En Auvergne, un représentant de la Fédération pour le don de sang alerte sur la tension de médicaments immunoglobuli...


Depuis quelques semaines, René Trémoulet a pris son bâton de pèlerin afin de rencontrer les élus d’Auvergne. Au nom de la Fédération nationale pour le don de sang bénévole, où il est élu administrateur suppléant, il souhaite tirer la sonnette d’alarme au sujet « de la pénurie mondiale de certains médicaments ». Selon lui, l’heure est grave.

Pour certains patients, il s’agit d’une question de vie ou de mort, interpelle-t-il.

En Auvergne, un représentant de la Fédération pour le don de sang alerte sur la tension de médicaments immunoglobuli...

C’est le cas de la compagne de Jacques, un Cournonnais. Il y a une vingtaine d’années, alors âgée de 40 ans, elle s’est retrouvée en fauteuil roulant. Pour cette commerciale, la vie a basculé en trois mois. « Par chance, le diagnostic est tombé assez vite et elle a pu accéder à un traitement », explique Jacques. Sa compagne est atteinte de la maladie de Guillain-Barré.

Le traitement ne la guérit pas, mais lui permet de reprendre une vie à peu près normale. « Toutes les quatre semaines, elle doit être hospitalisée durant deux jours pour recevoir son traitement d’immunoglobulines sous perfusion », décrit-il. Ce traitement d’immunoglobulines d’origine humaine lui permet d’être bien durant trois semaines, à l’issue desquelles elle s’affaiblit.

Une épée de Damoclès tous les mois au-dessus de sa tête

« Malheureusement, il y a trois mois, on nous a appris que si les immunoglobulines faisaient défaut, elle aurait un autre traitement. Soit une corticothérapie, soit un échange plasmatique qui lui vaudra d’être immobilisée une dizaine de jours en chambre stérile pour changer son plasma. Un traitement fatigant. Ainsi, elle devrait avoir une vie normale deux semaines par mois. Psychologiquement, c’est très dur », concède Jacques.

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Par chance, ce mois-ci encore, sa compagne a pu accéder à son traitement. Mais le problème est reporté au mois suivant. Chaque mois, à l’heure de se rendre à l’hôpital, l’incertitude de recevoir le traitement habituel ronge les sangs de ce couple.

« Nous avons l’impression d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, cela est très anxiogène. »

Raison pour laquelle René Trémoulet, membre de la Commission du don des éléments issus du corps humain, a mené l’enquête au plan national il y a quelques mois, et continue à interpeller les pouvoirs publics, car il estime, à la lumière des données recueillies, « qu’il y a urgence ! »

Les raisons de la tension des médicaments immunoglobulines

Pressenti il y a déjà quatre ans, la tension du marché des médicaments issus du plasma, en particulier les immunoglobulines d’origine humaines, constitue aujourd’hui le cheval de bataille de René Trémoulet, membre de la Fédération pour le don de sang bénévole d’Auvergne, qui a tenté de comprendre.

Les IMG : Qu’est-ce que c’est ?

Les immunoglobulines sont issues des dons de sang ou des dons de plasma. Le plasma contient plus de 300 protéines différentes. Soit il est utilisé en thérapeutique (il est alors transfusé au malade), soit pour le fractionnement.

La filière des médicaments expliquée

« L’EFS a le monopole de collecte des produits sanguins en France. Le LFB (Laboratoire français du sang) fractionne le plasma et en extrait les médicaments. Ceux-ci sont prescrits à l’hôpital et permettent de prendre en charge des pathologies graves. »

Pourquoi y a-t-il une pénurie ?

Selon l’ANSM, Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, la crise sanitaire a conduit à une baisse des dons de sang au niveau mondial, donc avec un risque de pénurie, notamment de ces médicaments.« Le marché des immunoglobulines est très rémunérateur et les collectes de plasma baissent aussi bien aux États-Unis que dans les pays de l’Est. Depuis quelques années, le taux de fourniture des immunoglobulines aux hôpitaux français par le LFB est passé de 50 % seulement du marché, à 35 %. Les 65 % sont livrés par des laboratoires privés, notamment étrangers, regroupés au sein de l’association PPTA (Plasma protein therapeutics association). »

Récemment, un des fractionneurs n’a pas répondu à l’appel d’offres, cela a aggravé la pénurie. De plus, le LFB est en saturation au niveau de ces capacités de fractionnement. Nous sommes tributaires de l’étranger, détaille René Trémoulet.

