Même pas un mois qu’elle est passée du portefeuille de la Biodiversité à celui de l’Enfance, la Jeunesse et la Famille et la voilà déjà face au feu nourri des questions précises et techniques des lecteurs et lectrices de 20 Minutes. Sarah El Haïry a en effet accepté de se prêter à ce « jeu », entre agenda ministériel et moments privilégiés avec sa fille d’à peine deux mois et sa compagne. Voici ses réponses.
Lucas : L’Euro de foot et les JO vont avoir lieu cet été. Ces événements attirent beaucoup d’adolescents qui souhaitent parier sur les résultats. Que propose le gouvernement pour encadrer ces activités pour que les mineurs ne tombent pas dans le piège de l’addiction ?
Les grands moments sportifs, ce sont avant tout de beaux moments populaires.
Mais nous le savons, ils s’accompagnent aussi d’une augmentation des paris sportifs. Concernant la question des addictions et des jeux, et en particulier des jeux en ligne, je m’étais déjà engagée quand j’étais secrétaire d’Etat à la Jeunesse. En 2022, il y avait eu des campagnes de publicité qui ciblaient des mineurs et même des jeunes en situation de précarité.
J’avais saisi l’ANJ (Autorité nationale des jeux) et l’Arcom et la campagne incriminée avait été retirée. On a donné à ces deux autorités des moyens puissants pour faire respecter la loi et taper là où ça fait mal, c’est-à-dire au niveau financier, et ces efforts ont payé : les enfants et les jeunes sont mieux aujourd’hui protégés. Je serai aussi vigilante et ferme que je l’ai été hier.
Isabelle : Quelles mesures allez-vous prendre pour améliorer le statut précaire au sein de la fonction publique territoriale des assistantes maternelles de crèche familiale ?
Je suis convaincue que la crèche familiale est un excellent modèle, qui devra avoir toute sa place dans le service public de la petite enfance, un engagement du Pprésident de la République que nous sommes en train de concrétiser. Il permet d’avoir, pour les parents qui le souhaitent un accueil individualisé pour leur enfant, et aux assistantes maternelles qui prennent soin d’eux de faire partie d’un collectif. Mais, comme dans tous les métiers de l’enfance et même tous les métiers de l’humain, nous manquons de professionnels.
Et le défi va s’accentuer car d’ici 2030, 40 % des assistantes maternelles partiront à la retraite. Et pour attirer plus de monde, il faut améliorer les conditions de travail, le rendre plus attractif financièrement et réduire la précarité, par exemple avec la sécurisation du versement mensuel. On a lancé des revalorisations très récemment en faveur des professionnels de crèche.
On travaille déjà et on va continuer à travailler dans cette direction pour les assistantes maternelles. Cela passera par la mise en œuvre des mesures annoncées cet automne portée avec Catherine Vautrin, par exemple l’extension de la garantie des impayés de salaire, et main dans la main avec les collectivités territoriales qui emploient les assistantes maternelles de crèche familiale.
Mathilde : Quel avenir pour le service national universel ?
Le Service national universel est un magnifique projet de cohésion que je porterai avec Nicole Belloubet.
Ce sont ces beaux projets qui permettent à des jeunes qui viennent de milieux totalement différents de se rencontrer, de vivre quelque chose d’assez unique en dehors de l’école. L’horizon désormais c’est sa généralisation en 2026. J’ai eu la chance de participer à la construction de ce service national universel avec l’ensemble des professionnels qui encadrent nos jeunes, mais aussi avec les parents.
Pour que ce soit une réussite, il faut une coordination avec le temps scolaire, porter une attention particulière aux enfants les plus vulnérables et harmoniser les programmes dans chacun des centres car il y a parfois des différences.
Anouk : Que comptez vous faire pour protéger davantage les enfants et les mamans d’un père violent physiquement et psychologiquement ?
La boussole, c’est l’intérêt de l’enfant. Et ce doit être le réflexe de tous les adultes autour des enfants, pour que la chaîne de protection soit la plus solide.
Les parents bien sûr, et je renforcerai l’accompagnement des parents dans leur rôle de parent, c’est ce que l’on appelle le soutien à la parentalité. Mais aussi les adultes du milieu scolaire, des centres de loisir, parce que c’est là que les enfants sont au quotidien, où il faut pouvoir dire « attention, on pense qu’il se passe quelque chose, et donc, il faut protéger l’enfant ». Et plus généralement tous les adultes autour des enfants, les proches, les voisins, et je le rappelle à vos lecteurs, qu’il ne faut pas hésiter à appeler le 119 : quand on est témoin d’une situation, il faut la signaler.
Se pose ensuite la question de la place du parent violent. Le juge, quand il est saisi, peut enlever l’autorité parentale. On peut aussi prendre des mesures très protectrices de placement préventif de l’enfant pour assurer sa protection.
Le juge supprime l’exercice et l’autorité d’exercice parentale quand la violence est avérée.
Nadège : Pourquoi ne réinstallez-vous pas la Ciivise version 1 avec Edouard Durand à la présidence (soutenu unanimement par les assos, les victimes et les citoyens) ?
La Ciivise est née du souhait du président de la République de briser le tabou des violences sexuelles sur les enfants, et notamment l’inceste. C’est ce qui a été fait, avec plus de 30.
