Le 28 janvier 2023 –
(E.S.M.)
Sa fidlit rside dans le
fait que maintenant lui-mme n’agit pas seulement comme Dieu
l’gard des hommes, mais aussi comme homme l’gard de Dieu,
fondant ainsi l’Alliance de manire irrvocablement stable.
de la multitude (cf. Is 53,12), va avec la promesse de la
Nouvelle Alliance fonde de manire indestructible. Cette greffe
dsormais indestructible de l’Alliance dans le cur de l’homme, de
l’humanit elle-mme, se ralise dans la souffrance vicaire du Fils
qui s’est fait serviteur. Depuis lors, la
mare immonde du mal s’oppose l’obissance du Fils, en
qui Dieu lui-mme a souffert et dont, en consquence, l’obissance
est toujours infiniment plus grande que la masse croissante du mal
(cf. Rm 5,16-20).
Benot XVI et le saint Calice –
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Benot
XVI : A la mare immonde du mal s’oppose
l’obissance du Fils
3. La thologie des paroles de
l’institution
Aprs toutes ces rflexions sur le cadre historique et sur la
crdibilit historique des paroles de l’institution de Jsus, il est temps
de porter notre attention sur le contenu de leur message. Et il faut
rappeler avant tout que dans les quatre exposs sur l’Eucharistie, nous
rencontrons deux types de tradition qui ont des diffrences
Nous
devons toutefois mentionner brivement les diffrences les plus importantes. Alors qu’en Marc (14,22) et en Matthieu (26,26)
la parole sur le pain est seulement : Ceci est mon corps, chez Paul
nous lisons : Ceci est mon corps, qui est pour vous (1 Co
11,24), et Luc complte selon le sens en crivant : Ceci est mon
corps, donn pour vous (22,19). Chez Luc et Paul vient immdiatement aprs
le commandement de la rptition : Faites cela en mmoire de moi, qui
manque chez Matthieu et Marc. La parole sur le calice, selon Marc,
dit: Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va tre rpandu pour
une multitude (14,24); Matthieu ajoute encore :.. pour une
multitude en rmission des pchs (26,28). Selon Paul, par contre,
Jsus a dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; chaque
fois que vous en boirez, faites-le en mmoire de moi (1 Co
11,25). Luc formule de la mme manire, mais avec de petites diffrences :
Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, vers pour vous (22,20).
Il manque le deuxime ordre de rptition. Cependant, deux diffrences nettes entre Paul/Luc, d’une
le sang est sujet: Ceci est mon sang, alors que Paul et Luc disent :
Ceci est la nouvelle alliance en mon sang. Beaucoup y voient un gard
vis–vis des Juifs et de leur dgot pour l’ingestion de sang : ce n’est
pas le sang qui est indiqu comme contenu direct il est temps de porter
notre attention sur le contenu de leur message. Et il faut rappeler avant
tout que dans les quatre exposs sur l’Eucharistie, nous rencontrons deux
types de tradition qui ont des diffrences caractristiques, et que nous ne
Nous devons toutefois mentionner
brivement les diffrences les plus importantes.Alors qu’en Marc (14,22) et en Matthieu (26,26) la parole sur le pain est
seulement : Ceci est mon corps, chez Paul nous lisons : Ceci est mon
corps, qui est pour vous (1Co 11,24), et Luc complte selon le sens
en crivant : Ceci est mon corps, donn pour vous (22,19). Chez Luc et
Paul vient immdiatement aprs le commandement de la rptition : Faites
cela en mmoire de moi, qui manque chez Matthieu et Marc. La parole sur le
calice, selon Marc, dit: Ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui va
tre rpandu pour une multitude (14,24); Matthieu ajoute encore :..
pour une multitude en rmission des pchs (26,28). Selon Paul, par
contre, Jsus a dit: Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ;
chaque fois que vous en boirez, faites-le en mmoire de moi (1Co 11,25).
Luc formule de la mme manire, mais avec de petites diffrences : Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang, vers pour vous (22,20). Il
manque le deuxime ordre de rptition. Cependant, deux diffrences nettes entre Paul/Luc, d’une
le sang est sujet: Ceci est mon sang, alors que Paul et Luc disent :
Ceci est la nouvelle alliance en mon sang.
