A la mare immonde du mal s'oppose l'obissance du Fils


Le 28 janvier 2023 –

(E.S.M.)

Sa fidlit rside dans le

fait que maintenant lui-mme n’agit pas seulement comme Dieu

l’gard des hommes, mais aussi comme homme l’gard de Dieu,

fondant ainsi l’Alliance de manire irrvocablement stable.

de la multitude (cf. Is 53,12), va avec la promesse de la

Nouvelle Alliance fonde de manire indestructible. Cette greffe

dsormais indestructible de l’Alliance dans le cur de l’homme, de

l’humanit elle-mme, se ralise dans la souffrance vicaire du Fils

qui s’est fait serviteur. Depuis lors, la

mare immonde du mal s’oppose l’obissance du Fils, en

qui Dieu lui-mme a souffert et dont, en consquence, l’obissance

est toujours infiniment plus grande que la masse croissante du mal

(cf. Rm 5,16-20).

Benot XVI et le saint Calice –

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Benot

XVI  : A la mare immonde du mal s’oppose

l’obissance du Fils

3. La thologie des paroles de

l’institution

    Aprs toutes ces rflexions sur le cadre historique et sur la

crdibilit historique des paroles de l’institution de Jsus, il est temps

de porter notre attention sur le contenu de leur message. Et il faut

rappeler avant tout que dans les quatre exposs sur l’Eucharistie, nous

rencontrons deux types de tradition qui ont des diffrences

Nous

devons toutefois mentionner brivement les diffrences les plus importantes.    Alors qu’en Marc (14,22) et en Matthieu (26,26)

la parole sur le pain est seulement : Ceci est mon corps, chez Paul

nous lisons : Ceci est mon corps, qui est pour vous (1 Co

11,24), et Luc complte selon le sens en crivant : Ceci est mon

corps, donn pour vous (22,19). Chez Luc et Paul vient immdiatement aprs

le commandement de la rptition : Faites cela en mmoire de moi, qui

manque chez Matthieu et Marc. La parole sur le calice, selon Marc,

dit: Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va tre rpandu pour

une multitude (14,24); Matthieu ajoute encore :.. pour une

multitude en rmission des pchs (26,28). Selon Paul, par contre,

Jsus a dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; chaque

fois que vous en boirez, faites-le en mmoire de moi (1 Co

11,25). Luc formule de la mme manire, mais avec de petites diffrences :

Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, vers pour vous (22,20).

Il manque le deuxime ordre de rptition.    Cependant, deux diffrences nettes entre Paul/Luc, d’une

le sang est sujet: Ceci est mon sang, alors que Paul et Luc disent :

Ceci est la nouvelle alliance en mon sang. Beaucoup y voient un gard

vis–vis des Juifs et de leur dgot pour l’ingestion de sang : ce n’est

pas le sang qui est indiqu comme contenu direct il est temps de porter

notre attention sur le contenu de leur message. Et il faut rappeler avant

tout que dans les quatre exposs sur l’Eucharistie, nous rencontrons deux

types de tradition qui ont des diffrences caractristiques, et que nous ne

Nous devons toutefois mentionner

brivement les diffrences les plus importantes.Alors qu’en Marc (14,22) et en Matthieu (26,26) la parole sur le pain est

seulement : Ceci est mon corps, chez Paul nous lisons : Ceci est mon

corps, qui est pour vous (1Co 11,24), et Luc complte selon le sens

en crivant : Ceci est mon corps, donn pour vous (22,19). Chez Luc et

Paul vient immdiatement aprs le commandement de la rptition : Faites

cela en mmoire de moi, qui manque chez Matthieu et Marc. La parole sur le

calice, selon Marc, dit: Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va

tre rpandu pour une multitude (14,24); Matthieu ajoute encore :..

pour une multitude en rmission des pchs (26,28). Selon Paul, par

contre, Jsus a dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ;

chaque fois que vous en boirez, faites-le en mmoire de moi (1Co  11,25).

Luc formule de la mme manire, mais avec de petites diffrences : Cette

coupe est la nouvelle alliance en mon sang, vers pour vous (22,20). Il

manque le deuxime ordre de rptition.    Cependant, deux diffrences nettes entre Paul/Luc, d’une

le sang est sujet: Ceci est mon sang, alors que Paul et Luc disent :

Ceci est la nouvelle alliance en mon sang.