000 témoignages recueillis. Et le combat contre toutes les violences sexuelles faites aux enfants n’est pas fini, l’actualité des derniers jours l’a encore rappelé. Leur travail a permis à des victimes de pouvoir s’exprimer en accueillant leur parole.
Ils m’ont remis des recommandations que je mettrai en œuvre. Par ailleurs, j’ai reçu les membres de la Ciivise dès ma prise de fonction, parce que j’ai vu qu’il y avait une crise. Nous travaillons pour que cette mission puisse se poursuivre très rapidement désormais, en gardant une seule et unique priorité : les enfants.
Ce n’est pas une question de personnes. La question c’est, comment nous faisons pour que la parole des victimes continue à se libérer et comment nous trouvons des solutions très concrètes pour qu’elle soit recueillie dans les meilleures conditions, et pour empêcher que de nouveaux enfants soient victimes de prédateurs sexuels.
Benjamin : Le budget dédié à la jeunesse et à la vie associative vient d’être amputé de 13 % soit 129 millions d’euros.
Comment faire pour répondre aux enjeux grandissant de la jeune génération alors que les associations et les acteurs de la jeunesse (déjà en difficultés) sont la cible de coupes budgétaires aussi importantes ?
J’ai les moyens de mener ma politique. Je vais vous le dire avec conviction : les crédits qui bénéficient à la jeunesse, ils ne se réduisent pas au seul budget que vous évoquez et qui porte essentiellement sur le service civique. Ce n’est pas vrai.
Aujourd’hui, l’investissement de l’Etat pour les enfants et les jeunes, c’est plus de 100 milliards d’euros en moyenne par an si on compte la santé, l’éducation, les vacances, le sport… Les budgets en faveur de la jeunesse se retrouvent dans plein de lignes budgétaires différentes.
Vous voyez large avec 100 milliards d’euros…
Je suis capable de vous donner quasiment les sommes million par million parce que cela passe de l’éducation à la santé, à la protection contre les violences en passant par les sujets d’émancipation, le service civique, toutes les formes de mentorat, le soutien au sport, le soutien au monde associatif… C’est tout ceci à la fois. Je ne voudrais pas qu’on mette le doute sur la capacité aujourd’hui de continuer à accompagner les jeunes parce qu’il y a une baisse sur une ligne budgétaire.
Marthe : Les vacances coûtent cher. Avec l’inflation, je ne peux plus emmener ma fille à la mer ou lui payer des vacances avec ses copines. La ministre peut-elle faire quelque chose ?
Les vacances, c’est un sujet essentiel d’égalité des chances et cette année il y a une nouveauté : le Pass colo.
Il sera offert à tous les enfants de 11 ans, jusqu’à 350 euros par enfant, et permettra de partir en séjour collectif. On peut aussi avoir besoin d’un temps en famille : pour cela il y a Vacaf. C’est un soutien aux vacances pour les familles qui en ont le plus besoin, porté par les CAF.
Le dispositif est peu connu et mon enjeu pour les Français est aussi de lutter contre le non-recours aux droits en faisant connaître ces dispositifs plus largement.
Benjamin : Plusieurs milliers de couples français ont recours chaque année à une gestation pour autrui (GPA) à l’étranger. Quand aura-t-on le courage d’ouvrir ce débat dans la société pour enfin autoriser ce qui est de toute façon fait, mais à l’étranger ?
Il y a beaucoup de tabous sur la GPA.
L’essentiel, ce sont les enfants, qui sont là, qui sont nés à l’étranger et qui ont des liens affectifs qu’il faut protéger avec leurs parents, comme l’a déjà appelé le président de la République. Ce que je vois et qui me paraît essentiel, c’est une évolution de notre société par rapport à cette réalité. Ces familles, elles sont là, j’en connais beaucoup, et les enfants vont bien.
Je vois les mentalités évoluer, et cela va dans le bon sens. Maintenant, comment fait-on évoluer le droit ? Les questions qui touchent à l’intime appellent, par nature, une réflexion collective, et donc du temps.
Marion : Comme vous le savez certainement, la PMA en France est un parcours du combattant : pénurie de gamètes, délais très longs, manque de moyens Cecos face à l’afflux de demandes, etc.
Le gouvernement compte-t-il prendre des mesures face à cette difficulté ?
C’est un sujet qui me tient à cœur et que je suivrai car il se trouve que j’ai moi-même fait un parcours PMA avec ma compagne. J’ai eu la chance de bénéficier des avancées de cette loi qui a été votée grâce à l’engagement du président de la République et de la majorité lors du précédent quinquennat. Mais, dans les faits, il existe des disparités entre les territoires et je veux que cette loi puisse être la plus accessible à toutes en permettant notamment une meilleure circulation des gamètes.
Une task force a été lancée par l’ancienne ministre Agnès Firmin Le Bodo pour fluidifier la répartition des gamètes et faciliter la conservation ovocytaire pour que les femmes ne se retrouvent pas dans des délais d’attente trop longs alors même qu’elles sont parfois à la limite d’âge, en permettant à plus d’établissements de faire ces opérations. Plus de 20 établissements supplémentaires vont être agréés. Nous voulons aussi lancer des campagnes d’information pour expliquer aux femmes quels sont leurs droits et donner des moyens aux Cecos.
Ces mesures seront approfondies et complétées dans les prochains mois par le plan de lutte contre l’infertilité.