Beaucoup y voient un gard vis–vis des Juifs et de leur dgot pour
l’ingestion de sang : ce n’est pas le sang qui est indiqu comme
contenu direct de ce qui doit tre bu, mais la nouvelle alliance. Ainsi,
nous sommes dj arrivs la deuxime diffrence : alors que Marc et
Matthieu parlent simplement de sang de l’alliance, faisant allusion par
l Exode 24,8, c’est–dire la conclusion de l’Alliance au Sina,
Paul et Luc parlent de la Nouvelle Alliance, se rfrant ainsi Jrmie
31,31 -chaque fois apparat donc un arrire-plan vtrotestamentaire
diffrent. En outre, Marc et Matthieu parlent du sang rpandu pour une
multitude, faisant allusion par l Iae 53,12, alors que Paul et
Luc disent pour vous, laissant ainsi penser immdiatement la
communaut des disciples. Il existe donc naturellement dans l’exgse une vaste
discussion pour savoir quelles sont les paroles originaires de Jsus. Rudolf
Pesch a fait ressortir, dans un premier temps, quarante-six possibilits qui
peuvent tre encore doubles en changeant entre elles chaque introduction
(cf. Das Evangelium in Jrusalem, p. 134s.). Ces efforts ont leur
importance, mais ils ne peuvent entrer dans la vise de ce livre. Nous partons du prsuppos que la transmission des paroles de
Jsus n’existe pas sans leur rception de la part de l’glise naissante,
qu’elle se savait rigoureusement engage la fidlit l’essentiel, mais
qu’elle tait aussi consciente que le spectre de rsonance des paroles de
Jsus avec leurs allusions subtiles relatives des textes de l’criture
permettait quelque ajustement dans les nuances. Ainsi pouvait-on entendre
rsonner dans les paroles de Jsus aussi bien Exode 24 que Jrmie
31 et accentuer un peu plus l’un ou l’autre contenu, sans par l manquer de
fidlit ces paroles qui, presque imperceptiblement et cependant
sans quivoque, accueillaient en elles-mmes la
Loi et les Prophtes. Mais ce disant, nous sommes dsormais passs
l’interprtation des paroles du Seigneur. Les rcits de l’institution dans les quatre textes commencent
signification essentielle dans leur rception par l’ensemble de l’glise. Il
nous est dit que Jsus prit le pain, pronona la prire de bndiction et
d’action de grce et ensuite le rompit. Au commencement il y a l’eucharistia
(Paul/Luc) ou bien l’eulogia (Marc/Matthieu) : les deux termes
indiquent la berakha, la grande prire d’action de grce et de
bndiction de la tradition juive, qui fait partie aussi bien du rituel
pascal que d’autres banquets. On ne mange pas sans remercier Dieu pour le
don qu’il offre : pour le pain, qu’il fait pousser et crotre de la terre,
comme aussi pour le fruit de la vigne. Les deux paroles diffrentes que Marc/Matthieu, d’une part,
et Paul/Luc, de l’autre, utilisent, indiquent les deux directions
intrinsques de cette prire : elle est action de grce et louange pour le
don de Dieu. Cette louange, cependant, renvoie la bndiction sur le don,
comme on lit en 1 Tm 4,4s. : Tout ce que Dieu a cr est bon et
aucun aliment n’est proscrire, si on le prend avec action de grce (eucharistia)
la parole de Dieu et la prire le sanctifient. Dans la dernire Cne,
Jsus (comme dj dans la multiplication des pains, Jn 6,11) a
accueilli cette tradition. Les paroles de l’institution sont dans ce
contexte de prire : en elles, l’action de grce devient bndiction et
transformation. Depuis ses tout dbuts, l’glise a compris les paroles de
conscration non pas simplement comme une sorte de commandement presque
magique, mais comme faisant partie de la prire faite avec Jsus ; comme
terrestre nous est de nouveau offert par Dieu comme corps et sang de Jsus,
comme don de soi de Dieu dans l’amour accueillant du Fils. Louis Bouyer a
cherch dcrire le dveloppement de l’eucharistia chrtienne – du
canon – partir de la berakha juive. On comprend ainsi que
Eucharistie soit devenue la dnomination de l’ensemble du nouvel vnement
cultuel donn par Jsus. Nous devrons encore revenir sur ce sujet dans la
quatrime section de ce chapitre. En second lieu, il est dit que Jsus rompit le pain.