Beaucoup y voient un gard vis–vis des Juifs et de leur dgot pour

l’ingestion de sang : ce n’est pas le sang qui est indiqu comme

contenu direct de ce qui doit tre bu, mais la nouvelle alliance. Ainsi,

nous sommes dj arrivs la deuxime diffrence : alors que Marc et

Matthieu parlent simplement de sang de l’alliance, faisant allusion par

l Exode 24,8, c’est–dire la conclusion de l’Alliance au Sina,

Paul et Luc parlent de la Nouvelle Alliance, se rfrant ainsi Jrmie

31,31 -chaque fois apparat donc un arrire-plan vtrotestamentaire

diffrent. En outre, Marc et Matthieu parlent du sang rpandu pour une

multitude, faisant allusion par l Iae 53,12, alors que Paul et

Luc disent pour vous, laissant ainsi penser immdiatement la

communaut des disciples.    Il existe donc naturellement dans l’exgse une vaste

discussion pour savoir quelles sont les paroles originaires de Jsus. Rudolf

Pesch a fait ressortir, dans un premier temps, quarante-six possibilits qui

peuvent tre encore doubles en changeant entre elles chaque introduction

(cf. Das Evangelium in Jrusalem, p. 134s.). Ces efforts ont leur

importance, mais ils ne peuvent entrer dans la vise de ce livre.    Nous partons du prsuppos que la transmission des paroles de

Jsus n’existe pas sans leur rception de la part de l’glise naissante,

qu’elle se savait rigoureusement engage la fidlit l’essentiel, mais

qu’elle tait aussi consciente que le spectre de rsonance des paroles de

Jsus avec leurs allusions subtiles relatives des textes de l’criture

permettait quelque ajustement dans les nuances. Ainsi pouvait-on entendre

rsonner dans les paroles de Jsus aussi bien Exode 24 que Jrmie

31 et accentuer un peu plus l’un ou l’autre contenu, sans par l manquer de

fidlit ces paroles qui, presque imperceptiblement et cependant

sans quivoque, accueillaient en elles-mmes la

Loi et les Prophtes. Mais ce disant, nous sommes dsormais passs

l’interprtation des paroles du Seigneur.    Les rcits de l’institution dans les quatre textes commencent

signification essentielle dans leur rception par l’ensemble de l’glise. Il

nous est dit que Jsus prit le pain, pronona la prire de bndiction et

d’action de grce et ensuite le rompit. Au commencement il y a l’eucharistia

(Paul/Luc) ou bien l’eulogia (Marc/Matthieu) : les deux termes

indiquent la berakha, la grande prire d’action de grce et de

bndiction de la tradition juive, qui fait partie aussi bien du rituel

pascal que d’autres banquets. On ne mange pas sans remercier Dieu pour le

don qu’il offre : pour le pain, qu’il fait pousser et crotre de la terre,

comme aussi pour le fruit de la vigne.    Les deux paroles diffrentes que Marc/Matthieu, d’une part,

et Paul/Luc, de l’autre, utilisent, indiquent les deux directions

intrinsques de cette prire : elle est action de grce et louange pour le

don de Dieu. Cette louange, cependant, renvoie la bndiction sur le don,

comme on lit en 1 Tm 4,4s. : Tout ce que Dieu a cr est bon et

aucun aliment n’est proscrire, si on le prend avec action de grce (eucharistia)

la parole de Dieu et la prire le sanctifient. Dans la dernire Cne,

Jsus (comme dj dans la multiplication des pains, Jn 6,11) a

accueilli cette tradition. Les paroles de l’institution sont dans ce

contexte de prire : en elles, l’action de grce devient bndiction et

transformation.    Depuis ses tout dbuts, l’glise a compris les paroles de

conscration non pas simplement comme une sorte de commandement presque

magique, mais comme faisant partie de la prire faite avec Jsus ; comme

terrestre nous est de nouveau offert par Dieu comme corps et sang de Jsus,

comme don de soi de Dieu dans l’amour accueillant du Fils. Louis Bouyer a

cherch dcrire le dveloppement de l’eucharistia chrtienne – du

canon – partir de la berakha juive. On comprend ainsi que

Eucharistie soit devenue la dnomination de l’ensemble du nouvel vnement

cultuel donn par Jsus. Nous devrons encore revenir sur ce sujet dans la

quatrime section de ce chapitre.    En second lieu, il est dit que Jsus rompit le pain.

