Alexandre* a repris le fil de sa jeune carrière. Nouveau club, nouvel environnement, nouvelle ville. Nouvelle vie. Quitter Angers et le Sco a été une bouffée d’oxygène, au sortir de plusieurs saisons que des témoins décrivent comme « un calvaire ». Des blessures à répétition, d’autres simulées pour ne pas aller à l’entraînement, des rendez-vous chez le psy et une dépression : un mal-être profond et une explosion en plein vol. Quelques mois plus tard, le constat est sans appel : « Avec du recul, il aurait dû partir bien plus tôt », expose un proche.
Au centre de formation du Sco, ce joueur a souffert. En particulier de sa relation avec Abdel Bouhazama, le directeur de la structure. Selon de nombreux témoignages – souvent sous couvert d’anonymat – il n’est pas le seul. Le monde du foot est un milieu où dénoncer n’est pas forcément bien vu. « Je ne dirais pas grand-chose. Pourtant, j’aurais plein de trucs à raconter », soupire un ancien Angevin. « On est toujours dans le foot, on ne veut pas que ça retombe sur nous après… », répond un autre.
Saïd Chabane – Gérald Baticle, destin « encore » lié
Pierre Freuchet, lui, est sorti du circuit. Aujourd’hui, il joue à Ancenis en R1 et travaille comme agent immobilier. Après avoir fait toutes ses classes au Sco. Mais un jour d’août 2017, il a claqué la porte, décontenancé en sortant du bureau d’Abdel Bouhazama : « Pendant un entraînement, je rigolais avec un coéquipier et on s’est fait reprendre par le coach Denis Arnaud (ancien éducateur des U19, aujourd’hui directeur du centre de formation du Stade rennais). On a terminé la séance à courir. Le coach Abdel a vu ça. Il nous a convoqués dans son bureau. Il a commencé par moi, et m’a dit : ’Pierre, depuis que tu t’es fait dépuceler, tu es une racaille’. Devant des témoins. Je me suis énervé, je ne le vouvoyais plus. On m’a sorti du bureau pour me calmer. Abdel m’a dit de rentrer chez moi le soir, de ne pas dormir au centre. Il m’a ensuite appelé, pas pour s’excuser, mais pour revenir sur ses propos. Mais c’était trop tard. Le lendemain, j’y suis retourné, ma décision était prise. J’ai arrêté. »
« Il profite de sa position, car il est puissant »
À chaque fois, les retours sont les mêmes : « insultes », « humiliations », « intimidations », « menaces », « management par la terreur ». Un ancien collaborateur se désole : « J’ai assisté à certains de ses débriefs de match. On va très loin dans l’humiliation. Ça fait plus de vingt ans que je suis dans le milieu, je n’ai jamais vu ça. » « Il profite de sa position, car il est puissant, raconte le père d’un jeune qui est parti usé. Et dès lors qu’on n’est plus dans sa façon de penser ou de voir les choses, il pilonne, il pilonne, il pilonne. Il pilonne jusqu’au moment où ça craque. »
Joseph Sery en a fait l’amère expérience durant les deux ans qu’il a passés au Sco, en réserve sous les ordres d’Abdel Bouhazama (2019-2021). Il raconte : « Une fois, on est dans le vestiaire, le coach Abdel commence sa causerie et se retourne vers moi. Il me dit : ’Joseph, tu as compris ?’ Il me pose la question deux fois. Je lui réponds deux fois : « Oui, coach ». Puis il me crie dessus : ’Tu sors, tu vas dans les tribunes’. Je n’ai pas compris pourquoi. Le lundi, à la causerie, il a évoqué mon cas devant tout le monde : ’Toi, Joseph, pendant un mois, tu ne vas plus t’entraîner avec nous ! ’ Je me suis entraîné seul. »
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