Rompre le pain pour tous est avant tout la fonction du pre de famille, qui
reprsente par l, et de quelque manire aussi, Dieu le Pre qui, par la
fertilit de la terre, nous distribue tous ce qui est ncessaire pour
vivre. Et c’est aussi le geste de l’hospitalit, par lequel on fait
conviviale. Rompre et partager : le fait de partager cre justement une
communion. Ce geste humain essentiel de donner, de partager et d’unir,
trouve dans la dernire Cne de Jsus une profondeur toute nouvelle : il se
donne lui-mme. La bont de Dieu, qui se manifeste travers le fait de
distribuer, devient tout fait radicale au moment o le Fils, dans le pain,
se communique et se distribue lui-mme. Le geste de Jsus est devenu ainsi le symbole de tout le
mystre de l’Eucharistie : dans les Actes des Aptres et dans le
christianisme primitif en gnral, rompre le pain dsigne l’Eucharistie.
en Jsus Christ
crucifi et ressuscit, se donne nous. Rompre le pain et le distribuer –
l’acte d’attention aimante pour celui qui a besoin de moi – est donc une
dimension intrinsque de l’Eucharistie elle-mme. La Caritas, le souci de l’autre, n’est pas un
domaine secondaire du christianisme ct du culte, mais elle est enracine
en lui et en fait partie. Dans l’Eucharistie, dans le fait de rompre le
pain, la dimension horizontale et la dimension verticale sont relies
insparablement. Dans cette double affirmation sur le fait de rendre grce
et sur le fait de partager, au commencement du rcit de l’institution, la
nature du nouveau culte fond par le Christ la dernire Cne, sur la Croix
et la Rsurrection est rendue vidente : par l, l’ancien culte du Temple
est aboli et en mme temps il est port son accomplissement. Venons-en maintenant la parole prononce sur le pain. Selon
Marc et Matthieu elle dit simplement : Ceci est mon corps, Paul et Luc
ajoutent: donn pour vous. Ils mettent ainsi en vidence ce qui, en soi,
est contenu dans le geste de distribuer. Quand Jsus parle de son corps,
cela, videmment, ne veut pas dire le corps distinct de l’me et de
l’esprit, mais la personne entire en chair et en os. En ce sens Rudolf
Pesch commente avec justesse : Jsus dans son interprtation du pain
suppose la signification particulire de sa personne. Les disciples peuvent
comprendre : Je suis cela, le Messie (Markusevangelium II, p. 357). Mais comment cela peut-il se raliser ? De fait, Jsus se
trouve au milieu de ses disciples qu’est-il en train
de faire ? Il accomplit ce qu’il avait dit dans le discours du bon
Pasteur : Personne n’enlve ma vie, mais je la dpose de moi-mme (Jn
10,18). La vie lui sera enleve sur la Croix, mais
dj maintenant il l’offre lui-mme. Il transforme sa mort violente en un
acte libre de don de soi pour les autres et aux autres. Et il sait: J’ai pouvoir de la dposer, et j’ai pouvoir de
la reprendre (ibid.). Il donne sa vie en sachant que de cette faon
il la reprend de nouveau. Dans l’acte de donner sa vie, la Rsurrection est
il peut se distribuer lui-mme
ds maintenant, parce que ds maintenant il offre sa vie, il s’offre
lui-mme, et par l ds maintenant il la reprend. Il peut ainsi instituer
maintenant le Sacrement dans lequel il devient le grain de bl qui meurt et
dans lequel, travers tous les temps, il se distribue lui-mme aux hommes