Rompre le pain pour tous est avant tout la fonction du pre de famille, qui

reprsente par l, et de quelque manire aussi, Dieu le Pre qui, par la

fertilit de la terre, nous distribue tous ce qui est ncessaire pour

vivre. Et c’est aussi le geste de l’hospitalit, par lequel on fait

conviviale. Rompre et partager : le fait de partager cre justement une

communion. Ce geste humain essentiel de donner, de partager et d’unir,

trouve dans la dernire Cne de Jsus une profondeur toute nouvelle : il se

donne lui-mme. La bont de Dieu, qui se manifeste travers le fait de

distribuer, devient tout fait radicale au moment o le Fils, dans le pain,

se communique et se distribue lui-mme.    Le geste de Jsus est devenu ainsi le symbole de tout le

mystre de l’Eucharistie : dans les Actes des Aptres et dans le

christianisme primitif en gnral, rompre le pain dsigne l’Eucharistie.

en Jsus Christ

crucifi et ressuscit, se donne nous. Rompre le pain et le distribuer –

l’acte d’attention aimante pour celui qui a besoin de moi – est donc une

dimension intrinsque de l’Eucharistie elle-mme.    La Caritas, le souci de l’autre, n’est pas un

domaine secondaire du christianisme ct du culte, mais elle est enracine

en lui et en fait partie. Dans l’Eucharistie, dans le fait de rompre le

pain, la dimension horizontale et la dimension verticale sont relies

insparablement. Dans cette double affirmation sur le fait de rendre grce

et sur le fait de partager, au commencement du rcit de l’institution, la

nature du nouveau culte fond par le Christ la dernire Cne, sur la Croix

et la Rsurrection est rendue vidente : par l, l’ancien culte du Temple

est aboli et en mme temps il est port son accomplissement.    Venons-en maintenant la parole prononce sur le pain. Selon

Marc et Matthieu elle dit simplement : Ceci est mon corps, Paul et Luc

ajoutent: donn pour vous. Ils mettent ainsi en vidence ce qui, en soi,

est contenu dans le geste de distribuer. Quand Jsus parle de son corps,

cela, videmment, ne veut pas dire le corps distinct de l’me et de

l’esprit, mais la personne entire en chair et en os. En ce sens Rudolf

Pesch commente avec justesse : Jsus dans son interprtation du pain

suppose la signification particulire de sa personne. Les disciples peuvent

comprendre : Je suis cela, le Messie (Markusevangelium II, p. 357).    Mais comment cela peut-il se raliser ? De fait, Jsus se

trouve au milieu de ses disciples qu’est-il en train

de faire ? Il accomplit ce qu’il avait dit dans le discours du bon

Pasteur : Personne n’enlve ma vie, mais je la dpose de moi-mme (Jn

10,18). La vie lui sera enleve sur la Croix, mais

dj maintenant il l’offre lui-mme. Il transforme sa mort violente en un

acte libre de don de soi pour les autres et aux autres.    Et il sait: J’ai pouvoir de la dposer, et j’ai pouvoir de

la reprendre (ibid.). Il donne sa vie en sachant que de cette faon

il la reprend de nouveau. Dans l’acte de donner sa vie, la Rsurrection est

il peut se distribuer lui-mme

ds maintenant, parce que ds maintenant il offre sa vie, il s’offre

lui-mme, et par l ds maintenant il la reprend. Il peut ainsi instituer

maintenant le Sacrement dans lequel il devient le grain de bl qui meurt et

dans lequel, travers tous les temps, il se distribue lui-mme aux hommes

dans la vraie multiplication des pains.    La phrase concernant le calice, laquelle nous prtons

