierre », sourit le gaillard.
Les carnets pleins
Depuis le début des années 2000, il raconte le « retour de la pierre de Bidache. » Un nouvel engouement pour la pierre grisâtre, avec l’arrivée de nouveaux habitants. « On a eu des gens qui sont venus s’installer ici, qui n’étaient pas forcément originaires de la région et qui se sont intéressés à ce savoir-faire. Nous, on connaît ce patrimoine local ici, mais on connaît aussi les difficultés de cette pierre. » En 2017, et après plusieurs années de carcans administratifs pour relancer l’activité de la carrière familiale, David Petrissans parvient enfin à faire retourner les machines. « Au début je disais que j’étais marbrier-tailleur. J’osais pas dire que j’étais carrier. C’était la même chose pourtant, mais, je sais pas. Aujourd’hui je dis carrier, par souvenir pour mon père peut-être. »
Le coup de main nécessite force et dextérité.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Dans son atelier empoussiéré, l’homme alterne entre les commandes. Toujours le même bruit sourd des burins et de la boucharde sur le roc. Des tasseaux et autres éléments de structures, des objets d’arts (chapiteaux, cheminées, fontaines, blasons… … « Il y a une vraie demande locale. C’est compliqué de respecter les délais tellement j’ai de commandes », poursuit le quadragénaire, qui explique rechercher un à deux employés pour sa petite entreprise.
Chapiteaux, blasons, la partie artistique fait partie du métier.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Chapiteaux, blasons, la partie artistique fait partie du métier.
Bertrand Lapègue/ « SO »
Éleveur de pierres
Pour préserver la tradition et continuer d’honorer sa casquette de dernier des carriers, l’homme alterne entre deux mondes presque opposés. La délicatesse des finitions, le savoir-faire helvétique de la gravure, puis les moments d’exploitation de la carrière, plus bourrin, à grands coups de « tracto ». « La carrière j’y vais seulement deux mois dans l’année, en juin et juillet pour faire mon stock. » Et pour la prochaine session, la pierre devrait être de bonne qualité. « Là j’ai un banc d’un mètre que j’ai repéré depuis 6 ans et que j’attends de pouvoir récupérer. C’est une strate très saine. »
« On l’a toujours utilisée, c’est la pierre qui a bâti le Pays basque, le Béarn et une partie des Landes »
David Petrissans confie pourtant que la ressource minérale reste importante sur la commune et ses alentours. La pierre est restée, les besoins ont changé, mais lui se dit bien décidé à extraire la roche pour la sublimer, encore et en roc.
La difficile rénovation du patrimoine
Au centre de Bidache, le crépi blanchâtre des maisons la dissimule, « encore ». « Derrière, juste là, ça en est bien. C’est la pierre qui bâtit. » Le béret sur la tête – ne lui demandez d’ailleurs pas si le dernier est plutôt basque ou béarnais – Jean-Paul Sudaku est un fier chevalier de l’ordre de la Tigne.La confrérie défend l’héritage des anciens tailleurs de pierre de Bidache (en référence aux couches veinées de silex dans les blocs). Et pour ce Bidachot, la fermeture des carrières fait apparaître de nombreux enjeux, bien au-delà de l’aspect culturel du passé bâtisseur de la cité. Avec la dernière et unique carrière de David Petrissans, la précieuse matière n’est plus destinée aux bâtiments historiques. D’autres tailleurs de pierre sont bien installés dans le village et les bourgades voisines, mais l’extraction se fait ailleurs.« Aujourd’hui, si on voulait rénover le château de Bidache, on devrait le faire dans son jus. Avec la matière d’époque. Le prix, la quantité de pierre….ça paraît quasi-impossible », tranche Jean-Paul Sudaku. À Bayonne, les actuels travaux de la cathédrale (elle aussi en grande partie construite avec) font également ressortir la question des stocks de pierres du Pays charnégou. Elle reste donc aujourd’hui essentiellement à destination des privés, pour des ouvrages de tailles intermédiaires et rarement neufs.
Jean-Paul Sudaku est chevalier de l’ordre de la Tigne.
Bertrand Lapègue/ « SO »