dans la vraie multiplication des pains. La phrase concernant le calice, laquelle nous prtons
maintenant attention, est d’une extraordinaire densit
thologique. Comme dj indiqu plus haut, dans le petit nombre de
mots de cette phrase sont entrelacs trois textes vtrotestamentaires, si
bien que toute l’histoire prcdente du salut y est rsume et rendue
nouveau prsente. Nous avons tout d’abord Exode 24,8 – la conclusion de
l’Alliance au Sina; puis Jrmie 31,31 – la promesse de la Nouvelle
Alliance au milieu de la crise de l’histoire de l’Alliance, une crise dont
les manifestations les plus importantes taient la destruction du Temple et
l’exil Babylone ; et enfin, il y a Isae 53,12 –
la promesse mystrieuse du Serviteur de Dieu, qui
porte le pch de la multitude et de cette faon obtient pour elle le salut. Cherchons maintenant comprendre ces trois textes, chacun
dans sa propre signification et dans son nouveau contexte. L’Alliance du
Sina, selon la description d’Exode 24, se fondait sur deux lments
d’une part, sur le sang de l’alliance, le sang d’animaux sacrifis,
avec lequel tait asperg l’autel – comme symbole de Dieu – et le peuple et,
d’autre part, sur la parole de Dieu et sur la promesse
de l’obissance d’Isral : Ceci est le sang de l’Alliance que le
Seigneur a conclue avec vous moyennant toutes ces clauses, avait dit
solennellement Mose aprs le rite de l’aspersion. Juste avant, le peuple
avait rpondu la lecture du livre de l’Alliance : Tout ce que le
Seigneur a dit, nous le ferons et nous y obirons (Ex 24,7s.) Cette promesse d’obissance, qui tait constitutive pour
l’Alliance, fut rompue immdiatement aprs par l’adoration du veau d’or
alors que Mose se trouvait sur la montagne. Toute l’histoire qui suit est
une histoire de violations toujours nouvelles de la
promesse d’obissance, comme le montrent aussi bien les livres
historiques de l’Ancien Testament que les livres des prophtes. La rupture
semble irrmdiable au moment o Dieu abandonne son peuple l’exil et le
Temple la destruction. ce moment-l surgit l’esprance de la Nouvelle Alliance
non plus fonde sur la fidlit toujours fragile de la volont humaine,
mais inscrite indestructiblement dans les curs eux-mmes (cf. Jr
31,33). En d’autres termes, la Nouvelle Alliance doit se fonder sur une
obissance qui soit irrvocable et inviolable. Cette obissance, qui fonde
maintenant la racine de l’humanit, est l’obissance du Fils qui s’est fait
serviteur et qui prend sur lui, par son obissance jusqu’ la mort, toute
dsobissance humaine. Il la supporte jusqu’au bout et la surmonte. Dieu ne peut pas tout simplement ignorer l’ensemble de la
dsobissance des hommes, tout le mal de l’histoire, il ne peut pas le
traiter comme une chose de peu d’importance et insignifiante. Une telle
sorte de misricorde, de pardon inconditionnel serait cette grce
bon march, contre laquelle Dietrich Bonhoeffer s’est lev avec raison
face l’abme du mal de son temps. L’injustice, le mal comme ralit, ne
peut pas tre simplement ignor, ne peut tre laiss l. Il doit tre
limin, vaincu. C’est l seulement la vraie misricorde. Et puisque les
hommes n’en sont pas capables, Dieu lui-mme s’en charge maintenant – c’est
l la bont inconditionnelle de Dieu, une bont qui ne peut jamais tre
en contradiction avec la vrit et la justice qui lui est lie.