maintenant attention, est d’une extraordinaire densit

thologique. Comme dj indiqu plus haut, dans le petit nombre de

mots de cette phrase sont entrelacs trois textes vtrotestamentaires, si

bien que toute l’histoire prcdente du salut y est rsume et rendue

nouveau prsente.    Nous avons tout d’abord Exode 24,8 – la conclusion de

l’Alliance au Sina; puis Jrmie 31,31 – la promesse de la Nouvelle

Alliance au milieu de la crise de l’histoire de l’Alliance, une crise dont

les manifestations les plus importantes taient la destruction du Temple et

l’exil Babylone ; et enfin, il y a Isae 53,12 –

la promesse mystrieuse du Serviteur de Dieu, qui

porte le pch de la multitude et de cette faon obtient pour elle le salut.    Cherchons maintenant comprendre ces trois textes, chacun

dans sa propre signification et dans son nouveau contexte. L’Alliance du

Sina, selon la description d’Exode 24, se fondait sur deux lments

d’une part, sur le sang de l’alliance, le sang d’animaux sacrifis,

avec lequel tait asperg l’autel – comme symbole de Dieu – et le peuple et,

d’autre part, sur la parole de Dieu et sur la promesse

de l’obissance d’Isral : Ceci est le sang de l’Alliance que le

Seigneur a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses, avait dit

solennellement Mose aprs le rite de l’aspersion. Juste avant, le peuple

avait rpondu la lecture du livre de l’Alliance : Tout ce que le

Seigneur a dit, nous le ferons et nous y obirons (Ex 24,7s.)    Cette promesse d’obissance, qui tait constitutive pour

l’Alliance, fut rompue immdiatement aprs par l’adoration du veau d’or

alors que Mose se trouvait sur la montagne. Toute l’histoire qui suit est

une histoire de violations toujours nouvelles de la

promesse d’obissance, comme le montrent aussi bien les livres

historiques de l’Ancien Testament que les livres des prophtes. La rupture

semble irrmdiable au moment o Dieu abandonne son peuple l’exil et le

Temple la destruction.    ce moment-l surgit l’esprance de la Nouvelle Alliance

non plus fonde sur la fidlit toujours fragile de la volont humaine,

mais inscrite indestructiblement dans les curs eux-mmes (cf. Jr

31,33). En d’autres termes, la Nouvelle Alliance doit se fonder sur une

obissance qui soit irrvocable et inviolable. Cette obissance, qui fonde

maintenant la racine de l’humanit, est l’obissance du Fils qui s’est fait

serviteur et qui prend sur lui, par son obissance jusqu’ la mort, toute

dsobissance humaine. Il la supporte jusqu’au bout et la surmonte.    Dieu ne peut pas tout simplement ignorer l’ensemble de la

dsobissance des hommes, tout le mal de l’histoire, il ne peut pas le

traiter comme une chose de peu d’importance et insignifiante. Une telle

sorte de misricorde, de pardon inconditionnel serait cette grce

bon march, contre laquelle Dietrich Bonhoeffer s’est lev avec raison

face l’abme du mal de son temps. L’injustice, le mal comme ralit, ne

peut pas tre simplement ignor, ne peut tre laiss l. Il doit tre

limin, vaincu. C’est l seulement la vraie misricorde. Et puisque les

hommes n’en sont pas capables, Dieu lui-mme s’en charge maintenant – c’est

l la bont inconditionnelle de Dieu, une bont qui ne peut jamais tre

en contradiction avec la vrit et la justice qui lui est lie.

Si nous sommes infidles, lui reste fidle, car il ne

peut se renier lui-mme (2 Tm 2,13).    Sa fidlit rside dans le fait que

maintenant lui-mme n’agit pas seulement comme Dieu l’gard des hommes,

mais aussi comme homme l’gard de Dieu, fondant ainsi l’Alliance de

manire irrvocablement stable. Par consquent, la figure du

Serviteur de Dieu, qui porte le pch de la multitude (cf. Is 53,12),

va avec la promesse de la Nouvelle Alliance fonde de manire

indestructible. Cette greffe dsormais indestructible de l’Alliance dans le

cur de l’homme, de l’humanit elle-mme, se ralise dans la souffrance

vicaire du Fils qui s’est fait serviteur. Depuis lors,

la mare immonde du mal s’oppose l’obissance du Fils, en

qui Dieu lui-mme a souffert et dont, en consquence, l’obissance est

toujours infiniment plus grande que la masse croissante du mal (cf. Rm

5,16-20).    Le sang des animaux n’avait pu ni expier le pch, ni

relier Dieu et les hommes. Il pouvait seulement tre un signe de l’esprance

et de l’attente d’une obissance plus grande et vraiment salvifique. Dans la

il donne la nouvelle alliance dans son sang. Son sang – c’est–dire

le don total de lui-mme, dans lequel il souffre jusqu’au bout tout le mal

de l’humanit, et il limine toute trahison en

l’absorbant dans sa fidlit inconditionnelle. C’est cela le culte

nouveau, qu’il institue la dernire Cne : attirer l’humanit dans son

signifie qu’il est pour une multitude – pour nous – et dans le

Sacrement, il nous accueille dans cette multitude.    Maintenant, il reste encore expliquer, dans les paroles