Quelles sont les solutions ?

 « Il est prévu la construction d’une nouvelle structure du LFB, mais seulement pour 2024. D’autres solutions devront être trouvées à plus court terme. C’est pourquoi nos politiques doivent être alertés sur ce grave problème. 9.200 patients sont concernés en France », concède le représentant de la Fédération nationale pour le don de sang bénévole.

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Quelle est la situation au CHU de Clermont-Ferrand ?

La prescription d’immunoglobulines s’est tendue en juin 2021 au CHU de Clermont-Ferrand.

La situation des médicaments immunoglobulines au CHU de Clermont-Ferrand est tendue, mais la pénurie a été évitée. Le professeur Jeannot Schmidt, président de la Comedims, Commission du médicament et des dispositifs médicaux stériles du CHU de Clermont-Ferrand, nous éclaire sur la situation.

Qu’est-ce que les médicaments immunoglobulines ?

En France, les immunoglobulines sont issues des produits sanguins provenant des dons de sang bénévoles. Des industriels du médicament récupèrent et fabriquent les immunoglobulines destinés aux patients qui en relèvent : maladies neurologiques, inflammatoires, maladies du sang… Des indications très encadrées. Ces IMG sont plus ou moins concentrées d’un laboratoire à l’autre, et la concentration est différente d’un labo à l’autre, ce qui fait varier la durée d’administration au patient. Mais toutes les immunoglobulines commercialisées sont actives et efficaces.

Quand sont apparus les premiers problèmes concernant l’approvisionnement en immunoglobulines ?

Il y a eu une alerte des industriels en juin 2021 disant qu’à partir de septembre, ils ne seraient peut-être plus en mesure d’alimenter les pharmacies des hôpitaux sur la base de leurs besoins habituels en immunoglobulines.

Comment l’hôpital a-t-il réagi ?

nous avons alerté tous les prescripteurs et discuté avec les laboratoires. Nous avons alors alerté la DGOS, Direction générale de l’organisation du soin. Nous arrivions à vivre sur nos réserves sans connaître de pénurie. Nous avons averti les patients de l’incertitude dans laquelle on était.

Puis, la DGOS a donné l’autorisation d’importer des immunoglobulines pour avoir des réserves. S’il devait y avoir des pénuries dans l’une ou l’autre des voies, il devrait donc y avoir des immunoglobulines de remplacements, peut-être pas toujours les mêmes que celles administrées à un patient T, mais ce sont bien toujours des immunoglobulines à des dosages différents, impliquant donc des durées d’administration différentes. Sur le plan médical, l’efficacité reste la même.

Les commandes sont-elles toujours en tension ?

Aujourd’hui, nos commandes sont faites tous les mois. Et tous les mois, on est en attente de savoir si elles pourront être honorées. Mais, désormais, nous pouvons être optimistes. La DGOS a demandé à chaque établissement d’évaluer ses besoins, et il nous est attribué la quantité qu’il nous faut. Certes, nous ne pouvons garantir au patient qu’il aura sa molécule habituelle, mais il aura bien un traitement d’immunoglobulines tout aussi efficace, même si son administration est différente. Je ne parle pas d’alternatives au traitement, mais bien d’immunoglobulines. On peut donc être assez confiant, le patient aura une immunoglobuline même si elle n’est pas celle qu’il reçoit habituellement.

Un message ?

Face à une demande plus grande de ces traitements, parce qu’il y a davantage de malades, il faudrait que les industriels fabriquent des immunoglobulines en plus grande quantité. Parallèlement, il faut inciter le grand public à faire don de son sang.

 

Michèle Gardette