Si nous sommes infidles, lui reste fidle, car il ne
peut se renier lui-mme (2 Tm 2,13). Sa fidlit rside dans le fait que
maintenant lui-mme n’agit pas seulement comme Dieu l’gard des hommes,
mais aussi comme homme l’gard de Dieu, fondant ainsi l’Alliance de
manire irrvocablement stable. Par consquent, la figure du
Serviteur de Dieu, qui porte le pch de la multitude (cf. Is 53,12),
va avec la promesse de la Nouvelle Alliance fonde de manire
indestructible. Cette greffe dsormais indestructible de l’Alliance dans le
cur de l’homme, de l’humanit elle-mme, se ralise dans la souffrance
vicaire du Fils qui s’est fait serviteur. Depuis lors,
la mare immonde du mal s’oppose l’obissance du Fils, en
qui Dieu lui-mme a souffert et dont, en consquence, l’obissance est
toujours infiniment plus grande que la masse croissante du mal (cf. Rm
5,16-20). Le sang des animaux n’avait pu ni expier le pch, ni
relier Dieu et les hommes. Il pouvait seulement tre un signe de l’esprance
et de l’attente d’une obissance plus grande et vraiment salvifique. Dans la
il donne la nouvelle alliance dans son sang. Son sang – c’est–dire
le don total de lui-mme, dans lequel il souffre jusqu’au bout tout le mal
de l’humanit, et il limine toute trahison en
l’absorbant dans sa fidlit inconditionnelle. C’est cela le culte
nouveau, qu’il institue la dernire Cne : attirer l’humanit dans son
signifie qu’il est pour une multitude – pour nous – et dans le
Sacrement, il nous accueille dans cette multitude. Maintenant, il reste encore expliquer, dans les paroles
d’institution de Jsus, une expression qui a suscit rcemment de multiples
discussions. Selon Marc et Matthieu, Jsus a dit que son sang serait vers
pour une multitude, faisant ainsi allusion justement Isae
53, alors que chez Paul et Luc il est question de donner ou plutt de verser
pour vous. La thologie rcente a soulign avec raison le mot
pour commun aux quatre rcits, un mot qui
peut tre considr comme un mot-cl non seulement dans les rcits de la
dernire Cne, mais pour la figure mme de Jsus en gnral. Sa nature tout
entire est qualifie par le mot existence-pour
une existence non pour elle-mme mais pour les
autres, et cela non dans une dimension quelconque de cette existence,
mais dans ce qui en constitue l’aspect le plus profond et le plus
totalisant. Son tre est dans un tre pour.
Si nous russissons comprendre cela, alors nous nous serons vritablement
approchs du mystre de Jsus, alors nous saurons aussi ce que signifie
marcher sa suite. Mais que veut dire vers pour une
multitude ? Dans son uvre fondamentale Die Abendmahlsworte Jesu
(1935), Joachim Jeremias a cherch montrer que le mot multitude dans
les rcits sur l’institution serait un smitisme et qu’il devrait donc tre
lu non pas partir de la signification du mot grec, mais selon les textes
vtrotestamentaires correspondants. Il cherche montrer que le mot
multitude dans l’Ancien Testament signifie la
totalit et donc qu’en ralit il faudrait le traduire par tous
Cette thse s’est alors vite affirme et est devenue une conviction
thologique commune. Selon celle-ci, dans les paroles de la conscration, la
multitude a t traduite en diverses langues par tous. Vers pour
vous et pour tous, c’est ainsi que, dans divers pays, les fidles
entendent aujourd’hui les paroles de Jsus durant la clbration
eucharistique. Entre-temps, toutefois, ce consensus entre les exgtes s’est
de nouveau bris. L’opinion dominante tend aujourd’hui soutenir que
multitude en Isae 53 et aussi en d’autres endroits, tout en
signifiant une totalit, ne peut pas tre simplement assimile tous.
En s’appuyant sur le langage de Qumran, on suppose gnralement maintenant
que multitude en Isae et chez Jsus signifie la totalit d’Isral
(cf. Pesch, Abendmahl, p. 99; Wilckens 1/2, p. 84). C’est seulement
avec le passage de l’vangile aux paens qu’aurait t rendu vident
l’horizon universel de la mort de Jsus et de son expiation, qui comprend
galement Juifs et paens. Dernirement, le jsuite viennois Norbert Baumert, avec
Maria-Irma Seewann, a prsent une interprtation de pour une multitude,
que Jean Pascher avait dj dveloppe en 1947, pour l’essentiel, dans son
livre Eucharistia. Le noyau de la thse est celui-ci : selon la
structure linguistique du texte, l’ tre vers ne se rfre pas au sang,
mais au calice; il s’agirait donc d’un actif « verser » du sang du calice,