d’institution de Jsus, une expression qui a suscit rcemment de multiples

discussions. Selon Marc et Matthieu, Jsus a dit que son sang serait vers

pour une multitude, faisant ainsi allusion justement Isae

53, alors que chez Paul et Luc il est question de donner ou plutt de verser

pour vous.    La thologie rcente a soulign avec raison le mot

pour commun aux quatre rcits, un mot qui

peut tre considr comme un mot-cl non seulement dans les rcits de la

dernire Cne, mais pour la figure mme de Jsus en gnral. Sa nature tout

entire est qualifie par le mot existence-pour

une existence non pour elle-mme mais pour les

autres, et cela non dans une dimension quelconque de cette existence,

mais dans ce qui en constitue l’aspect le plus profond et le plus

totalisant. Son tre est dans un tre pour.

Si nous russissons comprendre cela, alors nous nous serons vritablement

approchs du mystre de Jsus, alors nous saurons aussi ce que signifie

marcher sa suite.    Mais que veut dire vers pour une

multitude ? Dans son uvre fondamentale Die Abendmahlsworte Jesu

(1935), Joachim Jeremias a cherch montrer que le mot multitude dans

les rcits sur l’institution serait un smitisme et qu’il devrait donc tre

lu non pas partir de la signification du mot grec, mais selon les textes

vtrotestamentaires correspondants. Il cherche montrer que le mot

multitude dans l’Ancien Testament signifie la

totalit et donc qu’en ralit il faudrait le traduire par tous

Cette thse s’est alors vite affirme et est devenue une conviction

thologique commune. Selon celle-ci, dans les paroles de la conscration, la

multitude a t traduite en diverses langues par tous. Vers pour

vous et pour tous, c’est ainsi que, dans divers pays, les fidles

entendent aujourd’hui les paroles de Jsus durant la clbration

eucharistique.    Entre-temps, toutefois, ce consensus entre les exgtes s’est

de nouveau bris. L’opinion dominante tend aujourd’hui soutenir que

multitude en Isae 53 et aussi en d’autres endroits, tout en

signifiant une totalit, ne peut pas tre simplement assimile tous.

En s’appuyant sur le langage de Qumran, on suppose gnralement maintenant

que multitude en Isae et chez Jsus signifie la totalit d’Isral

(cf. Pesch, Abendmahl, p. 99; Wilckens 1/2, p. 84). C’est seulement

avec le passage de l’vangile aux paens qu’aurait t rendu vident

l’horizon universel de la mort de Jsus et de son expiation, qui comprend

galement Juifs et paens.    Dernirement, le jsuite viennois Norbert Baumert, avec

Maria-Irma Seewann, a prsent une interprtation de pour une multitude,

que Jean Pascher avait dj dveloppe en 1947, pour l’essentiel, dans son

livre Eucharistia. Le noyau de la thse est celui-ci : selon la

structure linguistique du texte, l’ tre vers ne se rfre pas au sang,

mais au calice; il s’agirait donc d’un actif « verser » du sang du calice,

un acte dans lequel la vie divine elle-mme est donne abondamment, sans

aucune allusion l’agir de bourreaux (Gregorianum 89, p. 507). La

Croix et son effet, mais l’acte sacramentel, et ainsi s’clairerait

aussi le mot multitude : alors que la mort de Jsus vaut pour tous,

la porte du Sacrement est plus limite. Il rejoint

une multitude, mais pas tous (cf. en particulier p. 511).    Sous l’aspect strictement philologique, cette solution peut

