« Tout manquement ne peut être qu’intolérable ». Président directeur général du groupe depuis trois jours seulement, Philippe Charrier a été auditionné ce mercredi après-midi par des députés de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale après la publication du livre-enquête Les Fossoyeurs de Victor Castanet. S’il a nié « l’existence d’un système Orpea, qui consisterait à optimiser le projet pour rationner les prestations », il a surtout rapidement laissé la parole à Jean-Christophe Domersi.
« J’ai été choqué par le contenu du livre mais l’important est de comprendre l’émoi que la population, les résidents peuvent ressentir », a assuré le directeur général du groupe et ancien directeur d’établissement, qui s’est chargé de tenter de répondre aux questions des députés. Et de récuser : « Cela ne fait l’objet d’aucun système. Des propos dans ce livre ont pu se produire mais relèvent de l’humain, de l’erreur. Mais une volonté manifeste telle qu’elle est décrite pour conclure à un fonctionnement déshumanisée ne nous correspond pas. C’est l’humain qui compte ».
Des propos introductifs vite remis en cause par les nombreuses interrogations des députés, « écœurés » par ce qu’ils ont pu lire. « Nous connaissons le sujet, quel que soit notre appartenance politique », a lancé Monique Iborra, députée LREM Haute-Garonne. « Mais qu’est-ce qui justifie selon vous un reste à charge de 7.000 euros par mois dans certains de vos établissements alors que les budgets « soin » et « dépendance » sont assurés par de l’argent public ? » Une question qui restera lettre morte.
« Dans cette commission, on attendrait au moins des excuses. J’entends du déni, qu’on parle d’incidents regrettables. J’ai le sentiment que vous vous fichez de nous. Pensez-vous que l’on doit laisser les personnes âgées entre les mains des financiers ? », a questionné pour sa part le député Insoumis de la Somme François Ruffin.
« on n’a jamais refusé des commandes de protections »
Interrogé sur les suppressions de poste, la qualité de vie au travail des employés et celle des usagers, longuement documentés dans le livre-enquête, Jean-Christophe Domersi a assuré qu »il n’y a pas de notion de rentabilité sur des questions de soin ».
Avant de longuement détailler le plan qualité d’Orpea, tout en ne masquant pas l’augmentation des événements indésirables constatés ces dernières années dans ses Ehpad. De 149 à 2016 à 391 en 2021 en passant par 421 deux ans plus tôt, avec jusqu’à une quarantaine de suspicions de maltraitances. « Concernant les signalements et les cas de maltraitances, il y a des lois et des procédures pour cela. Quand c’est le cas, il est de notre devoir d’écarter temporairement le salarié. Mais je ne suis pas dans tous les établissements. »
« Vous nous décrivez un plan de qualité mais des dérives ont été constatées. Et il n’y a pas les réponses attendues », a regretté Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales lors de cette audition finalement stérile.
Philippe Charrier a bien repris la parole, mais seulement pour rappeler le caractère international du groupe, présent dans 23 pays. « Notre domaine n’est pas que celui des Ehpad. Nous avons plus de la moitié de nos établissements hors de France, avec une croissance vigoureuse. Cette croissance est possible car on rend des services jugés de qualité satisfaisantes ». Et celui… des protections: « On ne les compte pas, on n’a jamais refusé des commandes de protections ».
Un absent bien encombrant
L’absence d’Yves Le Masne, ancien PDG du groupe, limogé le 30 janvier, a aussi plané durant toute la durée de cette audition. « Nous avons appris que votre prédécesseur avait vendu près de 5.500 actions de votre entreprise après avoir été informé de l’enquête en cours », a fait remarquer Paul Christophe, député « Agir ensemble » du Nord. « Ce comportement résonne comme des aveux ». « Le limogeage de votre directeur est-il une forme de culpabilité? », a demandé Bernard Perrut, député Les Républicains du Rhône.
Jeannine Dubié, député « Liberté et territoire » des Hautes-Pyrénées, s’est pour sa part émue de l’indemnité de départ de l’ancien PDG du groupe, estimée à 2,6 millions de départ. « Son salaire était de 1,3 million d’euros […] Je suis outré de ça », a-t-elle rappelé.
« Pourquoi n’est-il plus le PDG? », a répondu Philippe Charrier. « Cela ne dit rien sur la responsabilité future d’Yves Le Masne. Le conseil d’administration a estimé au moment de la réception du livre qu’il y avait tellement d’éléments à l’intérieur que notre obligation fiduciaire était de contrôler absolument tout. Nous avons lancé des enquêtes extérieures et indépendantes, et ce n’était pas compatible avec sa présence. » Concernant ses indemnités de départ, le conseil d’administration attendra les résultats des enquêtes.
Et pour conclure cette audition, la présidente Fadila Khattabi n’y est pas allée par quatre chemins : « on va s’arrêter là. La représentation nationale est très déçue de la qualité de vos réponses ».