un acte dans lequel la vie divine elle-mme est donne abondamment, sans
aucune allusion l’agir de bourreaux (Gregorianum 89, p. 507). La
Croix et son effet, mais l’acte sacramentel, et ainsi s’clairerait
aussi le mot multitude : alors que la mort de Jsus vaut pour tous,
la porte du Sacrement est plus limite. Il rejoint
une multitude, mais pas tous (cf. en particulier p. 511). Sous l’aspect strictement philologique, cette solution peut
tre vraie pour le texte de Marc 14,24. Si on n’attribue aucune
originalit au texte de Matthieu l’gard de Marc, pour les paroles de la
dernire Cne la solution pourrait tre convaincante. Le fait de souligner
la diffrence entre le rayonnement de l’Eucharistie et le rayonnement
universel de la mort en Croix de Jsus est en tout cas prcieux et peut
faire avancer la recherche. Mais le problme du mot multitude n’en est
toutefois que partiellement expliqu. Reste, en effet, l’interprtation fondamentale que Jsus
donne de sa mission en Marc 10,45, o justement revient le mot
multitude : Le Fils de l’homme lui-mme n’est pas venu pour tre servi,
mais pour servir et donner sa vie en ranon pour une
multitude. et
il est ainsi vident que par l Jsus reprend la prophtie sur le Serviteur
de Dieu en Isae 53 et la relie la mission du Fils de l’homme qui,
en consquence, prend une nouvelle signification. Que devons-nous donc dire ? Il me semble prsomptueux et sot
de vouloir scruter la conscience de Jsus et de vouloir expliquer partir
de celle-ci ce que, selon notre connaissance de ces temps-l et des
conceptions thologiques d’alors, il peut avoir pens ou ne pas avoir pens.
Nous pouvons seulement dire qu’il savait que dans sa personne
s’accomplissait la mission du Serviteur de Dieu et celle du Fils de l’homme
dpassement de la limitation de la mission du Serviteur de Dieu, une
universalisation qui indique une nouvelle ampleur et profondeur. Nous pouvons encore noter comment, dans le cheminement de
l’glise naissante, grandit en mme temps et lentement la comprhension de
la mission de Jsus et comment les disciples, dans leur remmoration sous la
mouvance de l’Esprit de Dieu (Jn 14,26), commencent peu peu
percevoir tout le mystre prsent derrire les paroles de Jsus. 1 Tm
2,6 parle de Jsus comme de l’unique mdiateur entre Dieu et les hommes,
qui s’est livr en ranon pour tous. La
avec une clart cristalline. Chez Paul et Jean, nous pouvons trouver des rponses
historiquement diffrencies et en substance pleinement concordantes la
question concernant le rayonnement de l’uvre salvifique de Jsus rponses
indirectes au problme multitude/tous. Paul crit aux Romains que les
paens dans leur totalit (plromd)
doivent atteindre le salut et que tout Isral sera sauv (cf. 11,25s.). Jean
dit que Jsus serait mort pour le peuple (les Juifs), cependant non
pas pour la nation seulement, mais encore afin de
rassembler dans l’unit les enfants de Dieu disperss (11,50s.). La mort de Jsus vaut pour les Juifs et
pour les paens, pour l’humanit dans son ensemble. Si la multitude en Isae pouvait signifier
essentiellement la totalit d’Isral, dans la rponse croyante que l’glise
donne au nouvel usage du mot de la part de Jsus, il est toujours plus
vident que, de fait, il est mort pour tous. En 1921, le thologien protestant Ferdinand Kattenbusch a
cherch montrer que les paroles de l’institution de Jsus durant la
dernire Cne constitueraient l’acte authentique de fondation de l’glise.
et faisait d’eux une communaut. Kattenbusch avait raison : avec
l’Eucharistie, l’glise elle-mme a t institue. Elle devient une unit,
elle devient elle-mme partir du Corps du Christ et en mme temps,
de l’histoire. L’Eucharistie est le processus visible du fait de se runir,
un processus qui, partir d’un lieu et travers tous les lieux, est une
entre en communion avec le Dieu vivant qui, de l’intrieur, rapproche les
hommes les uns des autres. L’glise se forme partir de l’Eucharistie. Elle
en reoit son unit et sa mission. L’glise vient de la dernire Cne, mais
justement pour cela elle vient de la mort et de la Rsurrection du Christ,
Benot XVI1. La date de la dernire Cne
Benot XVI4. De la Cne l’Eucharistie du dimanche matin
Sources :Texte original des crits du Saint Pre Benoit XVI –
E.S.M.
Ce document est destin l’information; il ne
Eucharistie sacrement de la misricorde –
(E.S.M.) 28.01.2023