tre vraie pour le texte de Marc 14,24. Si on n’attribue aucune

originalit au texte de Matthieu l’gard de Marc, pour les paroles de la

dernire Cne la solution pourrait tre convaincante. Le fait de souligner

la diffrence entre le rayonnement de l’Eucharistie et le rayonnement

universel de la mort en Croix de Jsus est en tout cas prcieux et peut

faire avancer la recherche. Mais le problme du mot multitude n’en est

toutefois que partiellement expliqu.    Reste, en effet, l’interprtation fondamentale que Jsus

donne de sa mission en Marc 10,45, o justement revient le mot

multitude : Le Fils de l’homme lui-mme n’est pas venu pour tre servi,

mais pour servir et donner sa vie en ranon pour une

multitude. et

il est ainsi vident que par l Jsus reprend la prophtie sur le Serviteur

de Dieu en Isae 53 et la relie la mission du Fils de l’homme qui,

en consquence, prend une nouvelle signification.    Que devons-nous donc dire ? Il me semble prsomptueux et sot

de vouloir scruter la conscience de Jsus et de vouloir expliquer partir

de celle-ci ce que, selon notre connaissance de ces temps-l et des

conceptions thologiques d’alors, il peut avoir pens ou ne pas avoir pens.

Nous pouvons seulement dire qu’il savait que dans sa personne

s’accomplissait la mission du Serviteur de Dieu et celle du Fils de l’homme

  • c’est pourquoi la relation entre les deux motifs comporte en mme temps un
  • dpassement de la limitation de la mission du Serviteur de Dieu, une

    universalisation qui indique une nouvelle ampleur et profondeur.    Nous pouvons encore noter comment, dans le cheminement de

    l’glise naissante, grandit en mme temps et lentement la comprhension de

    la mission de Jsus et comment les disciples, dans leur remmoration sous la

    mouvance de l’Esprit de Dieu (Jn 14,26), commencent peu peu

    percevoir tout le mystre prsent derrire les paroles de Jsus. 1 Tm

    2,6 parle de Jsus comme de l’unique mdiateur entre Dieu et les hommes,

    qui s’est livr en ranon pour tous. La

    avec une clart cristalline.    Chez Paul et Jean, nous pouvons trouver des rponses

    historiquement diffrencies et en substance pleinement concordantes la

    question concernant le rayonnement de l’uvre salvifique de Jsus rponses

    indirectes au problme multitude/tous. Paul crit aux Romains que les

    paens dans leur totalit (plromd)

    doivent atteindre le salut et que tout Isral sera sauv (cf. 11,25s.). Jean

    dit que Jsus serait mort pour le peuple (les Juifs), cependant non

    pas pour la nation seulement, mais encore afin de

    rassembler dans l’unit les enfants de Dieu disperss (11,50s.). La mort de Jsus vaut pour les Juifs et

    pour les paens, pour l’humanit dans son ensemble.    Si la multitude en Isae pouvait signifier

    essentiellement la totalit d’Isral, dans la rponse croyante que l’glise

    donne au nouvel usage du mot de la part de Jsus, il est toujours plus

    vident que, de fait, il est mort pour tous.    En 1921, le thologien protestant Ferdinand Kattenbusch a

    cherch montrer que les paroles de l’institution de Jsus durant la

    dernire Cne constitueraient l’acte authentique de fondation de l’glise.

    et faisait d’eux une communaut. Kattenbusch avait raison : avec

    l’Eucharistie, l’glise elle-mme a t institue. Elle devient une unit,

    elle devient elle-mme partir du Corps du Christ et en mme temps,

    de l’histoire.    L’Eucharistie est le processus visible du fait de se runir,

    un processus qui, partir d’un lieu et travers tous les lieux, est une

    entre en communion avec le Dieu vivant qui, de l’intrieur, rapproche les

    hommes les uns des autres. L’glise se forme partir de l’Eucharistie. Elle

    en reoit son unit et sa mission. L’glise vient de la dernire Cne, mais

    justement pour cela elle vient de la mort et de la Rsurrection du Christ,

    Benot XVI1. La date de la dernire Cne

    Benot XVI4. De la Cne l’Eucharistie du dimanche matin

    Sources :Texte original des crits du Saint Pre Benoit XVI –

     E.S.M.

    Ce document est destin l’information; il ne

    Eucharistie sacrement de la misricorde –

    (E.S.M.) 28.01.2023